Au matin du 29 avril 2025, l’histoire canadienne bascule dans ce qui ressemble moins à un chapitre nouveau qu’à un retour cyclique du cauchemar : Mark Carney, banquier des banquiers, prophète du consensus aseptisé, est porté au pouvoir par un peuple hypnotisé par sa propre peur. Les urnes, sanctuaire théorique de la souveraineté populaire, ont cette fois consacré non pas une vision, mais une crispation : celle d’un électorat tétanisé par l’ombre de Trump, l’instabilité du monde et surtout sa propre impuissance.
Ce matin, ce ne sont pas tant des bulletins de vote que des lettres d’abdication qui ont été déposées dans les boîtes électorales : le renoncement officiel à l’idée qu’un peuple puisse se gouverner sans tutelle technocratique. Car Mark Carney n’est pas un chef d’État au sens noble. Il est le fondé de pouvoir des institutions transnationales, le prêtre laïc d’un clergé post-démocratique qui ne croit qu’à une chose : la gestion. Et c’est précisément ce que les Canadiens ont choisi. Pas un projet, pas une vision, mais une gestion du déclin.
Le couronnement du néant
Ne nous y trompons pas. Carney n’a pas été élu malgré les scandales libéraux, mais grâce à l’oubli méthodique dans lequel ils ont été ensevelis. L’Aga Khan? C’était il y a une éternité, n’est-ce pas? SNC-Lavalin? Trop complexe pour être raconté en mèmes. La farce diplomatique des Trudeau et Joly, l’effacement du Canada sur la scène internationale, le sabotage économique par les politiques fiscales délirantes? Peu importe. Tout fut enseveli sous une avalanche de récits anxiogènes sur la « menace populiste », le retour de la droite, le spectre de Trump, et ce refrain imbécile : « nous devons nous protéger ». Contre quoi? Contre nous-mêmes, manifestement.
Une victoire construite sur l’effondrement psychique d’une nation
Ce scrutin n’est pas un choix démocratique au sens noble, mais une décision prise sous l’empire de la panique. La psychose collective l’a emporté sur la raison. Car l’électeur canadien moyen de 2025 ne pense plus en citoyen, mais en patient sous anxiolytiques. Il ne demande pas la liberté, il réclame la stabilité. Il ne désire plus le progrès, mais l’assurance que tout restera figé, même dans l’absurde. Et Carney, avec son ton monocorde de gouverneur de banque centrale, son sourire sans aspérités, sa promesse de calme plat, fut le produit parfait de cette régression.
Il faut dire qu’il incarne à la perfection cette époque sans colonne vertébrale. Anglo-mondialiste, trilingue de la finance, infusé de jargon ESG, il ne promet rien d’autre que la conformité : aux marchés, aux traités, aux « recommandations » du FMI, à l’ordre mondial établi. Il est l’homme du capitalisme de surveillance qui rassure les anxieux urbains et les retraités boomers : un père Fouettard sans fouet, une figure d’autorité douce qui vous tient la main pendant qu’on vous confisque la maison et que votre fils de 25 ans dort encore dans le sous-sol.
Le dernier clou dans le cercueil du politique
Avec Carney, c’est le triomphe d’un Canada où il ne sera plus nécessaire de débattre. Pourquoi le ferait-on ? Les décisions viendront d’en haut, des algorithmes, des experts, des comités indépendants, des panels de citoyens tirés au sort qui répéteront ce que la CBC leur aura dicté la veille. Le politique, c’est-à-dire le conflit, la confrontation des intérêts, le choc des visions du monde, tout cela est désormais rangé au musée des horreurs.
Et ceux qui s’y opposent? Réactionnaires, incels, nostalgiques, anti-science, complotistes — selon la taxonomie officielle des éditorialistes subventionnés. Dans ce monde nouveau, où toute résistance est pathologisée, Carney est moins un premier ministre qu’un pharmacien en chef : il administre des doses de réalité filtrée à une population sous sédatif.
L’immigration ? Pas un sujet. Le logement ? Géré par des acronymes. La souveraineté ? Un mot trop masculin. Le fédéralisme ? Une fiction archaïque. Les provinces pourront bien râler, les régions bien crever, tant que les centres urbains votent correctement. Et ils le feront. Ils ont été bien dressés.
Et maintenant ?
Il faut dire les choses crûment : le Canada vient d’officialiser son passage à la post-démocratie administrée. L’élection de Carney, ce n’est pas une alternance, c’est une reddition. La gauche s’y retrouvera dans ses postures morales, la droite économique y verra une garantie de continuité bancaire, les centristes se réjouiront que rien ne change. C’est la victoire de l’immobilisme contre l’histoire.
Mais comme toujours, les peuples n’évitent jamais les conséquences de leurs choix. Ce matin, ils ont choisi le confort contre le courage, la gestion contre la grandeur, l’anxiolytique contre le risque.
Et ils auront, comme toujours, la facture.