Dans une déclaration ferme contre les politiques fédérales, la première ministre de l’Alberta Danielle Smith a annoncé le gel immédiat de la taxe carbone industrielle à 95 $ la tonne, défiant ainsi les plans d’Ottawa d’augmenter progressivement cette taxe jusqu’à 170 $ la tonne d’ici 2030.
Une mesure pour protéger l’économie albertaine
Lors d’une conférence de presse tenue le 12 mai 2025, accompagnée de la ministre de l’Environnement et des Aires protégées Rebecca Schulz, Danielle Smith a justifié cette décision comme une réponse nécessaire aux pressions économiques actuelles, notamment celles provenant des tarifs imposés par les États-Unis.
« Les tarifs actuellement imposés par les États-Unis augmentent les coûts, perturbent les chaînes d’approvisionnement et créent de l’incertitude pour l’industrie, ce qui rend difficile un fonctionnement efficace et le maintien de la compétitivité à l’échelle mondiale, » a déclaré Smith.
La première ministre a précisé que cette décision répond directement aux préoccupations exprimées par les industries : « Ce que nous avons entendu de l’industrie, c’est que toute augmentation supplémentaire de la taxe sur le carbone industriel au-delà de 100 $ la tonne serait néfaste pour leurs activités et nuirait à leur compétitivité sur le marché. »
Un système alternatif à l’approche d’Ottawa
L’annonce concerne spécifiquement le système provincial TIER (Technology and Innovation Emissions Reduction), en place depuis 2007. Selon Smith, ce système a déjà démontré son efficacité en « réduisant l’intensité des émissions de plus de 22 % et les émissions totales d’environ 7,2%, alors que la production augmentait de 90%. »
La ministre Schulz a souligné que cette mesure bénéficiera à plusieurs secteurs au-delà de l’énergie : « [Ce gel] profitera également à plusieurs secteurs de l’économie, notamment l’agriculture, la foresterie et la fabrication, en contribuant à réduire les coûts, à faire croître les industries et, bien sûr, à maintenir les Albertains au travail. »
Une contestation directe du gouvernement fédéral
La décision représente un défi direct aux politiques environnementales du gouvernement Carney. Smith n’a pas mâché ses mots en qualifiant les politiques fédérales de « politiques anti-industrie et anti-développement adoptées par les politiciens libéraux et néo-démocrates à Ottawa pour plafonner la production, enclaver les ressources de l’Alberta, détruire notre réseau électrique fiable et abordable, et, en fin de compte, mettre les Albertains au chômage et ruiner notre économie. »
Rebecca Schulz a ajouté : « Au cours des dix dernières années, notre province a été confrontée à un véritable raz-de-marée de politiques fédérales hostiles à l’énergie, à l’agriculture et aux ressources. Ces politiques ont entraîné des coûts supplémentaires, accru les délais et, en pratique, suspendu une pancarte “fermé pour affaires” sur la porte du Canada — que ce soit pour le GNL, le pétrole, le gaz naturel ou les nombreuses autres ressources dont nous sommes dotés. »
La question de la souveraineté et de l’unité canadienne
Bien que l’annonce principale concernait le gel de la taxe carbone, la conférence de presse a également abordé des questions de souveraineté albertaine. Interrogée sur un possible référendum d’indépendance proposé par le groupe Alberta Prosperity Project, Smith a précisé sa position :
« Je sais qu’il existe plusieurs groupes qui proposent différents échéanciers, différentes questions, alors j’attendrai de voir lequel obtiendra suffisamment de signatures et lancera réellement une campagne de pétition avant de commenter. Mais ma position est claire. Je soutiens une Alberta souveraine au sein d’un Canada uni, et c’est mon rôle de voir si nous pouvons conclure une nouvelle entente avec Ottawa afin de convaincre un plus grand nombre d’Albertains d’en arriver à la même vision. »
Danielle Smith, le 12 mai 2025.
Smith a souligné que sa priorité reste d’obtenir un nouveau deal pour l’Alberta au sein de la Confédération canadienne, tout en respectant le droit des citoyens à lancer des initiatives référendaires.
Une vision alternative pour la réduction des émissions
Plutôt que de s’appuyer uniquement sur la tarification du carbone, Smith propose une approche axée sur l’innovation : « L’Alberta demeure résolue à réduire les émissions grâce au développement et à la mise en œuvre de nouvelles technologies, et non par des taxes irréalistes élevées, tout en alimentant le monde de manière responsable pour les décennies à venir. »
La première ministre a mentionné que « la ministre Schultz a fait un travail remarquable en soutenant une grande variété de projets par l’entremise de l’organisme Emissions Reduction Alberta, qui a permis de lancer un certain nombre d’innovations extraordinaires, notamment dans la géothermie, l’analyse des petits réacteurs nucléaires modulaires. Nous avons également une installation de captage direct de l’air qui mène des projets pilotes dans le centre de l’Alberta. »
Une stratégie à long terme pour 2050
Smith a défendu l’idée que le gel de la taxe carbone n’empêchera pas l’Alberta d’atteindre ses objectifs environnementaux de carboneutralité pour 2050. « Si on donne à l’industrie un délai suffisant pour qu’elle puisse continuer d’investir dans ces améliorations progressives par étapes, alors je pense que nous avons toutes les raisons de croire que l’objectif de 2050 est réalisable, » a-t-elle affirmé.
La ministre Schulz a conclu en soulignant la contradiction perçue dans les politiques fédérales : « lorsque nous travaillons avec d’autres nations à travers le monde pour leur fournir notre énergie sécuritaire, abordable et produite de manière responsable, la question qui revient souvent est : “Comment votre pays peut-il avoir une approche politique aussi absurde? Votre gaz naturel nous aiderait, en tant que consommateurs d’énergie, à atteindre nos objectifs de réduction des émissions. Alors, pourquoi limiter la production et imposer des taxes aussi élevées à vos producteurs?” Ça n’a aucun sens. »
Cette décision audacieuse de l’Alberta illustre une fois de plus les tensions persistantes entre la province pétrolière et le gouvernement fédéral sur les questions environnementales et économiques, dans un contexte où l’équilibre entre développement économique et objectifs climatiques reste un défi majeur pour le Canada.