Le projet de loi C-5 du gouvernement Carney fait réagir. Selon un sondage de l’Institut Angus Reid mené du 20 au 23 juin auprès de 1 619 Canadiens, cette législation phare baptisée « Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada » divise autant qu’elle rassemble.
Voir aussi:
- Projet de loi C-5 : Ottawa impose sa loi au nom du commerce
- Carney et Poilievre : leur premier bébé législatif est né
Un appui mitigé mais majoritaire
L’étude révèle que 53% des Canadiens appuient globalement le projet de loi, tandis que 22% s’y opposent. Mais le chiffre le plus révélateur? Un Canadien sur quatre (26%) demeure incertain— un niveau élevé d’indécision qui suggère une réception mitigée du projet.
Des majorités d’électeurs libéraux et conservateurs soutiennent le projet de loi C-5, note l’étude, avec 60% des électeurs libéraux et 58% des conservateurs qui y sont favorables. Une convergence rare entre les deux formations, contrastant avec l’époque Trudeau où les conservateurs s’opposaient systématiquement aux projets libéraux.
Le diable dans les détails
Si les Canadiens adhèrent massivement (88%) à l’élimination des barrières commerciales interprovinciales, ils se montrent plus frileux sur les moyens d’accélérer les grands projets d’infrastructure.
L’accélération des projets majeurs recueille un solide appui de 74%, mais les méthodes proposées font grincer des dents. La moitié des répondants (49%) s’opposent à la condensation ou au contournement des évaluations environnementales, tandis que 30% rejettent l’idée de passer outre la supervision provinciale.

Le Québec fait de la résistance
La Belle Province se distingue par sa méfiance envers l’ingérence fédérale. Près de deux Québécois sur cinq (42%) s’opposent au contournement de la supervision provinciale, contre 45% qui l’appuient – un écart bien plus mince qu’ailleurs au pays.
Cette réticence québécoise contraste avec le fort appui mesuré en Alberta, où 75% des répondants soutiennent le contournement des lois provinciales. Une différence qui s’explique par l’historique des projets pétroliers bloqués comme TransMountain, Northern Gateway et Énergie Est.
Les Premières Nations dans l’équation
Le projet de loi exige la consultation des communautés autochtones sans leur accorder de droit de veto sur les projets d’intérêt national. Cette approche recueille l’appui de 59% des Canadiens, mais fait bondir les leaders autochtones.
« Les Premières Nations sont unies. Elles veulent la prospérité, mais pas au détriment de leurs droits », a déclaré la cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations, Cindy Woodhouse Nepinak, qui a demandé à la gouverneure générale Mary Simon de refuser la sanction royale.
Malheureusement pour elle, ce projet de loi a été adopté et a reçu la sanction royale le jeudi 26 juin 2025.
L’environnement, ligne de fracture
C’est sur la question du contournement des évaluations environnementales que les divisions partisanes sont les plus marquées. Cette mesure constitue l’aspect le plus controversé du projet de loi C-5, avec seulement 38% d’appui général contre 49% d’opposition.
Selon l’enquête Angus Reid, les clivages politiques traditionnels refont surface sur cette question :
- 60% des électeurs libéraux s’opposent à cette mesure
- 59% des électeurs conservateurs y sont favorables
- 78% des électeurs néo-démocrates la rejettent
Autrement dit, les électeurs libéraux rejettent majoritairement l’idée de réduire ou d’ignorer les examens environnementaux pour accélérer les projets, alors que les électeurs conservateurs l’appuient majoritairement.
Cette division illustre un paradoxe canadien : selon une étude d’Angus Reid de février, les priorités énergétiques ont récemment penché vers la croissance économique. Pourtant, près de la moitié des Canadiens (49 %) demeurent attachés aux garde-fous écologiques, même lorsqu’il s’agit de projets jugés d’intérêt national.
Les variations régionales sont également frappantes : l’Alberta (51%) et la Saskatchewan (52%) appuient cette mesure, tandis que le Québec (61%) et la Colombie-Britannique (49%) s’y opposent fermement.
Une législation qui fait du bruit
Le projet de loi a provoqué des remous considérables. Les groupes environnementaux dénoncent une législation qui pourrait « démanteler les protections environnementales », tandis que les Premières Nations menacent de contester le projet devant les tribunaux.
La ministre des Relations Couronne-Autochtones, Rebecca Alty, tente de rassurer en promettant de privilégier les « projets qui ont le soutien des Autochtones et, encore mieux, une participation autochtone ».
Un choix politique qui rompt avec les pratiques précédentes
En obtenant l’appui des conservateurs, Mark Carney a réussi à faire adopter un projet de loi majeur qui transcende les lignes partisanes – une rupture notable avec les dynamiques de l’ère Trudeau.
Cette stratégie s’est avérée payante. Le projet a reçu un appui combiné de 58 % chez les électeurs conservateurs et 60 % chez les libéraux, une convergence qui reste rare dans la politique fédérale récente.
Malgré les tensions et appels à la contestation, le projet a complété son parcours législatif avec l’appui des deux principaux partis et la sanction royale a été accordée le 26 juin par la gouverneure générale Mary Simon.
Bien que les électeurs néo-démocrates soient partagés – 36 % en faveur, 35 % contre – et qu’un Canadien sur quatre demeure incertain (26 %), le projet a tout de même franchi les étapes parlementaires sans difficulté. Dans un contexte où libéraux et conservateurs détiennent ensemble une majorité confortable, ces réserves n’ont pas freiné son adoption.
Le projet C-5 marque la première collaboration majeure entre le gouvernement Carney et l’opposition conservatrice. Reste à voir si cette dynamique se maintiendra dans les mois à venir.
L’étude de l’Institut Angus Reid a été menée en ligne du 20 au 23 juin 2025 auprès de 1 619 adultes canadiens membres du Forum Angus Reid. L’échantillon a été pondéré pour être représentatif de la population adulte nationale selon la région, le sexe, l’âge, le revenu du ménage et l’éducation.