Samedi, juin 28, 2025

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Le Canada déclenche la fureur de Washington

À trois jours de la date limite pour le paiement rétroactif de la nouvelle taxe canadienne sur les services numériques, les tensions commerciales entre Ottawa et Washington ont franchi un nouveau seuil. Le président Donald Trump a annoncé vendredi la rupture immédiate des discussions commerciales avec le Canada, qualifiant la mesure fiscale canadienne d’« attaque directe » contre les entreprises technologiques américaines.

« Nous venons tout juste d’apprendre que le Canada — un pays très difficile avec lequel commercer, notamment parce qu’il impose à nos agriculteurs des tarifs pouvant atteindre 400 % sur les produits laitiers, et ce, depuis des années — vient d’annoncer qu’il allait imposer une taxe sur les services numériques visant nos entreprises technologiques américaines. C’est une attaque directe et flagrante contre notre pays. Il est évident qu’ils copient l’Union européenne, qui a fait la même chose et avec qui nous sommes actuellement en pourparlers. En raison de cette taxe scandaleuse, nous mettons fin, avec effet immédiat, à toutes les discussions commerciales avec le Canada. Nous informerons le Canada du tarif qu’il devra payer pour faire des affaires avec les États-Unis d’Amérique dans les sept prochains jours. Merci de votre attention sur cette question ! »

Donald Trump, sur Truth Social

Une taxe qui ne passe pas

La Digital Services Tax Act, sanctionnée en juin 2024, impose une taxe de 3 % sur les revenus numériques générés auprès d’utilisateurs canadiens. Sont visés : les géants de la publicité en ligne, les plateformes de commerce électronique, les réseaux sociaux et les vendeurs de données personnelles — des secteurs largement dominés par les entreprises américaines.

Mais le caractère rétroactif de la loi — couvrant la période de janvier 2022 à décembre 2024 — constitue le cœur du litige. Les premières sommes sont exigibles dès le 30 juin 2025, un paiement unique qui pourrait atteindre plusieurs milliards de dollars pour des groupes comme Google, Meta, Amazon et Apple.

De plus, cette taxe s’appliquera annuellement et pourrait coûter « plusieurs milliards » aux entreprises comme Google, Meta, Amazon ou Apple par an.

Selon la Computer & Communications Industry Association (CCIA), cette taxe rétroactive pourrait coûter jusqu’à 3 milliards de dollars US aux entreprises américaines. L’organisme accuse Ottawa de « cibler de manière injuste » les sociétés étrangères.

Un vieux grief commercial relancé

Dans sa déclaration, Donald Trump n’a pas seulement attaqué la taxe numérique. Il a aussi remis en cause l’un des différends commerciaux les plus anciens entre le Canada et les États-Unis : la gestion de l’offre dans le secteur laitier. Selon lui, Ottawa impose depuis des années des tarifs prohibitifs pouvant atteindre 300 à 400 % sur certains produits laitiers américains, bloquant leur accès au marché canadien.

Ce grief n’est pas nouveau. Il avait été au cœur des tensions lors des négociations de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM/USMCA), où Washington avait exigé une ouverture accrue du marché canadien. Le Canada avait alors accepté d’élargir certains quotas, mais sans abolir son système de gestion de l’offre.

Le fait que Trump relance le dossier du lait canadien au même moment que celui de la taxe numérique n’a rien d’un hasard. C’est une façon de rappeler que les tensions commerciales avec le Canada ne datent pas d’hier, et que selon lui, Ottawa profite depuis longtemps de règles injustes. En dénonçant à nouveau les tarifs très élevés sur les produits laitiers américains, il cherche à montrer que la taxe numérique ne serait qu’un nouvel exemple d’un problème plus large. Pour Trump, le Canada multiplie les gestes hostiles sur le plan économique, et il est temps, dit-il, de répondre fermement.

Ottawa défend sa souveraineté fiscale

Le gouvernement canadien, de son côté, s’était défendu de toute animosité. La ministre des Finances Chrystia Freeland avait déclaré en avril que la taxe visait à « assurer une juste contribution fiscale des multinationales » et qu’elle resterait en place tant qu’un accord mondial ne sera pas conclu.

Depuis 2021, l’OCDE travaille à une réforme fiscale internationale, le fameux « Pilier 1 », qui redistribuerait les droits d’imposition entre pays. Mais faute de consensus — et avec les délais qui s’accumulent — Ottawa a décidé d’aller de l’avant unilatéralement, comme plusieurs pays européens l’ont déjà fait.

Une escalade aux conséquences incertaines

La décision de Trump pourrait remettre en question des dizaines de dossiers bilatéraux, du commerce agroalimentaire à la coopération énergétique. Bien que le commerce entre le Canada et les États-Unis ait atteint un sommet de plus de 700 milliards de dollars en 2024, la relation n’a jamais été à l’abri de tensions — en témoignent les différends sur le bois d’œuvre, les métaux ou le lait.

Des réactions tarifaires américaines sont maintenant attendues d’ici la semaine prochaine. Plusieurs sources à Washington évoquent la possible utilisation de la Section 301 du Trade Act, qui permet au président d’imposer des sanctions commerciales contre des mesures jugées discriminatoires.

Une erreur stratégique?

Pour plusieurs observateurs économiques modérés, le Canada prend un risque politique disproportionné en allant de l’avant avec une taxe rétroactive en pleine incertitude mondiale.

Des experts économiques, comme ceux de l’Institut C.D. Howe, ont alerté que la mise en place unilatérale et rétroactive de la DST pourrait provoquer des mesures de représailles commerciales américaines, coûteuses pour l’exportation canadienne. De son côté, la Chambre de commerce canadienne exhorte le gouvernement fédéral à ne pas mettre en œuvre la taxe sur les services numériques. Cette taxe discriminatoire et nuisible pourrait entraîner des représailles tarifaires des États-Unis, nuisant ultimement aux entreprises, travailleurs et consommateurs canadiens.

En misant sur une réforme fiscale mondiale qui tarde, Ottawa s’expose à un bras de fer dont les PME canadiennes pourraient bien faire les frais.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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