Assurance vieillesse — On aurait pu financer la santé pour toujours dès 1970, on a eu une deuxième chance en 2000 et on a décidé de ne rien décider.
Une autre perle sur la santé tirée de l’excellent L’indomptable mammouth sur l’évolution de notre système de santé et son financement.
J’en parlais dans l’article précédent, mais dans les années 1960, la commission Castonguay proposait un paquet de choses pour structurer le système de santé québécois. On se souvient de Castonguay surtout pour la création de la RAMQ et de la carte soleil, mais il proposait tant de choses que l’Histoire a malheureusement oublié.
Une de ses idées majeures et visionnaires n’a jamais vu le jour. Sa commission recommandait de mettre en place une assurance vieillesse pour prévenir les coûts massifs liés au mur démographique. En gros, on disait « ça va coûter fucking cher et il faut se préparer ».
Le principe était relativement simple. À l’image du Régime des rentes du Québec (le RRQ), une cotisation spéciale d’assurance aurait pu être collectée dès le début 2000 et versée dans un fonds dédié à la santé.
Selon les niveaux de richesse, la prime aurait varié pour doter ce fonds d’assurance destiné à payer les coûts de santé des populations vieillissantes au fur et à mesure des besoins.
Progressivement, ce fonds (qui aurait généré du rendement et qui aurait pu être géré par la Caisse de dépôt) aurait pris de l’ampleur. Un calcul actuariel permettrait de cotiser le bon montant à tout le monde, chaque année, pour toujours.
Au début, beaucoup auraient cotisé pour peu de bénéficiaires et à mesure que la cagnotte augmenterait, le vieillissement ferait que plus de gens en tireraient profit que ceux qui y cotiseraient.
Le tout, prévu longtemps d’avance, serait autofinancé sans piger dans le budget d’opération annuel du gouvernement. En somme, une cagnotte à part et dédiée seulement à la santé. Pas de drame, pas de crise annuelle, seulement une cotisation calculée d’avance.
Qu’est-ce qu’on aurait gagné à ça si c’est un simple remplacement de l’impôt? De la prévisibilité mon chum. En 1970, le nombre de travailleurs actifs était de 8 pour chaque personne âgée. En 2000, c’était tombé à 2 actifs pour une personne âgée. Aujourd’hui, c’est probablement pire encore.
Justement en 2000, le système craquait déjà, mais on était surtout inquiet du mur démographique qui approchait rapidement. La démographie, c’est une science statistique extrêmement précise et des démographes levaient la main depuis 30 ans.
Le gouvernement péquiste de Bernard Landry réalise le problème. La ministre de la Santé, Pauline Marois, mandate Michel Clair, un ancien politicien avec une bonne réputation, de lancer une commission pour trouver des solutions à la crise.
Après des mois d’étude, la commission Clair dépose son rapport de 400 pages avec 36 recommandations et 59 propositions. Ça brasse des plumes pas mal et ça met le gouvernement dans une posture un peu précaire sur des idées fondamentales comme le privé en santé ou la médecine préventive.
Elle propose aussi… une assurance vieillesse, en retard, mais quand même là pour sauver les meubles plus tard.
Finalement, rien de tout ça n’aura été fait. Au lieu de prévoir longtemps d’avance un fond dédié qu’on aurait eu le temps de garnir et qui aurait créé du rendement, le choix du gouvernement a été de piger chaque année dans les impôts annuels. Forcément, plus les coûts de santé augmenteraient, plus les impôts gonfleraient aussi.
Le problème c’est que les politiciens n’aiment pas vraiment prévoir longtemps d’avance, mais ils aiment encore moins augmenter les impôts.
Pendant des décennies, les générations qui nous ont précédés ont payé moins d’impôt qu’elles auraient dû. La génération actuelle se ramasse avec la pleine facture sur son T4 pour un système qui s’effondre et dont la solution ne pourra jamais exister. On ne peut plus reprendre le retard sur les coûts du vieillissement, il est trop tard. Il faut payer et espérer que ça tienne.
Bref, encore une fois, le livre est frustrant. J’en ferai une critique comme d’hab. Il est très accessible et bien écrit, mais le simple fait de rappeler notre histoire est suffisant pour nous scandaliser. C’est fascinant et ça donne envie de crier.