Samedi, juillet 19, 2025

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Caché sous l’asphalte

Les infrastructures souterraines, ce n’est pas sexy. C’est comme les combines à panneau de mon grand-père : j’aime mieux ne pas les voir. Pourtant, c’est une des responsabilités les plus fondamentales d’une municipalité. Et visiblement, plusieurs élus, passés comme présents, ont décidé de l’oublier.

Quand j’étais conseiller municipal, on nous parlait déjà d’optimiser le réseau pluvial. Traduction : essayer de tirer le maximum d’un système à bout de souffle sans investir une cenne de plus. On envoyait des caméras dans les tuyaux pour repérer ceux qui menaçaient de s’effondrer. On faisait des tests de fumée pour traquer les gouttières branchées illégalement. À Québec, dans Sainte-Foy, on a même exigé que des citoyens débranchent leurs gouttières du réseau. Pourquoi? Parce que ce même réseau, conçu pour les pluies des années 70, encaisse aujourd’hui 30 % de ruissellement de plus — merci l’asphalte et, surtout, merci la négligence.

Comment on s’est retrouvés dans cette galère? Accrochez-vous, ce n’est pas joli.

On a densifié à tour de bras (il faut bien garnir les comptes de taxes), asphalté jusqu’à la moindre parcelle de gazon, sans jamais vérifier si les tuyaux en dessous suivaient. Résultat? Un réseau qui tousse, crache et menace de lâcher à chaque orage. Et ne me parler pas de l’Île Bizard, je parle des secteurs densifiés.

Et comme personne ne voit ce qui est sous terre, on s’en fiche. On pave, on coupe un ruban, on plante deux bacs à fleurs, et hop, au suivant. Jusqu’à ce que ça pète. Littéralement.

Sous le vernis du développement urbain se cache un déficit d’entretien qui se compte en milliards au Québec. Oui, milliards. Pendant ce temps-là, on refait des trottoirs qui étaient bons pour dix ans encore. Priorités.

À cela s’ajoute un urbanisme complètement aveugle à l’eau. Pendant des décennies, on a favorisé le béton au couvert végétal, les stationnements pleins à craquer, les quartiers sans un mètre carré perméable. Le sol? Il ne voit plus la lumière du jour. L’eau? Elle rebondit, elle roule, elle cherche une porte d’entrée… et souvent, elle trouve la tienne.

Nos villes sont devenues des piscines à ciel ouvert. Et on s’étonne encore.

Lévis a dû geler des projets de construction, faute de capacité dans les égouts. Saint-Hubert a bâti, il y a plusieurs années, un développement sur un ancien bassin de rétention. À Montréal, certains quartiers résidentiels se transforment en lagunes dès que le ciel décide de se fâcher.

Et pendant ce temps, les sous-sols se remplissent, les assurances se retirent, les citoyens écopent. Littéralement. Les intersections deviennent des bassins de rétention improvisés. On dirait qu’on espère juste que l’eau s’évapore avant de passer le seuil des maisons.

Mais tout n’est pas foutu. Il y a des solutions — et pas besoin d’être un génie. Il faut commencer par nommer l’éléphant dans la pièce : une évaluation complète de toutes les infrastructures souterraines doit être faite. Ça permettra ensuite de cibler les secteurs où mettre en place des mesures de temporisation et où faire des travaux majeurs.

Voici quelques solutions tampons :

  • Installer des bassins de rétention temporaire dans les parcs des secteurs critiques. Ce sont des zones du parc conçues pour accueillir l’eau sans que ça paraisse trop à la surface.
  • Favoriser les technologies perméables dans les stationnements municipaux ou commerciaux. Il existe des pavés, des bétons absorbants ainsi que de l’asphalte poreux. Ça laisse filtrer jusqu’à 70 % de l’eau de pluie. À Montréal, il existe même des programmes de subvention pour encourager les propriétaires privés à embarquer. Je ne suis pas un fan de subventionner à tout vent, mais si ça permet de préserver un bien public, je suis prêt à discuter des modalités.
  • Mettre en place une tarification incitative selon l’imperméabilisation des terrains. À Mississauga, bétonner son terrain comme un bunker te vaut une taxe salée. On pourrait aussi proposer l’inverse : si tu optes pour des surfaces filtrantes, tu reçois un rabais sur ta tarification de traitement d’eau. Du gros bon sens fiscal.
  • Retirer la norme obligeant une quantité minimale de stationnements pour les commerces. La meilleure façon de réduire la quantité de surfaces imperméables sur le territoire de la ville, c’est d’arrêter d’en exiger une certaine quantité.

Oui, certaines de ces mesures vont augmenter le coût de construction des nouveaux développements. C’est pourquoi, dans un programme électoral, tu dois aussi offrir des allégements réglementaires et fiscaux pour compenser.

Ces solutions existent. Elles fonctionnent. Cependant la plupart ne font que retarder le moment où une reconfiguration du réseau sera inévitable. Ce qu’il faut, c’est du courage politique. Et un minimum de vision.

On peut continuer à pavoiser en surface, mais si on ne creuse pas aujourd’hui, on devrait réellement prendre un kayak pour aller au boulot.

Il est temps de creuser.

On a bâti nos villes comme si la pluie était un simple désagrément pour parapluie. Erreur. Aujourd’hui, on paie cash : caves inondées, assurances qui nous rient au nez, citoyens à bout.

La résilience climatique? Juste un mot fancy pour dire qu’on ramasse les pots cassés de la déresponsabilisation institutionnalisée.

Alors oui, creusons. Avant de couler pour de bon.

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Francis Hamelin
Francis Hamelin
Francis Hamelin, #MakeThePLQLiberalAgain, est membre des Trois Afueras et écrivain amateur. Technicien en génie mécanique et industriel, il s'intéresse particulièrement aux politiques publiques, l'économie et à la productivité des entreprises et des individus.

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