À quelques semaines des élections partielles du 11 août, Éric Duhaime a choisi de jouer la carte de la ruralité. Le chef du Parti conservateur du Québec s’est rendu à la ferme Comestar Holstein de Victoriaville pour présenter ses mesures destinées aux agriculteurs, dans une stratégie qui vise à faire de lui « le premier chef à représenter la ruralité à l’Assemblée nationale ».
Un plan en trois volets pour les agriculteurs
Le candidat dans Arthabaska–L’Érable a déployé un argumentaire économique bien ficelé autour de trois axes principaux. L’abolition de la taxe carbone constitue le fer de lance de sa proposition, s’appuyant sur des données de l’Union des producteurs agricoles (UPA) selon lesquelles « chaque agriculteur paye en moyenne 10 000 $ de plus en raison de la taxe carbone que ses concurrents de toutes les autres provinces ».
Duhaime qualifie cette somme de significative, surtout pour des producteurs qui peinent à boucler leurs fins de mois. Elle prend une résonance particulière dans le contexte des pluies abondantes qui affectent actuellement plusieurs exploitations. « Quand on a une saison difficile comme celle qu’on connaît à l’heure actuelle, 10 000 $, ça pourrait donner un répit à nos agriculteurs », a-t-il souligné.
Le deuxième volet vise à réduire le fardeau bureaucratique qui étouffe selon lui les producteurs. « Nos agriculteurs sont véritablement désavantagés par rapport à leurs concurrents du reste du Canada », affirme-t-il, dénonçant les « charges bureaucratiques et artificielles » qui forcent les producteurs « à remplir des papiers du matin au soir ».
Enfin, la protection de la gestion de l’offre complète ce triptyque, Duhaime se positionnant clairement contre l’utilisation des agriculteurs comme « monnaie d’échange dans les négociations à venir entre le gouvernement fédéral et l’administration de Donald Trump ».
Représenter les oubliés de la démocratie
L’aspect le plus percutant de l’intervention de Duhaime réside peut-être dans sa critique du décalage entre l’opinion publique et les positions politiques. Il rappelle que 56% des Québécois sont contre la taxe carbone, alors qu’« il y a seulement 28% des Québécois qui sont en faveur, mais 100% de nos députés qui sont pour la taxe carbone ».
Cette donnée soulève des questions légitimes sur la représentativité démocratique. « C’est pour ça que ça prend au moins un député sur 125 à l’Assemblée nationale pour faire entendre la voix de la majorité », plaide-t-il.
L’appui du terrain et la collaboration fédérale-provinciale
La ferme Comestar Holstein a officiellement apporté son soutien au PCQ, déclarant que « sa vision de la vie agricole est réaliste » et qu’elle comprend « les enjeux auxquels nous sommes confrontés concernant entre autres les charges administratives qui ne cessent d’augmenter ».
Cette démarche s’inscrit dans une collaboration assumée avec le niveau fédéral. Duhaime a rencontré le député conservateur fédéral Luc Berthold, qui a confirmé que « seuls les automobilistes et les agriculteurs québécois paient une taxe carbone depuis le 1er avril dernier ». Une situation que Berthold qualifie de déplorable, notant que « les conservateurs de Pierre Poilievre ont gagné la guerre contre la taxe fédérale sur le carbone, et l’obligation fédérale de maintenir la tarification carbone n’existe plus ».
Un financement sans coût pour les contribuables ?
Sur le plan technique, Duhaime propose une solution ingénieuse pour financer l’abolition de la taxe carbone : « cesser de mettre de l’argent dans le fonds vert », expliquant que « 100 % de l’argent collecté par la taxe carbone actuellement ne va pas dans le fonds consolidé de l’État québécois, ça s’en va dans le fonds vert ».
Par ailleurs, il révèle que même l’UPA serait hautement insatisfaite de l’argent qui a été utilisé par le fonds vert parce que « le monde agricole a en grande partie été ignoré dans l’enveloppe budgétaire ».
Une voix forte pour les régions
Dans un contexte où « les quatre autres chefs des quatre autres partis sont élus dans la grande région de Montréal », Duhaime donne une voix aux régions du Québec. « Le Québec, c’est pas juste Montréal », lance-t-il, promettant de représenter « un autre Québec, celui des gens qui se lèvent tôt, qui travaillent fort et qui nourrissent les Québécois ».
Cette stratégie de positionnement géographique pourrait s’avérer payante dans une circonscription où l’agriculture constitue, selon ses mots, « la colonne vertébrale de l’économie », expliquant que les agriculteurs « forment toujours des clients exceptionnels » pour « le concessionnaire auto », « le bijoutier », « le restaurateur » et « l’industrie de la transformation alimentaire ».
Un pari électoral calculé
La démarche de Duhaime traduit une lecture fine du paysage politique québécois. En ciblant un secteur économiquement vital, mais politiquement sous-représenté, il mise sur un créneau délaissé par ses adversaires. Sa promesse d’être « leur voix » résonne d’autant plus fort qu’il reconnaît que les agriculteurs « n’ont pas toujours un grand porte-voix pour faire valoir leurs intérêts et leurs enjeux sur la scène nationale ».
Il reste à voir si cette stratégie portera ses fruits, mais une chose est claire : Duhaime a ciblé un angle négligé par ses adversaires.