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Fleg est mort, le Québec perd un caricaturiste libre

Christian Daigle, alias Fleg, s’est éteint le 1er août 2025 des suites d’un cancer du pancréas de stade 4. Le caricaturiste québécois de 62 ans laisse derrière lui un héritage artistique qui aura marqué plus de deux décennies de presse d’opinion au Québec.

Une maladie annoncée avec transparence

En juillet 2025, Fleg avait lui-même annoncé sur Facebook son retrait du monde de la caricature. Une chirurgie pour lui retirer la vésicule biliaire l’année précédente avait révélé un diagnostic de cancer du pancréas stade 4. Cette transparence face à la maladie reflétait bien l’homme : direct, sans artifice, habitué à dire les choses comme elles sont.

Le caricaturiste Bado a rendu hommage à son collègue en soulignant qu’il avait « succombé hier à un cancer du pancréas de grade 4 dont il souffrait depuis un an ». Ses pensées allaient « à sa famille et à sa conjointe Chantal ».

Un parcours artistique ancré dans l’actualité québécoise

Né en 1963 à Lévis et originaire de Saint-Romuald, Christian Daigle avait suivi une formation de graphiste qu’il avait terminée au Cégep de Rivière-du-Loup en 1985. Mais c’est sous le pseudonyme de Fleg qu’il s’est fait connaître du public québécois.

Sa carrière de caricaturiste a pris son envol dans les années 2000. Il a d’abord collaboré avec le quotidien Le Soleil de Québec de 2002 à 2011, avant de devenir une figure familière du portail Yahoo! Québec de 2010 à 2025. Plus récemment, il publiait occasionnellement dans Le Devoir depuis 2015 et avait trouvé une nouvelle tribune sur le site de Guy Boulianne et sur Libre Média.

Une reconnaissance précoce et soutenue

Fleg n’était pas un nouveau venu dans l’art de la caricature. Dès 1979 et 1980, il remportait le premier prix du concours « Les Jeunes Cartoonistes », décerné par le Pavillon international de l’humour de Terre des hommes. Cette reconnaissance précoce témoignait d’un talent qui ne demandait qu’à s’épanouir.

Son intérêt pour la caricature avait été stimulé au début des années 1980 par sa rencontre avec Robert LaPalme, figure légendaire de la caricature québécoise. Cette filiation artistique explique peut-être la rigueur et l’engagement politique qui caractérisaient son travail.

Un artiste aux multiples facettes

Loin de se limiter à la caricature, Fleg était aussi un sculpteur accompli. Il pratiquait la sculpture sur argile – on lui doit notamment un buste d’Aislin – et sur neige, participant à plusieurs concours provinciaux et nationaux et remportant notamment le premier prix au Carnaval de Québec en 1988.

Il avait également œuvré dans l’industrie du jeu vidéo à Québec comme illustrateur-concepteur, démontrant une polyvalence artistique qui enrichissait son regard de caricaturiste.

Un engagement dans la profession

Fleg était membre de l’Association canadienne des dessinateurs éditoriaux depuis 2003 et en avait été vice-président de 2008 à 2012. Cette implication témoignait de son engagement envers sa profession et ses pairs. Il avait également reçu le Townsie Award de cette même association en 2014 et 2016.

En 2013, il avait été invité d’honneur de l’exposition 1001 Visages, reconnaissance de ses pairs qui soulignait l’excellence de son travail.

Une reconnaissance internationale tardive mais significative

Quelques mois avant sa mort, Fleg avait connu une reconnaissance internationale inattendue. En janvier 2025, l’une de ses caricatures avait été sélectionnée parmi les 39 retenues sur 350 soumissions pour le concours #RireDeDieu de Charlie Hebdo, dans le cadre du numéro spécial soulignant les 10 ans de l’attentat contre le journal satirique français.

Sa caricature dénonçait l’extrémisme religieux en dessinant un Dieu « bouffant le cerveau d’humains, aveuglés par leur adhésion à une idéologie ». « Tout ce qui est extrême et nocif met un frein à la liberté d’expression », justifiait-il.

Pour Fleg, cette sélection représentait beaucoup : « Pour moi, ça représente beaucoup. Et je suis très ému, parce que ce sont des souvenirs de jeunesse. Je collectionnais les Charlie Hebdo et Hara-Kiri [son prédécesseur]. J’en ai encore des boîtes. C’est un honneur d’avoir été sélectionné ».

Un héritage artistique et social complexe

L’héritage de Fleg pour la société québécoise ne se résume pas à ses seuls dessins. Comme il l’expliquait lui-même, la pandémie avait été « un tournant dans la perception de Fleg du pouvoir et des médias traditionnels ». Cette évolution l’avait mené vers des tribunes plus alternatives, où sa vision critique du pouvoir pouvait s’exprimer sans contrainte.

Eric Duhaime l’avait qualifié de « caricaturiste préféré », témoignage d’une audience qui dépassait les clivages politiques traditionnels. D’autres, comme Libre Média, ont souligné que « sa mort représente une immense perte pour la liberté de presse ».

Quelle tristesse d’apprendre le décès de mon caricaturiste préféré, Christian Daigle, mieux connu sous le nom de Fleg. Au nom du Parti conservateur du Québec, j’offre à sa famille et à ses proches nos plus sincères condoléances. En hommage, je partage l’une de ses caricatures

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Une disparition qui fait débat

La mort de Fleg a aussi cristallisé certains clivages médiatiques. Tandis que plusieurs saluaient son apport à la liberté d’expression, un billet acerbe publié par la Clique du Plateau l’a qualifié de « caricaturiste obscur ». Mais cette charge, à contre-courant de l’émotion suscitée ailleurs, illustre surtout à quel point Fleg dérangeait les certitudes — jusque dans sa disparition.

L’art de déranger avec élégance

Fleg incarnait cette tradition québécoise du « fou du roi » qui peut tout dire pourvu que ce soit avec esprit. Comme le rappelait André-Philippe Côté, caricaturiste au Soleil : « On a une liberté particulière. Je ne suis pas tenu à rapporter des faits, je peux inventer, ce que mes collègues de l’éditorial ne peuvent pas faire. On est à mi-chemin entre la réalité et la fiction ».

Cette liberté, Fleg l’avait exercée avec constance et courage, n’hésitant pas à critiquer tous les pouvoirs, qu’ils soient politiques, médiatiques ou religieux. Sa caricature pour Charlie Hebdo témoignait de cette constance : même face à la maladie, il continuait de « dénoncer les abus du pouvoir ».

La disparition de Christian Daigle, alias Fleg, marque la fin d’une époque pour la caricature québécoise. Dans un paysage médiatique de plus en plus polarisé, sa voix irrévérencieuse et son trait acéré manqueront à ceux qui croient encore que l’art peut changer les mentalités, une caricature à la fois.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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