Un sondage Léger révèle que deux Canadiens sur trois souhaitent réduire la taille de la bureaucratie fédérale, alors que les coûts ont explosé de 77% depuis 2016 sans améliorer les services publics.
Une facture salée pour des résultats décevants
Les chiffres sont sans appel : depuis 2016, Ottawa a ajouté 99 000 fonctionnaires à ses rangs. Le coût de cette machine administrative est passé de 40,2 milliards de dollars en 2016 à 71,2 milliards en 2024 – une hausse fulgurante de 77% qui dépasse largement la croissance démographique canadienne de 16% sur la même période.
Cette expansion bureaucratique ne passe pas inaperçue auprès des contribuables. Selon le sondage Léger commandé par la Fédération canadienne des contribuables (FCC), 54% des Canadiens souhaitent réduire la taille et le coût de la bureaucratie fédérale. Parmi ceux qui se prononcent sur la question, cette proportion grimpe à 66%.
« Les résultats sont sans équivoque : les Canadiens savent qu’ils financent trop de postes administratifs à Ottawa et veulent que le gouvernement mette un frein à l’expansion de la bureaucratie », déclare Nicolas Gagnon, directeur Québec pour la FCC.
Des services qui ne suivent pas la facture
Le plus troublant dans cette équation ? La moitié des Canadiens (50%) estiment que les services fédéraux se sont détériorés depuis 2016, malgré cette injection massive de ressources humaines et financières.
Parmi les répondants ayant une opinion tranchée, 60% jugent que la qualité des services fédéraux n’a pas suivi l’augmentation spectaculaire des effectifs et des coûts. Seulement 11% considèrent que les services se sont améliorés.
Cette perception négative n’est pas surprenante quand on examine les données de performance. Selon un rapport du directeur parlementaire du budget de mars 2023, moins de 50% des cibles de performance du gouvernement sont systématiquement atteintes par les ministères fédéraux chaque année.
Une embauche tous azimuts
L’analyse des données du Secrétariat du Conseil du Trésor révèle l’ampleur de cette expansion. Sept ministères et agences ont plus que doublé leurs effectifs depuis 2016, notamment :
- Emploi et Développement social Canada a ajouté 16 842 employés, soit une hausse de 75%
- L’Agence du revenu du Canada a embauché 13 015 personnes supplémentaires, une augmentation de 33%
La compensation moyenne d’un fonctionnaire fédéral à temps plein, incluant salaire, pension et avantages, s’élève désormais à 125 300 dollars annuellement.
Un fardeau de 7 milliards pour les contribuables
Si la bureaucratie fédérale avait simplement suivi la croissance démographique au lieu de cette expansion débridée, les contribuables épargneraient environ 7 milliards de dollars annuellement.
« Ce sondage montre aussi que les contribuables ne sentent pas qu’ils en ont pour leur argent avec une machine administrative qui prend toujours plus de place. Embaucher toujours plus de fonctionnaires ne veut pas dire offrir de meilleurs services », souligne M. Gagnon.
Carney face au défi bureaucratique
Ces révélations arrivent au moment où le nouveau premier ministre Mark Carney doit composer avec cet héritage bureaucratique. Son gouvernement minoritaire, formé après les élections d’avril 2025, a promis dans sa plateforme électorale de « lancer une révision complète des dépenses gouvernementales afin d’accroître la productivité du gouvernement fédéral ».
Carney a nommé Shafqat Ali à la présidence du Conseil du Trésor, avec le mandat spécifique de « l’efficacité de la fonction publique ». Un nouveau poste de ministre de la transformation gouvernementale a également été créé.
« Le gouvernement fédéral a fait exploser les dépenses liées à la bureaucratie et ajouté des dizaines de milliers de fonctionnaires, sans que les Canadiens bénéficient de meilleurs services », déclare M. Gagnon. « Le premier ministre Mark Carney doit entendre ce message sans équivoque et agir dès maintenant pour freiner la taille et le coût de la fonction publique fédérale ».
Une tendance qui perdure malgré les promesses
Franco Terrazzano, directeur fédéral de la FCC, rappelle que « le gouvernement fédéral a réduit sa masse salariale de 9 807 employés au cours de la dernière année. Cependant, il compte toujours 98 986 employés de plus qu’en 2016, soit une augmentation de 38 % ».
Le directeur parlementaire du budget Yves Giroux observe : « J’ai constaté une nette augmentation du nombre de fonctionnaires depuis 2016 et une hausse proportionnelle des dépenses. Cependant, nous n’avons pas constaté d’améliorations similaires en matière de service. ».
Cette croissance bureaucratique s’accompagne d’une générosité salariale remarquable : le gouvernement fédéral a accordé plus d’un million d’augmentations de salaire entre 2020 et 2023, en plus de distribuer plus de 1,5 milliard de dollars en primes depuis 2015.
Un message clair des électeurs
Les résultats du sondage Léger, réalisé entre le 25 et le 27 juillet 2025 auprès de 1 533 Canadiens, dessinent un portrait sans équivoque : les contribuables en ont assez de financer une bureaucratie pléthorique qui ne livre pas la marchandise.
L’opposition est particulièrement marquée chez les 35 ans et plus, dont 61% souhaitent réduire la bureaucratie, comparativement à 34% chez les 18-34 ans. Cette fracture générationnelle suggère que l’expérience directe avec les services gouvernementaux influence la perception de leur efficacité.
Pour le gouvernement Carney, le défi est de taille : transformer une machine administrative devenue obèse tout en maintenant, voire en améliorant, les services aux citoyens. Les contribuables canadiens, eux, ont déjà rendu leur verdict.