Mardi, septembre 30, 2025

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Projet de loi C-8 : Ottawa veut plus de contrôle sur les télécoms

Le gouvernement fédéral a présenté en juin 2025 le projet de loi C-8, une loi qui, si elle est adoptée, donnerait à Ottawa de nouveaux pouvoirs sur les télécommunications et les infrastructures essentielles du pays. Ce projet vise à protéger le Canada contre les cyberattaques, mais soulève des questions importantes sur nos libertés.

De quoi s’agit-il ?

Le projet C-8 permettrait au gouvernement d’intervenir directement dans six secteurs clés : les télécommunications, l’électricité et les pipelines, l’énergie nucléaire, les transports, les banques et les systèmes de paiement. En gros, Ottawa veut avoir son mot à dire sur presque tout ce qui est essentiel au fonctionnement du pays.

Quels nouveaux pouvoirs pour le gouvernement ?

Si le projet est adopté, le ministre et le gouverneur en conseil pourraient :

  • Interdire l’utilisation de certains équipements (comme ceux de Huawei)
  • Forcer les entreprises à retirer des équipements déjà installés
  • Suspendre des services de télécommunications
  • Garder secrets certains de leurs ordres

Ces décisions pourraient être prises sur de simples « motifs raisonnables », sans avoir à justifier publiquement leurs actions.

Ce que ça changerait pour les entreprises

Les compagnies désignées comme « critiques » seraient tenues de :

  • Créer un plan de cybersécurité en 90 jours
  • Signaler tout problème informatique dans les 72 heures
  • Conserver au Canada certains documents liés à la cybersécurité
  • Informer le gouvernement de tous les changements importants

Les amendes pourraient atteindre 15 millions de dollars par jour, et les dirigeants risqueraient jusqu’à 5 ans de prison.

Pourquoi s’inquiéter ?

Manque de transparence : Le gouvernement pourrait prendre des décisions secrètes et garder ces ordres confidentiels indéfiniment si leur divulgation risque de « compromettre la sécurité ». Concrètement, une entreprise de télécommunications pourrait se voir interdire d’utiliser certains équipements sans jamais connaître les raisons précises de cette interdiction. Même si le projet prévoit une publication dans la Gazette du Canada dans les 90 jours, le gouvernement peut décider de s’en dispenser. Les entreprises visées ne sauraient donc pas toujours si elles sont ciblées pour des raisons légitimes de sécurité ou pour d’autres motifs.

Pas de compensation – une forme d’expropriation : Si Ottawa forçait une entreprise à changer ses équipements, elle devrait assumer tous les coûts, même astronomiques, sans aucune compensation gouvernementale. Cette situation constitue une forme d’expropriation déguisée qui va à l’encontre des principes d’indemnisation juste. Par exemple, remplacer une infrastructure Huawei pourrait coûter des centaines de millions de dollars. Le projet socialise ainsi les coûts de la sécurité nationale sur le secteur privé, qui les refilera inévitablement aux consommateurs via des hausses de tarifs. Cette absence de compensation soulève des questions constitutionnelles importantes.

Contrôle judiciaire affaibli : Les juges ne pourraient examiner que les preuves que le gouvernement accepterait de leur montrer. Dans la pratique, cela signifie qu’un tribunal pourrait devoir statuer sur la légalité d’un ordre gouvernemental sans avoir accès à toutes les informations pertinentes. Cette asymétrie informationnelle mine le principe fondamental selon lequel justice doit être rendue en toute connaissance de cause. Les entreprises auraient ainsi peu de recours efficaces contre des décisions arbitraires.

Surveillance élargie : Les agences comme le Centre de la sécurité des télécommunications, le SCRS et d’autres organismes pourraient échanger plus librement des informations « dans la mesure nécessaire » – une formulation suffisamment vague pour justifier un partage très large de données. Ces informations pourraient inclure des détails sur nos communications, nos transactions bancaires et nos déplacements, sans mécanismes de contrôle citoyen pour s’assurer que ces échanges respectent notre vie privée.

Impact sur les citoyens

Même si le projet vise les grandes entreprises, il pourrait affecter les Canadiens ordinaires. Les coûts imposés aux compagnies pourraient se retrouver dans nos factures de téléphone, d’internet et d’électricité. De plus, la surveillance accrue des communications soulèverait des questions sur la protection de notre vie privée.

Les arguments du gouvernement

Ottawa justifie ces mesures par l’augmentation des cyberattaques et les catastrophes naturelles comme les feux de forêt de 2023. Les dégâts climatiques coûtent maintenant 3 milliards de dollars par année, contre 400 millions dans les années 1990.

Ce qui inquiète

Le projet donnerait au gouvernement des pouvoirs très larges avec peu de contrôles. Les mots « menace » et « sécurité nationale » sont définis de façon vague, ce qui laisserait beaucoup de place à l’interprétation. L’absence de mécanismes de surveillance citoyenne rendrait difficile de s’assurer que ces nouveaux pouvoirs ne seraient pas abusés.

En résumé

Le projet C-8 illustre parfaitement le dilemme de notre époque : comment protéger nos infrastructures vitales sans sacrifier nos libertés sur l’autel de la sécurité. Si les cybermenaces sont réelles et pressantes, les moyens proposés risquent de créer un précédent dangereux où l’État peut agir dans l’ombre, sans compensation ni contrôle véritable.

Les citoyens ont le droit de demander : qui surveillera les surveillants ? Dans une démocratie, la sécurité ne peut jamais justifier l’abandon des garde-fous démocratiques. Le Parlement doit s’assurer que ce projet de loi protège autant nos libertés que nos réseaux – car perdre les unes au nom des autres reviendrait à offrir la victoire à ceux qui nous menacent.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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