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Quand la loi du plus fort l’emporte sur le droit, les Caraïbes deviennent le théâtre d’un nouvel impérialisme sans masque.

L’escalade a commencée en septembre 2025 dans les Caraïbes oppose frontalement Washington et Caracas, au mépris des scrupules juridiques. Aujourd’hui, pour la première fois depuis le début de l’opération, des navires américains ont attaqué un bateau vénézuélien suspecté de trafic, avec des survivants à bord. Au total, les frappes précédentes, au nombre de cinq depuis début septembre, ont causé la mort d’au moins 27 personnes, sans qu’aucune preuve des accusations de « narco-terrorisme » n’ait été produite. Tandis que la presse relate l’indignation internationale, le président Trump martèle qu’il s’agit d’une « guerre » contre des trafiquants armés, que seul Washington est en mesure de combattre. Or derrière ce vocabulaire juteux de guerre anti-drogue, c’est la logique brutale des rapports de force qui s’applique : une grande puissance impose ses décisions, qu’elles soient jugées légales ou non.

Militarisation et rapacité.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. D’un côté, Washington a massé un impressionnant dispositif militaire dans la région. D’août à octobre, l’armée américaine a déployé des destroyers lance-missiles, des avions furtifs F-35, un sous-marin nucléaire et environ 6 500 soldats dans les Caraïbes. Dans ce contexte, une sixième frappe américaine, la première depuis début septembre, a laissé des survivants. L’opération s’inscrit dans un plan plus large présenté comme une lutte antidrogue, pour lequel Trump a même autorisé des opérations clandestines de la CIA sur le sol vénézuélien. De l’autre côté, Caracas a réagi en déployant 17 000 soldats supplémentaires le long de sa frontière occidentale, mobilisant son armée dans les États de Táchira et d’Amazonas. On voit des militaires vénézuéliens patrouiller près du pont Simon Bolivar, à la frontière colombienne, illustrant la réponse massive de Caracas. En concentrant plus de dix mille hommes autour des accès frontaliers, le gouvernement vénézuélien se prépare à un conflit qui s’annonce déjà comme l’un des plus graves de la décennie.

La force contre le droit international.
Dans ce face-à-face, le droit international ne joue aucun rôle contraignant. Les États-Unis invoquent le droit de légitime défense, prévu à l’article 51 de la Charte des Nations unies, pour justifier leurs frappes, en qualifiant leurs cibles de « narcoterroristes », sans fournir la moindre preuve à l’appui de cette désignation. De son côté, le Venezuela considère ces attaques comme des exécutions extrajudiciaires visant des navires civils en eaux internationales, une violation flagrante de sa souveraineté. Samuel Moncada, l’ambassadeur vénézuélien à l’ONU, a officiellement demandé au Conseil de sécurité de condamner ces frappes et de réaffirmer le respect de l’intégrité territoriale du Venezuela. Mais ces protestations sont restées symboliques. Le Conseil de sécurité ne peut agir qu’au rythme des grandes puissances, et les États-Unis, détenteurs d’un droit de veto, ont paralysé toute décision réelle. Lors de la dernière réunion convoquée à l’initiative de Caracas, Moscou et Pékin, Washington s’est contenté de rappeler qu’il défend sa souveraineté contre des attaques tuant des Américains, invoquant à nouveau l’article 51. En clair, la seule loi internationale réellement appliquée dans ce contexte est celle du plus fort.

Conséquences diplomatiques et géopolitiques.
Cette crise remet en lumière la primauté de la realpolitik. Le président Trump a publiquement proposé une récompense pour toute tentative de renversement de Nicolas Maduro et n’a jamais caché son objectif de changement de régime à Caracas. Ce positionnement explicite, selon les autorités vénézuéliennes, revient à ordonner à la CIA de tuer, renverser et détruire. C’est perçu au Venezuela comme une déclaration de guerre. L’écho diplomatique est déjà conséquent. Outre la convocation de l’ONU, Caracas alerte ses voisins sur l’escalade militaire en cours. Les pays d’Amérique latine, échaudés par les précédentes ingérences, observent cette démonstration de force avec inquiétude. À terme, c’est tout un équilibre régional qui est menacé. Le déploiement massif de troupes vénézuéliennes, déjà 17 000 dans le Táchira, et la présence militaire américaine dans la région accroissent le risque d’incident grave, voire de conflit ouvert.

La logique néo-réaliste.
Dans une lecture néo-réaliste, tout ceci suit un schéma limpide. Les États, livrés à eux-mêmes dans un monde sans arbitre, placent leurs intérêts stratégiques et leur puissance au sommet de leurs priorités. Les mécanismes juridiques mondiaux sont à la merci des grandes puissances. Ce qui se passe dans les Caraïbes rappelle brutalement que, sans autorité internationale réelle, seule la force fait loi. Les discours officiels, les communiqués, les promesses d’enquête ne sont que de la poudre aux yeux. Dans les faits, chacun agit à sa guise. Certains juristes et parlementaires américains s’inquiètent des implications de cette opération et de son respect du droit de la guerre. Mais ces interrogations sont rapidement étouffées par la logique du dominant. Le président américain affirme qu’il est en guerre contre un ennemi dangereux, et cette déclaration suffit à justifier l’usage de la violence. La doctrine d’État l’emporte alors sur tout cadre juridique.

Conclusion.
Enfin, cet incident n’est pas une bavure ni un accident. C’est une démonstration claire du fonctionnement réel des relations internationales. Les États-Unis ont consciemment violé le droit en frappant un navire vénézuélien, et ils peuvent se le permettre. Parce qu’ils en ont la force. Parce qu’ils contrôlent le jeu. Et parce que personne, à l’échelle internationale, n’a la capacité ni la volonté de les en empêcher. Dans ce monde sans gendarme, la stabilité repose sur la retenue des puissants, pas sur une règle commune. Voilà, dans toute sa nudité, la réalité du néo-réalisme : un ordre international dicté par la puissance, non par le droit.

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Samuel Rasmussen
Samuel Rasmussen
Samuel Rasmussen, alias Le Blond Modéré, est membre des Trois Afueras et collaborateur du podcast Ian & Frank. Titulaire d'une formation en relations internationales à l'Université de Sherbrooke, il s'intéresse particulièrement à la géopolitique, aux zones d'influence et aux différentes formes de pouvoir.

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