Je crois profondément à la liberté de conscience, de religion et d’expression. C’est un droit sacré, non négociable. Mais il y a une ligne à ne pas franchir. Et certains dirigeants religieux viennent de la dépasser.
Depuis peu, une campagne intitulée « Québec libre de croire » circule sur les réseaux sociaux. Elle est chapeautée par le Réseau évangélique du Québec (REQ), qui regroupe plusieurs associations religieuses protestantes, dont l’Association d’Églises Baptistes Évangéliques au Québec (AEBEQ).
Et c’est là que le malaise commence.
Cette campagne, qui se présente comme une défense de la « vraie laïcité », est menée par le même milieu religieux qui sera devant les tribunaux dans quelques semaines, dans le cadre d’un recours collectif de cinq semaines visant à faire la lumière sur des années de violence physique, psychologique et spirituelle au sein de leurs institutions. Le président actuel du Réseau évangélique du Québec, Louis Bourque, est l’ancien directeur général de l’AEBEQ, soit le même organisme qui sera au banc des défendeurs à partir du 17 novembre.
Je le dis avec toute la force de mon vécu : ces gens-là ne sont pas des martyrs de la liberté ni des victimes.
Ce sont des dirigeants qui ont fermé les yeux pendant que des enfants se faisaient battre, qui ont minimisé des violences et des abus au nom de la foi, et qui aujourd’hui se drapent dans la morale pour redorer leur image.
Et surtout… quand il s’agit de défendre leurs « droits et libertés », ils montent aux barricades, ils crient fort, ils se font entendre partout. Mais quand il s’agissait de protéger des enfants, de dénoncer les agresseurs aux autorités ou de soutenir les victimes, ces mêmes dirigeants ont choisi le silence.
Quand la justice exigeait du courage, ils ont été aux abonnés absents. Et maintenant, ils osent se présenter en gardiens de la liberté. C’est d’une hypocrisie écœurante.
J’ai moi-même parlé avec Louis Bourque, il y a plusieurs années, alors que j’essayais encore de comprendre ce que j’avais vécu et de croire qu’il restait, quelque part, une trace de bonne foi dans cette corporation religieuse, l’AEBEQ.
Ce qu’il m’a dit, en substance, c’est qu’il avait lui-même frappé ses propres enfants, qu’ils étaient devenus de « bonnes personnes », qu’il le referait encore, et qu’il était même prêt à aller en prison pour ça.
Il m’a aussi répété à plusieurs reprises que je devais pardonner et passer à autre chose. D’autres victimes se sont fait dire qu’elles avaient été des enfants « difficiles » et que, d’une certaine façon, elles l’avaient « mérité ».
Voilà le type de pensée qu’on retrouve chez certains individus derrière cette jolie façade de « vraie laïcité ». Une culture de banalisation, de culpabilisation des victimes et de protection des agresseurs. Un système qui, pendant des années, s’est comporté comme s’il était au-dessus des lois et qui, maintenant, se présente comme le grand défenseur des libertés.
Soyons sérieux.
Il n’y a aucune menace réelle contre la liberté de religion au Québec.
Aucune.
Mais il y a, au contraire, une urgence : protéger les enfants et les plus vulnérables contre les dérives sectaires.
On le voit avec la Mission de l’Esprit-Saint, on l’a vu avec Claude Guillot, et on le voit encore dans d’autres mouvements où des croyances dévoyées servent à justifier l’abus, le silence ou la violence.
Je ne veux pas d’un Québec qui efface la foi. Mais je ne veux pas non plus d’un Québec où la foi devient un bouclier moral pour ceux qui refusent de rendre des comptes.
La vraie liberté de religion, c’est celle qui cohabite avec la transparence, la justice et la compassion. Pas celle qui s’en sert pour se blanchir.
Alors oui, je crois en la foi. Je crois à la liberté.
Mais je crois surtout à la responsabilité.
Et quand je vois les dirigeants de ces milieux religieux faire la morale à la société pendant que des victimes, marquées à vie par la violence et le silence, portent encore les cicatrices et les séquelles de ce qu’ils ont toléré et couvert, je me dis qu’ils devraient se garder, au minimum, une petite gêne.
Regardez-vous dans le miroir.
Nettoyez vos écuries avant de venir donner des leçons de morale au gouvernement et à la société québécoise.
Comme le dit votre exemple suprême, Jésus, dans l’Évangile selon Matthieu au chapitre 7:3-5 :
« Pourquoi regardes-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et ne remarques-tu pas la poutre qui est dans ton œil? Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère. »
À bon entendeur.