Le budget fédéral 2025 a survécu jeudi soir à son premier test parlementaire par 198 voix contre 139, avec l’appui du NPD et du Bloc québécois. Cette semaine a également été marquée par deux changements dans la composition de la Chambre des communes.
Un premier vote favorable pour le gouvernement
Le gouvernement minoritaire libéral a franchi jeudi soir son premier vote de confiance lié au budget 2025. Le vote portait sur un sous-amendement conservateur qui demandait le rejet du budget déposé lundi dernier.
Le Nouveau Parti démocratique, le Bloc québécois et la députée verte Elizabeth May ont voté avec les libéraux pour défaire la motion conservatrice. Cette coalition a permis au gouvernement de passer le premier d’une série de trois votes qui s’étaleront jusqu’à la mi-novembre.
« Les conservateurs veulent des coupes massives dans les dépenses publiques. C’est exactement la direction opposée à celle que les néo-démocrates pensent que nous devons prendre », a expliqué Don Davies, critique financier du NPD.
Deux changements à la Chambre des communes
La semaine a été marquée par deux départs au sein du caucus conservateur, modifiant l’équilibre parlementaire.
Le 4 novembre, le député néo-écossais Chris d’Entremont (Acadie—Annapolis) a quitté le Parti conservateur pour rejoindre les libéraux. Ce transfuge s’est produit le jour même du dépôt du budget, faisant passer les libéraux de 168 à 169 sièges.
D’Entremont a justifié sa décision en affirmant ne plus se sentir représenté par le style de leadership de Pierre Poilievre. Toutefois, le whip en chef conservateur Chris Warkentin a souligné un changement de position notable : « Les conservateurs ne comprennent pas comment Chris d’Entremont peut voter en faveur du budget libéral après avoir fait campagne pour réduire les déficits et rendre la vie plus abordable pour les Canadiens ».
Des sources conservatrices ont également mentionné que d’Entremont aurait été déçu de ne pas avoir été élu vice-président de la Chambre des communes au printemps dernier, un poste pour lequel il n’avait pas obtenu l’appui de la majorité de son caucus.
Le 6 novembre, le député albertain Matt Jeneroux (Edmonton Riverbend) a annoncé sa démission du caucus conservateur pour se consacrer à sa famille. Contrairement à d’Entremont, Jeneroux ne rejoint aucun autre parti et quitte la vie politique.
« Ma priorité doit être entièrement consacrée à ma famille et aux responsabilités qui en découlent », a-t-il écrit dans sa lettre aux électeurs. Jeneroux a annoncé son intention de démissionner de son poste de député au printemps 2026, il exécutera donc vraisemblablement ses fonctions jusqu’à cette date.
Une nouvelle composition parlementaire
La Chambre des communes compte maintenant :
- Libéral : 170 sièges
- Conservateur : 143 sièges
- Bloc Québécois : 22 sièges
- NPD : 7 sièges
- Parti vert : 1 siège
Les libéraux se trouvent à deux sièges d’une majorité absolue de 172 sièges sur 343.
Le NPD maintient sa position critique
Le NPD a voté avec le gouvernement jeudi soir, mais sa position pour les prochains votes demeure incertaine. Don Davies a indiqué que les sept députés néo-démocrates n’ont pas encore décidé comment ils voteront sur l’amendement du Bloc québécois prévu vendredi, ni sur le budget final attendu pour la semaine du 17 novembre.
Le parti critique plusieurs aspects du budget, notamment les coupes de 40 000 postes dans la fonction publique et certaines mesures fiscales. Cependant, il salue les investissements en infrastructures liés aux emplois syndiqués et l’engagement envers les coopératives d’habitation.
Une abstention stratégique est envisagée pour les prochains votes, ce qui permettrait d’éviter des élections anticipées sans endosser directement le budget.
Le Bloc québécois maintient son opposition
Le Bloc québécois déposera vendredi un amendement demandant le rejet du budget. Le parti juge que le document ne répond pas à ses trois demandes: une hausse des transferts en santé de 6%, l’augmentation de la pension de vieillesse dès 65 ans, et le remboursement de 814 millions $ aux Québécois exclus du remboursement de la taxe carbone.
Un deuxième vote de confiance aura lieu vendredi sur cet amendement bloquiste. Le résultat dépendra largement de la position du NPD.
Les conservateurs dénoncent les dépenses
Pierre Poilievre et le caucus conservateur s’opposent au budget et à son déficit de 78,3 milliards $. Les conservateurs dénoncent notamment l’abandon de l’engagement du gouvernement à atteindre l’équilibre budgétaire d’ici 2027-2028.
Le parti a déposé le sous-amendement visant à rejeter le budget dans l’espoir de déclencher des élections anticipées.
Un budget de 280 milliards $
Le budget prévoit 280 milliards $ en nouveaux investissements sur cinq ans, principalement concentrés dans les infrastructures (115 milliards $), la productivité et la compétitivité (110 milliards $), la défense (30 milliards $) et le logement (25 milliards $).
Pour financer une partie de ces dépenses, le gouvernement compte réaliser 60 milliards $ d’économies sur la même période, notamment en réduisant de 40 000 postes dans la fonction publique et en diminuant de 20% le recours aux consultants externes.
Le déficit prévu de 78,3 milliards $ pour 2025-2026 représente le deuxième plus important de l’histoire canadienne en temps de paix. Le gouvernement abandonne son engagement antérieur d’atteindre l’équilibre budgétaire d’ici 2027-2028.
Deux votes franchis, le test décisif à venir
Après avoir survécu jeudi soir au premier vote de confiance, le gouvernement Carney a franchi vendredi un deuxième obstacle, mais dans des circonstances inhabituelles.
Un vote surprenant vendredi
La Chambre des communes a rejeté vendredi par 307 voix contre 30 un amendement du Bloc québécois qui proposait d’augmenter les dépenses budgétaires. L’amendement bloquiste demandait notamment de bonifier les transferts en santé de 11,6 milliards $ sur cinq ans, d’augmenter la pension de vieillesse dès 65 ans plutôt qu’à 75 ans, et de rembourser 814 millions $ aux Québécois exclus du remboursement de la taxe carbone.
Dans un vote qui a surpris plusieurs observateurs, les conservateurs se sont joints aux libéraux pour rejeter cet amendement. Cette alliance ponctuelle ne signifie toutefois pas un appui conservateur au budget. En refusant d’appuyer des dépenses supplémentaires qui alourdiraient encore davantage le déficit, les conservateurs sont restés cohérents avec leur position de réduction des dépenses publiques.
Le NPD, le Bloc québécois et Elizabeth May ont voté en faveur de l’amendement, formant une minorité de 30 voix.
Le vote décisif mi-novembre
Le vote final sur l’adoption du budget lui-même aura lieu autour du 17 novembre, après la pause parlementaire de la semaine du Souvenir. Ce sera le test décisif pour le gouvernement Carney.
Les conservateurs et le Bloc québécois ont déjà annoncé qu’ils voteront contre le budget lors de ce vote final. Elizabeth May a indiqué qu’elle appuierait probablement le gouvernement.
Le sort du budget repose donc entre les mains des sept députés du NPD, qui n’ont toujours pas pris position. Ils devront choisir entre voter pour le budget, voter contre et risquer des élections anticipées, ou s’abstenir stratégiquement pour laisser le budget passer sans l’endosser directement.
Avec 170 sièges, le gouvernement Carney dispose d’une marge de manœuvre limitée. Si le NPD vote contre ou s’abstient, et que tous les autres partis d’opposition votent contre, le gouvernement pourrait être défait et des élections anticipées devraient être déclenchées. L’appui du transfuge Chris d’Entremont, qui a fait passer les libéraux de 169 à 170 sièges, pourrait s’avérer déterminant dans ce calcul serré.
