Avec le projet de loi 7, Québec ouvre la porte à une baisse de 19,2 cents à la pompe en puisant dans les 1,8 milliard de surplus du Fonds vert. Mais l’Institut économique de Montréal va plus loin : pourquoi ne pas remettre en question l’existence même de ce fonds qui fait grimper la facture des automobilistes québécois?
Depuis avril dernier, faire le plein au Québec est devenu un exercice qui fait mal au portefeuille. Alors que le gouvernement fédéral a suspendu puis aboli sa taxe sur les combustibles pour aider les Canadiens face à la hausse du coût de la vie, cette mesure n’a aucun effet au Québec, qui dispose de son propre système de tarification du carbone. Résultat : l’écart de prix avec le reste du pays a explosé, et les chiffres donnent le vertige.
En mars 2025, avant la suspension fédérale, l’essence à Montréal coûtait 3,7 cents de plus que la moyenne canadienne. Quatre mois plus tard, en septembre, cet écart avait bondi à 18 cents, avec une moyenne de 18,13 cents entre avril et septembre — près de cinq fois supérieures. Du côté de Québec, la capitale est passée de 0,8 cent sous la moyenne canadienne à 14,6 cents au-dessus, se distançant fortement de Toronto.
Concrètement, pour un VUS typique comme le RAV4 avec un réservoir de 55 litres, faire le plein à Montréal coûtait près de 90 $ en septembre 2025, soit près de 10 $ de plus que la moyenne canadienne et 13 $ de plus qu’à Toronto. Sur une année complète, pour un VUS qui parcourt en moyenne 14 356 kilomètres et consomme 10 L aux 100 kilomètres, cela équivaut à une surcharge annuelle de 260 $ pour les habitants du Grand Montréal et de 187 $ pour ceux de la région de Québec. Une partie de la différence s’explique d’ailleurs par la taxe supplémentaire de 3 cents appliquée dans le Grand Montréal.
Face à cet écart qui ne cesse de se creuser, le gouvernement du Québec a déposé au début novembre son projet de loi 7 visant principalement à améliorer l’efficacité de l’État. Mais au-delà de l’objectif bureaucratique, ce texte législatif lui donne surtout plus de latitude pour réduire la taxe provinciale sur l’essence de 19,2 cents afin de donner un répit aux consommateurs.
Pour financer cette baisse, Québec propose d’utiliser les surplus du Fonds d’électrification et de changements climatiques — le fameux Fonds vert 2.0 — qui détiendrait actuellement 1,8 milliard de dollars de surplus. Ces sommes pourraient également servir à alimenter le Fonds des générations.
C’est ici que l’Institut économique de Montréal (IEDM) va droit au but. Dans son analyse du projet de loi 7, le think tank affirme sans détour que « l’existence même de ce fonds mérite d’être remise en question ».
L’IEDM reconnaît que si le fonds est maintenu, « une réforme visant à financer la baisse du prix à la pompe semble nécessaire afin de couvrir la perte de recettes fiscales provenant de la taxe sur l’essence ». Mais l’institut va plus loin en avertissant que « le gouvernement ne devrait pas se limiter aux surplus provenant du Fonds vert 2.0 afin de diminuer, à plus long terme, la taxe provinciale sur l’essence ». Une position qui résonne avec la proposition du Parti Conservateur du Québec (PCQ) d’abolir carrément la bourse du carbone qui finance ce fonds.
L’IEDM précise qu’« une réflexion plus en profondeur devra néanmoins être menée par le gouvernement du Québec sur la pertinence du maintien du Fonds vert 2.0, qui entraîne un prix à la pompe plus élevé et crée un désavantage concurrentiel pour certaines de nos exportations vers d’autres pays ».
Cette remise en question arrive à point nommé. Plusieurs taxes distinctes font grimper le prix de l’essence au Québec, en plus de l’effet de la bourse du carbone sur le prix à la pompe. Dans un contexte où l’écart de prix avec la moyenne canadienne est particulièrement élevé depuis avril 2025, « le gouvernement devrait prendre les mesures nécessaires pour le réduire, en commençant, mais sans se limiter à cela, par se servir des surplus du Fonds vert 2.0 », conclut l’IEDM.
La question n’est donc plus seulement de savoir si on utilise les surplus du Fonds vert pour baisser la taxe. Elle est de savoir combien de temps encore les Québécois accepteront de payer des centaines de dollars de plus par année pour alimenter un fonds dont l’utilité même est contestée par des économistes.
Avec 1,8 milliard en réserve et un écart de prix record avec le reste du Canada, le projet de loi 7 pourrait bien être le début d’une révision en profondeur de la fiscalité énergétique québécoise. Reste à voir si le gouvernement aura l’audace d’aller au bout de la logique.


