La mise à jour économique déposée mardi par le ministre des Finances Éric Girard confirme un déficit de 12,4 milliards de dollars pour l’exercice 2025-2026. La dette provinciale bondira de 21 milliards de dollars en une seule année, passant de 256 milliards au 31 mars 2025 à 276 milliards prévus au 31 mars 2026.
Les dépenses pour 2025-2026 atteindront 166,7 milliards de dollars, une hausse de 5,4 milliards par rapport à l’an dernier. Les revenus progresseront de 2,6 milliards sur la même période, creusant l’écart entre les rentrées et les sorties de fonds.
Des frais d’intérêts de 10,2 milliards
Les intérêts sur la dette coûteront 10,2 milliards de dollars aux contribuables cette année, un milliard de plus que le budget complet du ministère de la Famille.
« Avec des frais d’intérêts qui dépassent maintenant les 10 milliards de dollars par année, il est plus urgent que jamais de réduire les dépenses et de commencer à rembourser la dette », a déclaré Nicolas Gagnon, directeur Québec de la Fédération canadienne des contribuables.
Pour Gabriel Giguère, analyste senior à l’Institut économique de Montréal, le gouvernement peine à contenir ses dépenses. « Ce qu’on observe n’est pas tant que le gouvernement multiplie les annonces de programmes, mais bien que la machine peine à contenir la croissance des dépenses », explique-t-il. « Essentiellement, les Québécois et les Québécoises n’en obtiennent pas vraiment plus de la part de Québec, mais la facture continue d’augmenter rapidement. »
Des mesures fiscales limitées
Le gouvernement annonce une réduction des cotisations au Régime de rentes du Québec et au Régime québécois d’assurance parentale, ainsi que l’annulation de la hausse du taux d’inclusion des gains en capital. Les travailleurs pourront épargner en moyenne 80 dollars en 2026, avec un maximum d’environ 137 dollars par travailleur.
L’IEDM souligne que cette économie représente 0,25 dollar de moins que le coût d’un plein d’essence pour un Toyota RAV4 ayant un réservoir de 55 litres. « Si le gouvernement Legault souhaitait réellement aider les familles à faire face à l’incertitude économique et au coût de la vie élevé, il aurait mieux fait de donner un congé de taxe sur l’essence », affirme Gabriel Giguère. « Une telle mesure aurait permis aux Québécois et aux Québécoises d’épargner des centaines de dollars par an, plutôt qu’un maigre 1,54 $ par semaine. »
« François Legault avait promis d’aider les contribuables en remettant de l’argent dans leurs poches, mais cette mise à jour montre que cette promesse relevait surtout d’une stratégie de communication politique », ajoute Nicolas Gagnon.
La mise à jour ne prévoit aucun allègement à la pompe. L’écart de prix de l’essence entre le Québec et la moyenne nationale atteint 18 cents le litre dans la grande région de Montréal et 14,6 cents à Québec.
La taxe carbone dans la mire des critiques
L’IEDM avait recommandé au gouvernement d’utiliser les surplus de 1,8 milliard de dollars du Fonds Vert 2.0 pour réduire la taxe sur l’essence. Une abolition temporaire de la taxe sur les carburants réduirait la facture de 19,2 cents par litre. Cet écart coûte environ 260 dollars par an aux conducteurs de véhicules utilitaires sport dans la région de Montréal, et 187 dollars dans la région de Québec.
Le Parti conservateur du Québec déplore que cette proposition ne se soit pas concrétisée. « L’inflation est plus élevée au Québec qu’ailleurs, et tous les Québécois en souffrent, pendant que le gouvernement en profite pour augmenter ses revenus. L’abolition de la taxe carbone du Québec aiderait notamment à faire baisser le prix à la pompe, le coût du panier d’épicerie, ainsi que les charges pour nos entreprises, en particulier celles touchées par les tarifs américains », a déclaré le chef Éric Duhaime.
« Si le gouvernement veut aider rapidement les agriculteurs et l’industrie forestière, deux secteurs touchés par les tarifs américains, qu’il commence par abolir la taxe carbone, qui coûte en moyenne 7 000 $ à chaque agriculteur et 10 000 $ à chaque entreprise du secteur forestier », a-t-il ajouté.
Selon Adrien Pouliot, porte-parole en économie du Parti conservateur du Québec, l’abolition de la taxe carbone québécoise n’augmenterait pas le déficit puisqu’elle sert à renflouer les coffres du Fonds vert. « La meilleure contribution du Québec à la lutte aux changements climatiques, ce n’est pas de financer des désastres comme Northvolt avec le Fonds vert, mais plutôt c’est d’aider les pays dans leurs propres efforts en leur vendant le gaz naturel qui gît sous nos pieds et qui émet beaucoup moins de GES que le charbon qu’il remplacerait », a-t-il dit. « Et en bonus, le Québec s’enrichirait et pourrait ainsi réduire l’écrasant fardeau fiscal qui nous étouffe. »
Un retour à l’équilibre sans plan concret
Le gouvernement maintient son objectif d’atteindre l’équilibre budgétaire en 2029-2030. Il identifie un écart à résorber de 2,5 milliards de dollars qu’il compte combler en espérant une meilleure croissance économique, en identifiant des sources d’efficacité et en augmentant les transferts fédéraux. Aucun plan concret n’est mis de l’avant.
« Le ministre Girard a beau essayer de nous rassurer en promettant un retour à l’équilibre budgétaire en 2029-2030, on attend toujours de voir un plan crédible de sa part pour y arriver », souligne Gabriel Giguère. « Il doit préciser où et comment il trouvera les 2,5 milliards d’économies prévues d’ici là et présenter aux Québécois et aux Québécoises un plan crédible pour y arriver. »
Le ratio de la dette nette en pourcentage du PIB atteindra 39,7 % au 31 mars 2026. Les investissements en infrastructures publiques s’élèveront à 19 milliards de dollars en 2025-2026, soit 12 % des revenus du gouvernement.
Le Fonds vert au centre des manœuvres comptables
« Au lieu de multiplier les artifices comptables avec le Fonds vert et de maintenir une taxe carbone que seuls les Québécois paient encore, le gouvernement devrait se concentrer sur la maîtrise des dépenses et la réduction du fardeau fiscal des familles », affirme Nicolas Gagnon.
Le gouvernement prévoit un versement additionnel de 1,8 milliard de dollars au Fonds des générations en 2026-2027, provenant du surplus cumulé du Fonds d’électrification et de changements climatiques.
Le fardeau des générations futures
« Cette mise à jour confirme que le gouvernement Legault continue d’enfoncer le Québec dans l’endettement aux dépens des générations futures, au lieu de proposer un véritable plan pour contrôler les dépenses », conclut Nicolas Gagnon de la Fédération canadienne des contribuables.
Adrien Pouliot du PCQ partage cette inquiétude. « Le gouvernement doit rapidement retourner à l’équilibre budgétaire, chaque dollar ajouté à la dette représente un impôt reporté aux prochaines générations. C’est de l’argent qu’on ne peut pas remettre dans les poches des citoyens, ni utiliser pour améliorer les soins de santé ou investir en éducation », explique-t-il.
Avec des emprunts de 12,4 milliards de dollars en 2025-2026 et un service de la dette de 10,2 milliards, le Québec consacre désormais plus d’argent aux intérêts de sa dette qu’au ministère de la Famille. La croissance économique devrait ralentir à 0,9 % en 2025, alors que les dépenses continuent de progresser à un rythme que la Fédération canadienne des contribuables et l’IEDM jugent insoutenable sans réformes structurelles.

