Fin 2025, le ton est déjà à la guerre sociale. La présidente de la FTQ, Magali Picard, n’y va pas de main morte. Elle a prévenu que « Le Québec des prochains mois sera en conflit, ce sera le chaos! » si le gouvernement Legault et son ministre Boulet persistaient avec son projet de loi sur la réforme des syndicats. Ces propos récents, teintés de radicalisme presque révolutionnaire, comparent ni plus ni moins la situation à un champ de bataille. Mme Picard accuse carrément le gouvernement de tendre vers « une droite extrême » et même d’instaurer « quasiment de la dictature » pour avoir osé encadrer les syndicats. On croirait entendre un appel aux armes, lancé par une cheffe syndicale en croisade.
Cette rhétorique guerrière, menace de « chaos » et de « grève sociale » générale à l’appui ; vise à faire plier le pouvoir élu. Magali Picard et consorts se posent en révolutionnaires défenseurs des travailleurs, prêts à en découdre. Pourtant, ce langage belliqueux en dit long sur leur mépris des conséquences pour le public. Derrière les grands discours de « crise », on décèle surtout un syndicat prêt à tout bloquer pour conserver ses privilèges.
Un groupe privé qui écrase le public
Il faut rappeler qu’un syndicat, aussi bruyant soit-il, demeure un groupe d’intérêt privé. Or ce groupe n’hésite pas à se servir du public comme levier pour arriver à ses fins ; quitte à paralyser la majorité, même la veuve et l’orphelin, dans le processus. Combien de familles, d’aînés, de travailleurs non syndiqués subissent de plein fouet les grèves et moyens de pression? Par exemple, lors des grèves dans les transports en commun, c’est Monsieur et Madame Tout-le-Monde qui se retrouvent pris en otage, incapables d’aller au travail ou à leurs rendez-vous médicaux. Même les plus vulnérables ; imaginez la veuve âgée ou l’orphelin qui doit marcher pour se rendre à l’école sont touchés. Ce n’est pas de la fiction : Montréal a connu une crise du transport en commun où les usagers, abandonnés sous la neige, en sont venus à constater que les syndicats disposaient d’un pouvoir démesuré.
Sous couvert de défendre « les travailleurs », ces appareils syndicaux n’épargnent personne. Leur logique est simple : « Nos revendications ou le déluge. » Peu importe si l’économie locale trinque, si les citoyens perdent des journées de salaire ou manquent des services essentiels, tout cela est considéré comme un dommage collatéral dans leur lutte. Ils savent pertinemment que ce chantage au blocage leur donne un poids énorme dans le rapport de force. Mais ce faisant, ils piétinent la majorité silencieuse qui n’a pas son mot à dire à leur table de négociation.
Crise fabriquée et travailleurs sacrifiés
Le plus ironique, c’est d’entendre ces leaders syndicaux crier à la « crise sociale » alors qu’ils la provoquent eux-mêmes. Magali Picard parle de chaos à venir… sans admettre que ce chaos serait le fruit de leurs actions si elles décident de déclencher des grèves générales. C’est un peu l’incendiaire qui crie au feu. En brandissant la menace du pire, ces syndicalistes « qui sentent la soupe chaude » cherchent à faire peur pour défendre leur bout de gras. Ils prétendent mener une guerre au nom des travailleurs, mais en réalité ils nuisent au combat des travailleurs ordinaires.
Pourquoi? Parce qu’à force de tout bloquer et d’adopter une posture va-t-en-guerre, ils découragent l’opinion publique et isolent les véritables travailleurs qu’ils prétendent représenter. La majorité des Québécois commence d’ailleurs à ouvrir les yeux. Un sondage Léger indiquait déjà fin 2025 que 54 % de la population avait désormais une opinion défavorable des syndicats. Près d’une personne sur deux estimait que les syndicats ont trop de pouvoir. Quand plus de la moitié du public en vient à se méfier du mouvement syndical, comment celui-ci peut-il encore prétendre parler au nom du peuple? En sabotant le quotidien des gens, ces syndicats extrémistes trahissent la cause qu’ils sont censés servir. Au lieu de rallier les travailleurs à une lutte juste, ils fracturent la solidarité. Ce climat de confrontation permanente profite-t-il vraiment aux infirmières épuisées, aux enseignants sous-payés ou aux ouvriers à bout de souffle? Pas sûr.
Un pouvoir sans vrai contrôle démocratique
Il y a dans tout cela une iniquité démocratique flagrante. Au Québec, un syndicat comme la FTQ représente plus de 600 000 membres cotisants. C’est une machine puissante capable d’influencer grandement les politiques publiques. En comparaison, un parti politique doit conquérir ses appuis vote par vote, rendre des comptes sur ses finances et se soumettre au verdict des urnes. Le syndicat, lui, n’est pas soumis aux mêmes règles : il n’a pas à plaire à l’ensemble de la population pour exister, seulement à satisfaire sa base militante. Cette base, financée par des cotisations obligatoires prélevées directement sur les salaires (merci la formule Rand), constitue une cagnotte quasi garantie pour alimenter sa guerre.
Les privilèges dont jouit un grand syndicat comparé à un parti politique sont renversants :
Il y a apparence de financement forcé. Il perçoit des cotisations obligatoires de ses membres, là où les partis doivent convaincre des donateurs volontaires.
Aussi, une opacité financière. Il n’a aucune obligation de publier ses états financiers au grand public. (D’ailleurs, 52 % des Québécois estiment qu’on devrait rendre publics les salaires et dépenses des dirigeants syndicaux, ce qui en dit long sur le manque de transparence actuel.)
On parle d’un Militantisme politique sans balises. Il peut s’immiscer dans les débats publics, financer des publicités ou des campagnes d’opinion avec l’argent des membres, sans subir les stricts plafonds et contrôles imposés aux partis politiques.
Aussi cela implique une pression extraparlementaire : Par la grève et la rue, il exerce un contre-pouvoir de facto plus fort que bien des oppositions officielles. Aucune formation politique ne peut, en dehors du Parlement, bloquer un État comme peut le faire un syndicat en arrêtant des secteurs entiers de l’économie.
En somme, un grand syndicat peut agir comme un État dans l’État, sans la légitimité électorale universelle qui devrait aller de pair avec une telle influence. Certains, comme le chef conservateur Éric Duhaime, dénoncent à juste titre que les syndicats sont devenus une « force d’immobilisme et de statu quo » qui déborde de sa mission pour s’ingérer dans la politique. On est bien loin de la simple défense des conditions de travail ; on parle de poids politique parallèle, exercé par une élite syndicale qui ne rend de comptes qu’à elle-même.
Silence complice des médias traditionnels
Face à cette situation, où sont les contre-pouvoirs médiatiques? On serait en droit de s’attendre à ce que nos grands médias s’emparent du sujet et questionnent ce déséquilibre démocratique. Or, mis à part quelques articles dans la presse écrite, le sujet reste étonnamment discret à la télévision et à la radio publiques. Les traditionnels gardiens de la démocratie semblent avoir la critique sélective : ils dénoncent facilement les abus des politiciens ou des entreprises, mais épargnent curieusement les abus syndicaux. Serait-ce parce que bon nombre de salles de nouvelles sont elles-mêmes syndiquées? La question se pose. En attendant, le citoyen moyen, lui, constate le décalage entre ce qu’il vit et ce qu’il entend dans les médias.
Les conséquences de ce silence médiatique sont graves. Cela permet aux discours syndicaux musclés de prospérer sans véritable contradiction publique. Quand Magali Picard lance ses anathèmes en point de presse, combien de journalistes osent la confronter sur l’impact réel de ses menaces sur « la veuve et l’orphelin »? Rarement on ne remet en cause son narratif où le syndicat serait le faible opprimé et le gouvernement le tyran alors même que le rapport de force suggère l’inverse. Ce manque de recul critique laisse le champ libre à la pensée unique pro-syndicale dans certaines tribunes, et décourage toute remise en question honnête de la place des syndicats dans notre démocratie.
Pour une remise à l’ordre démocratique
Il est grand temps de briser ce tabou et de nommer les choses telles qu’elles sont. Oui, les syndicats ont joué un rôle historique important pour protéger les travailleurs. Personne ne nie les acquis du passé. Mais cela ne justifie en rien qu’en 2025, une poignée de chefs syndicaux puissent prendre tout un peuple en otage pour préserver leur pouvoir. Il y a urgence à rééquilibrer les règles du jeu : plus de transparence, plus de redevabilité, et des limites claires aux capacités de nuisance de ces « groupes privés » sur la sphère publique. Démocratiser le mouvement syndical et le remettre à sa place, c’est rendre service aux vrais travailleurs, ceux qui subissent aujourd’hui les contrecoups de ces guerres de tranchées initiées d’en haut.
Pensez-y deux secondes : un organisme privé, oui, un syndicat, qui siphonne l’argent de ses membres pour envoyer des délégués au Brésil ou… en Islande jaser de féminisme international… Quel est le lien, exactement, avec les conditions de travail de ceux qui paient la facture? Aucun. Vous connaissez déjà la réponse. C’est indécent, point.
En clair, l’intérêt du public ne peut plus passer après les caprices d’une élite syndicale autoproclamée révolutionnaire. La majorité silencieuse a aussi son mot à dire. Et cette majorité en a assez d’être otage de négociations qui se font dans la rue au lieu des urnes. Il est temps de rappeler que la démocratie, la vraie, ne se mène pas à coups de menaces et de chaos orchestré. Si Magali Picard et ses semblables veulent jouer aux révolutionnaires, qu’ils n’oublient pas qu’ils risquent de se retrouver seuls sur les barricades, pendant que la veuve et l’orphelin et tous les autres citoyens exaspérés regarderont enfin vers un avenir où le bien commun supposé primera sur les intérêts d’un club privé.
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Samuel Rasmussen, alias Le Blond Modéré, est membre des Trois Afueras et collaborateur du podcast Ian & Frank. Titulaire d'une formation en relations internationales à l'Université de Sherbrooke, il s'intéresse particulièrement à la géopolitique, aux zones d'influence et aux différentes formes de pouvoir.