Le Parti libéral du Québec (PLQ) traverse une crise majeure qui a attiré l’attention de l’Unité permanente anticorruption (UPAC). Depuis le 17 novembre 2025, une série d’événements ont ébranlé la formation politique de Pablo Rodriguez, menant à de multiples enquêtes portant sur des allégations d’irrégularités lors de la dernière course à la chefferie.
L’entrée en scène de l’UPAC
L’UPAC a confirmé le 26 novembre être en train de valider des informations concernant des « allégations d’actes répréhensibles » visant le PLQ. Des enquêteurs se sont rendus au domicile de la députée Marwah Rizqy pour recueillir sa version des faits. Le porte-parole de l’UPAC, Mathieu Galarneau, a indiqué que l’organisme décidera s’il doit aller plus loin avec une enquête formelle après avoir analysé les informations.
L’UPAC effectue des enquêtes criminelles en matière de corruption, d’abus de confiance, de malversation, de collusion, de fraude et de trafic d’influence. Son travail dans ce dossier en est toutefois à ses débuts et il est trop tôt pour savoir s’il débouchera sur des accusations. Pablo Rodriguez a accueilli favorablement cette initiative, affirmant souhaiter que l’UPAC « fasse toute la lumière sur cette affaire et, s’il y a lieu, dépose les accusations qui s’imposent ».
L’origine de la crise : le congédiement de Geneviève Hinse
La crise a éclaté le 17 novembre 2025 lorsque Marwah Rizqy, alors cheffe parlementaire du PLQ, a congédié sans préavis Geneviève Hinse, sa directrice de cabinet et proche de Pablo Rodriguez. Rodriguez a qualifié ce geste de « surprise totale » et de « bris de confiance », suspendant Rizqy du caucus libéral le lendemain. Le député André Fortin l’a remplacée comme chef parlementaire.
Lors de sa rencontre avec Rodriguez après le congédiement, Rizqy s’est présentée accompagnée de son avocat et aurait refusé de donner des explications, prétextant vouloir « protéger » son chef. Selon des sources libérales, Rizqy soupçonnait Hinse d’avoir utilisé des fonds publics de l’Assemblée nationale pour financer des activités partisanes du chef en région. Rizqy a affirmé avoir « été étroitement accompagnée par les ressources humaines de l’Assemblée nationale » et avoir « préservé la confidentialité en tout temps », rejetant toute motivation politique.
Le terme « fling-flang »
Lors d’un point de presse le 21 novembre, Pablo Rodriguez a révélé que Marwah Rizqy lui avait parlé d’un « fling-flang » en lien avec « Ottawa » lors de leur rencontre privée la semaine précédente. Il a répété cette affirmation le dimanche suivant à l’émission Tout le monde en parle. Ce terme suggère des irrégularités impliquant potentiellement des liens entre le PLQ provincial et le Parti libéral du Canada (PLC).
L’attention s’est ensuite tournée vers le député libéral fédéral Fayçal El-Khoury (Laval—Les Îles). Selon La Presse, une discussion entre El-Khoury et Rizqy lors de l’inauguration du REM le 14 novembre aurait été le déclencheur de la crise et serait sous la loupe du Directeur général des élections du Québec (DGEQ).
Rodriguez a confirmé qu’El-Khoury détenait un certificat de sollicitation pour récolter des dons pendant sa course à la chefferie. Pourtant, El-Khoury avait initialement nié auprès de La Presse avoir joué quelconque rôle dans cette course. Pressé par les journalistes, le député fédéral a refusé de répondre aux questions, promettant une déclaration ultérieure.
Les textos troublants sur la course à la chefferie
Un élément central de la crise provient de textos publiés par le Journal de Montréal, suggérant que des membres du PLQ qui appuyaient Pablo Rodriguez lors de la dernière course à la chefferie auraient été récompensés avec de l’argent. Les personnes à l’origine de ces messages n’ont pas été identifiées publiquement.
Une révélation surprenante est venue d’Élections Québec : il n’est pas illégal de payer quelqu’un en échange de son vote lors d’une course à la chefferie d’un parti politique, contrairement aux élections générales ou partielles. Cette faille légale a poussé le gouvernement Legault à envisager des modifications législatives.
Pablo Rodriguez a commandé une enquête externe au juge à la retraite Jacques R. Fournier pour faire la lumière sur ces allégations qu’il qualifie de « graves ». Le chef libéral a également mis en demeure le Journal de Montréal pour obtenir l’identité des personnes impliquées et des explications sur la vérification de l’authenticité des messages.
Enquêtes et poursuites
Le PLQ fait face à au moins cinq processus distincts :
Enquêtes :
- L’UPAC valide des informations sur les allégations d’actes répréhensibles
- Le DGEQ (Élections Québec) examine les textos et la conversation El-Khoury/Rizqy
- La Commissaire à l’éthique a été saisie concernant l’utilisation de fonds publics à des fins partisanes
- Le juge Jacques R. Fournier mène une enquête externe commandée par le PLQ
Poursuites :
- Geneviève Hinse poursuit Marwah Rizqy pour 500 000 $ pour congédiement abusif. Dans sa poursuite déposée en Cour supérieure, elle affirme avoir voulu entreprendre des démarches auprès de la Commissaire à l’éthique pour clarifier la répartition des dépenses entre fonds publics et fonds partisans, mais que Rizqy s’y serait opposée « agressivement ».
Réactions politiques et contexte historique
Les partis d’opposition ont vivement réagi. Le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette a déclaré que « c’est le même vieux Parti libéral qui n’a pas changé. Les mêmes pratiques illégales, les mêmes pratiques questionnables sur le plan éthique ». Le député péquiste Alex Boissonneault s’est demandé si « le fling-flang dont parle Marwah Rizqy pour Ottawa, est rendu à Québec ».
Cette crise rappelle l’enquête Mâchurer, un projet de l’UPAC qui avait visé le PLQ pour des allégations de financement illégal entre 2002 et 2012. Cette enquête, qui ciblait notamment Jean Charest et Marc Bibeau, a été close en 2022 sans qu’aucune accusation ne soit portée après plus de 300 témoignages.
Le chef conservateur Éric Duhaime avait été le premier à réclamer l’intervention de l’UPAC dans cette affaire. Il a critiqué le PLQ pour avoir négligé des enjeux majeurs comme l’industrie forestière et la santé pendant cette crise.
Une crise qui s’annonce longue
Malgré l’optimisme de certains députés libéraux, cette crise semble loin d’être terminée. Les multiples enquêtes en cours impliqueront des auditions de témoins, des dévoilements d’information et le dépôt de rapports qui maintiendront l’attention médiatique. La relation entre le PLQ et le PLC fédéral est également scrutée, plusieurs ex-collaborateurs de Justin Trudeau occupant désormais des postes clés au sein du parti provincial.


