Jeudi, juin 26, 2025

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Alberta Next Panel : L’Alberta lance un ultimatum à Ottawa

La première ministre Danielle Smith dévoile l’Alberta Next Panel, un processus de consultation qui pourrait mener à des référendums sur l’autonomie provinciale en 2026

L’Alberta vient de hausser le ton face à Ottawa. Dans une annonce qui risque de faire des vagues d’un océan à l’autre, la première ministre Danielle Smith a dévoilé mardi l’Alberta Next Panel, un ambitieux processus de consultation qui pourrait redéfinir les relations entre la province et le gouvernement fédéral.

« Ce n’est plus tant une question pour l’Ouest de « vouloir sa place », que de vouloir qu’Ottawa cesse de se mêler de ses affaires. », a lancé Smith lors de la conférence de presse, résumant d’une phrase cinglante l’exaspération albertaine face aux politiques fédérales des dix dernières années.

Un panel pour reprendre le contrôle

L’Alberta Next Panel, dirigé par Smith elle-même, rassemble une quinzaine d’experts issus du droit, des affaires, de l’agriculture et de la santé. Leur mission : organiser des assemblées publiques à travers la province de juillet à octobre pour recueillir l’opinion des Albertains sur six enjeux majeurs d’autonomie provinciale.

Au menu des discussions : la création d’un régime de pensions albertain, la mise sur pied d’une police provinciale pour remplacer la GRC, des réformes constitutionnelles au Sénat et à la Chambre des communes, des changements aux transferts fédéraux et à la péréquation, une réforme de l’immigration donnant plus de pouvoirs à la province (comme au Québec), et la collecte provinciale de l’impôt sur le revenu.

« Ce que nous entendrons nous aidera à tracer l’avenir de l’Alberta », a expliqué Smith, précisant que les recommandations du panel seront soumises aux Albertains par référendum en 2026.

20 milliards de dollars par année : le nerf de la guerre

Les chiffres avancés par Smith donnent le vertige. L’Alberta contribue 20 milliards de dollars par année en transferts nets vers Ottawa, soit l’équivalent de 23% des exportations canadiennes avec seulement 11% de la population du pays.

« Et qu’avons-nous en retour? », s’est interrogée la première ministre, énumérant une litanie de griefs : référendum sur la péréquation ignoré, opposition au projet de loi C-69 (surnommé la « loi anti-pipelines ») balayée du revers de la main, juridictions provinciales piétinées.

Adam Legge, président du Business Council of Alberta et membre du panel, a enfoncé le clou : « Le PIB par habitant de l’Alberta est aujourd’hui inférieur à ce qu’il était il y a dix ans. Les Albertains et les Canadiens en souffrent. »

Le spectre séparatiste plane

L’éléphant dans la pièce ? Le mouvement séparatiste albertain qui prend de l’ampleur. Lors des élections partielles de lundi soir, le Republican Party of Alberta a récolté 17 % des voix dans Olds-Didsbury-Three Hills, un résultat qui n’est pas passé inaperçu et qui a directement motivé l’annonce de l’Alberta Next Panel.

« Eh bien, c’est en partie pour cela que nous lançons le processus Alberta Next », a expliqué Smith lorsqu’on l’a interrogée sur cette poussée séparatiste. « Nous savons que nous devons pouvoir présenter un argument solide en faveur d’une Alberta forte au sein d’un Canada uni, mais nous devons aussi nous attaquer aux causes de cette montée du sentiment séparatiste. »

La première ministre mise sur une collaboration avec Ottawa pour désamorcer la crise : « Je partage l’espoir d’Adam que nous pourrons collaborer de manière constructive avec Mark Carney pour y parvenir. Des discussions sont en cours à l’heure actuelle. Malheureusement, nous n’avons pas encore vu beaucoup d’actions concrètes. »

Mais Smith n’hésite pas à pointer du doigt les responsables de cette montée séparatiste : « Je dirais donc que le sentiment que vous observez aujourd’hui a été engendré à Ottawa par dix années de politiques désastreuses. » Elle croit toutefois que le mal peut être réparé : « Et je pense qu’Ottawa peut aussi apaiser ce sentiment en annulant ces dix années de mauvaises politiques et en nous permettant de recommencer à investir. »

Interrogée plus tard sur l’ampleur du phénomène, la première ministre n’a pas mâché ses mots : « J’espère qu’il prend le sentiment séparatiste aussi au sérieux que moi. Ce n’est pas une blague, et je ne l’ai jamais vu aussi fort. » Un avertissement à peine voilé à l’endroit d’Ottawa, assorti d’une bouée de sauvetage : « Ils pourraient régler ce problème en faisant leur mea culpa, comme ils l’ont fait en annulant la taxe carbone. »

Smith reste optimiste quant à la capacité du premier ministre Carney de corriger le tir : « Il a démontré qu’il pouvait changer de cap lorsqu’il reconnaît une erreur. J’ai donc bon espoir que nous pourrons le convaincre d’ici les trois prochains mois. » Le message est clair : Ottawa a jusqu’en septembre pour démontrer sa bonne foi, sinon l’Alberta pourrait bien explorer d’autres avenues.

Neuf lois « terribles » dans le collimateur

Smith a identifié neuf lois fédérales qu’elle qualifie de « terribles » et qui, selon elle, étranglent l’économie albertaine. Parmi celles-ci : le projet de loi C-69 (évaluation d’impact), C-48 (moratoire sur les pétroliers), C-59 (écoblanchiment), le plafond d’émissions sur le pétrole et le gaz, et les règlements sur l’électricité propre.

« Ils ont tué plusieurs projets majeurs de pipelines et de ressources, faisant fuir des centaines de milliards en investissements », a-t-elle dénoncé, en pointant du doigt une décennie de politiques libérales « soutenues par leurs alliés néo-démocrates ».

Voici la liste des lois problématiques pour l’Alberta lors de cette annonce:

  1. C-69 – Loi sur l’évaluation d’impact (Impact Assessment Act)
  2. C-48 – Moratoire sur les pétroliers (Oil Tanker Moratorium Act)
  3. C-59 – Loi sur les pratiques commerciales durables (loi contre l’écoblanchiment)
  4. Plafond fédéral sur les émissions de pétrole et de gaz
  5. Règlement sur l’électricité propre (Clean Electricity Regulations)
  6. Tarification du carbone (Carbon pricing)
  7. Loi canadienne sur l’environnement (modifications récentes)
  8. Interdictions fédérales sur les plastiques à usage unique
  9. Loi sur la protection de la biodiversité et la mise en œuvre de l’objectif 30 % d’ici 2030

Pipeline en vue : l’espoir renaît

Dans une note plus optimiste, Smith a révélé que des discussions actives sont en cours avec plusieurs compagnies de pipelines depuis son élection. « Eh bien, je peux vous dire que nous avons discuté avec toutes les compagnies de pipelines depuis ma première élection, en affirmant que nous souhaitions doubler notre production de pétrole et de gaz tout en cherchant des façons de réduire les émissions », a-t-elle déclaré, laissant entendre qu’une annonce pourrait survenir « dans quelques semaines ».

La première ministre mise tout sur le nouveau processus d’approbation promis par le premier ministre Carney, avec un engagement ferme sur un échéancier de deux ans. « Et je pense que si nous avons un engagement du gouvernement fédéral quant à un échéancier de deux ans, une voie vers un oui, et un véritable engagement à y parvenir en collaboration avec le projet Pathways, je suis convaincue qu’un promoteur ou un consortium se manifestera. »

Le secteur privé aux commandes

Smith a été catégorique : pas question de répéter l’erreur de Trans Mountain. « Et j’ai aussi dit aussi bien au premier ministre qu’en public que si nous devons utiliser de l’argent des contribuables au niveau fédéral pour financer un autre pipeline, alors c’est un échec du processus », a-t-elle martelé. « Ce que nous essayons de faire, c’est de créer un climat d’investissement où les partenaires du secteur privé voudront s’impliquer. »

L’enjeu financier est colossal. Smith évoque un projet qui pourrait coûter entre 10 et 20 milliards de dollars, mais qui générerait des revenus de 20 milliards par année grâce à un nouveau pipeline d’un million de barils par jour.

« Et ensuite, grâce à un nouveau pipeline d’un million de barils par jour, ils pourront générer 20 milliards par année en nouvelles recettes provenant des ressources, année après année après année. C’est un assez bon compromis, je trouve. »

Danielle Smith, le 24 juin 2025

Les Premières Nations au cœur du projet

L’Alberta a déjà mis 750 millions de dollars sur la table pour garantir une participation autochtone dans les grands projets linéaires, portant la garantie de prêt à trois milliards. « Et j’ai aussi dit que, grâce à la Alberta Indigenous Opportunities Corporation, c’est notre message aux Premières Nations : nous croyons fermement que tout grand projet linéaire de cette ampleur doit vraiment inclure une participation en capital autochtone », a précisé Smith.

La première ministre reste confiante que cette approche, combinée au projet Pathways de capture du carbone, créera les conditions nécessaires pour attirer les investisseurs privés sans avoir recours aux deniers publics fédéraux.

Un ultimatum déguisé

Malgré le ton diplomatique de façade, l’Alberta Next Panel ressemble davantage à un ultimatum qu’à une simple consultation. Smith a donné jusqu’au 15 septembre – date de reprise des travaux parlementaires à Ottawa – pour voir des progrès concrets.

« La session commence le 15 septembre. On saura donc dans trois mois si on a fait des progrès ou non », a-t-elle prévenu.

Le message est clair : Ottawa a trois mois pour démontrer sa bonne foi, sinon l’Alberta pourrait bien prendre les grands moyens pour reprendre le contrôle de son destin. Comme l’a si bien dit Smith : « Ils pourraient régler ce problème en faisant leur mea culpa, comme ils l’ont fait en annulant la taxe carbone. »

L’été s’annonce chaud dans les Prairies, et pas seulement à cause de la météo.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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