Plus qu’une journée fériée pour célébrer avec nos proches et prendre un coup, la Saint-Jean-Baptiste nous impose un devoir de mémoire sur les 491 années d’histoires de notre nation Canadienne-Française (puis Québécoise) en Amérique, mais également le temps de réfléchir sur nos choix futurs qui définiront notre avenir. Car si un très rapide survol historique s’impose, ne serait-ce que pour honorer le Je me souviens de nos plaques de char, je demeure persuadé que l’intérêt pour notre passé apporte la perspective nécessaire pour éclairer l’action de demain.
Bientôt 500 ans en Amérique
Il faut le rappeler, notre histoire ne débute pas en 1960 lors de la Révolution tranquille qui aurait enfin triomphé d’une prétendue « grande noirceur ». D’abord marqué par la découverte du golfe du Saint-Laurent en 1534 et la création de réseaux de commerce de fourrures dans les années suivantes, c’est en 1608 que débute la vraie colonisation avec le peuplement de la vallée du Saint-Laurent où nos ancêtres ont défriché et labouré la terre tout en bravant de nombreux hivers sans déneigeuses ni chauffage électrique. Des personnages comme Samuel de Champlain, Jean Talon, Louis Hébert, Jeanne Mance et bien d’autres ont fondé les premiers jalons de notre civilisation dans des conditions difficiles et avec peu de ressources. À cet effet, je ne peux que recommander la lecture du livre Nouvelle-France, Ce qu’on aurait dû vous enseigner de l’irremplaçable Gilles Proulx pour découvrir nos personnages illustres de cette époque et leurs accomplissements.
Vient ensuite l’incontournable guerre de Sept Ans qui marqua la fin de la couronne Française en Amérique du Nord et le début de la tortueuse cohabitation forcée avec les Anglais dès 1763. Même 262 ans plus tard, c’est la Conquête qui nous a imposé notre réalité de « petite nation » au sens où l’entend Milan Kundera, c’est-à-dire une nation consciente de sa précarité et du risque réel de sa disparition à long terme. D’où les nombreux débats sur le nationalisme, la langue, l’immigration et l’indépendance qui reviennent de manière cyclique dans l’actualité depuis des décennies.
Le siècle 1830-1930, peu abordé à l’exception de la rébellion des Patriotes, est également marquant puisque plus de 800 000 Canadiens-Français se sont exilés vers les États-Unis, principalement en raison de la pauvreté répandue et du manque d’opportunités économiques. Un désastre démographique qui a drastiquement réduit le « pouvoir québécois » comme l’entend Christian Dufour. Les accords du Lac Meech auraient-ils pu passer avec plus d’un million de Québécois supplémentaires et une plus grande proportion de francophones au Canada ? Bien qu’avec des « si » on mettrait Paris en bouteille, le poids démographique de ces 800 000 Canadiens-Français et surtout de leurs nombreux descendants aurait vraisemblablement fortement changé le cours de notre histoire moderne.
S’ensuit l’après 2e guerre mondiale et la Révolution tranquille, où nous sommes passés d’un des peuples parmi les plus croyants au monde au plus athéiste en l’espace de quelques années, séparation radicale compensée non pas par de la crème glacée Coaticook mais plutôt par un appétit dévorant pour que l’État bureaucratique prenne plus de place dans nos vies. Ce qui nous apporte à notre réalité contemporaine de 2025.
Quelle société souhaitons-nous devenir ?
Si notre passé est marqué par des accomplissements remarquables, mais aussi des défaites et opportunités manquées, le futur reste à écrire et c’est sur celui-ci que nous avons de l’emprise. Or, comme de nombreux compatriotes, je ne suis pas le seul à ressentir cette espèce de léthargie économique et culturelle qui prend de l’ampleur au Québec. Outre les questions de la diminution du pouvoir d’achat, de l’immobilier inaccessible aux jeunes adultes et de la criminalité en hausse qui touche également tout le Canada, le modèle social spécifiquement Québécois craque de partout. Malgré les déficits records sous François Legault qui a même entraîné une décote, l’État Québécois ne semble jamais avoir été si mal en point. Les grèves des fonctions publiques et parapubliques se multiplient comme des pissenlits, l’accès aux soins publics est inaccessible ou « accessible » en étant inscrit sur des listes d’attentes soviétiques, les conditions de vie des aînées en CHSLD et RPA ne voient pas d’améliorations, les infrastructures publiques ne fournissent pas à la demande, sont plus souvent que jamais mal entretenues et leurs coûts sont toujours pharaoniques… mais ce n’est pas tout !
Outre les nombreux échecs et promesses non remplies de l’État, une perte de dynamisme culturel est également observable au Québec. En plus des folies du wokisme, du culte apocalyptique d’enverdeurs dont on nous rabroue sans cesse les sermons et des terribles privations de libertés fondamentales vécues de la période Covid, plusieurs de nos concitoyens semblent être intrinsèquement motivés par la promesse d’une société avec toujours plus de règles qui auraient pour objectif de garantir le confort absolu et une routine stable érigée en droit constitutionnel. Il suffit de suivre l’actualité pour s’en rendre compte; débats sur la diminution du taux d’alcool au volant à 0,05, plaintes de bruits contre les jeunes qui jouent à l’extérieur, fermetures de parcs à chien en raison de « l’impact sonore », annulation de feux d’artifice en raison de la « pollution », l’appel à l’interdiction les feux de bois en camping parce que la fumée pollue et incommode … et j’en passe.
Est-ce vraiment dans ce genre de société fade, morne et hyper réglementée que nous souhaitons vivre ? Je ne crois pas que nos ancêtres soient débarqués en Amérique pour fonder ce genre de société dénuée d’impulsion de vie. Je ne crois pas non plus que les immigrants qui choisissent le Québec soient attirés par cette vision de société netflixienne pantouflarde. Il faut réapprendre à construire, innover, développer, prendre des risques, responsabiliser et rendre imputable les individus. Valoriser les libertés individuelles et l’entreprenariat tout en cessant de s’opposer à des projets économiques comme GNL Québec, le projet Laurentia du port de Québec ou encore d’infrastructures publiques comme le 3e lien. Le Québec ne manque pas de ressources matérielles ni humaines. Nous avons un énorme potentiel sous-exploité pour devenir une nation plus riche, plus libre, plus résiliente et plus attractive où nos citoyens auront les opportunités de réaliser leurs aspirations.
Sur ces réflexions, je souhaite à notre nation de redécouvrir l’importance capitale de la liberté et de l’entreprenariat et que ces valeurs redeviennent les pierres angulaires de nos choix collectifs futurs. Bonne Saint-Jean-Baptiste !