Le ministre des Finances François-Philippe Champagne dépose aujourd’hui le premier budget du gouvernement Carney, un exercice qui pourrait précipiter la chute du gouvernement libéral minoritaire et déclencher des élections avant les Fêtes.
Des finances publiques dans le rouge
Le Canada se trouve dans une situation financière difficile. Le directeur parlementaire du budget, un organisme indépendant qui analyse les finances publiques, prévoit un déficit de 68,5 milliards de dollars cette année, comparativement à 51,7 milliards l’an dernier. Concrètement, cette somme s’ajoutera à la dette nationale du Canada.
Robert Asselin, président-directeur général d’U15 Canada et ancien conseiller des premiers ministres libéraux Paul Martin et Justin Trudeau, qualifie la situation d’« absolument désastreuse ». Selon lui, le déficit structurel, soit la différence permanente entre les revenus et les dépenses, atteindrait entre 50 et 60 milliards de dollars, avec une économie qui stagne.
Le ministre Champagne promet des investissements « générationnels » comparables à ceux de l’après-guerre de 1945 dans le logement, les infrastructures et l’énergie. Le premier ministre Carney a prévenu que la situation « exigera certains sacrifices » et affirme vouloir réduire les « dépenses inefficaces » pour investir dans les secteurs productifs. Paradoxalement, le déficit passera de 51,7 milliards à 68,5 milliards de dollars.
Un gouvernement minoritaire en position de faiblesse
Les libéraux détiennent 153 sièges sur 338, soit trois de moins qu’une majorité. Pour faire adopter ce budget, qui constitue un vote de confiance, ils doivent obtenir plus de votes pour que de votes contre parmi les députés qui votent. Cela nécessiterait soit l’appui direct d’au moins 17 députés de l’opposition, soit l’abstention d’au moins 33 députés, ou une combinaison des deux.
Le Bloc Québécois (22 sièges) a clairement fait savoir qu’il votera probablement contre le budget. Christine Normandin, leader parlementaire du Bloc, affirme que le gouvernement refuse toute négociation malgré leurs six demandes totalisant 6,6 milliards de dollars. Parmi ces demandes figurent 814 millions pour rembourser la taxe carbone au Québec et une bonification des pensions pour les 65-74 ans. Elle laisse entendre que l’attitude des libéraux suggère qu’ils ne cherchent même pas vraiment à faire adopter leur propre budget, comme s’ils voulaient provoquer des élections.
Le NPD (7 sièges) pourrait jouer un rôle dans la survie du gouvernement. Don Davies, chef intérimaire du parti depuis la défaite électorale d’avril dernier, confirme que son parti pourrait recourir à l’abstention. Certains ou tous ses députés ne voteraient alors ni pour ni contre le budget. Toutefois, avec seulement 7 sièges, leur abstention seule ne suffirait pas à faire passer le budget face aux 166 votes contre du Bloc et des conservateurs, à moins que d’autres députés de l’opposition s’abstiennent également.
Le caucus néo-démocrate se réunira mardi soir et mercredi pour décider collectivement de sa position. Selon le Globe and Mail, des sources au sein des caucus conservateur et néo-démocrate, qui ont demandé l’anonymat parce qu’elles n’étaient pas autorisées à parler publiquement, suggèrent que le scénario le plus probable implique des abstentions de la part de plusieurs députés, ce qui permettrait au budget de passer.
Les conservateurs de Pierre Poilievre (144 sièges) ont établi des conditions strictes, notamment d’exiger que le déficit reste sous 42 milliards de dollars alors que les projections le situent à près de 70 milliards. Le parti n’a pas révélé publiquement sa stratégie de vote.
Un calendrier électoral problématique
Même si le gouvernement était renversé, le premier vote budgétaire ne surviendrait qu’à partir du 17 novembre en raison du congé du Jour du Souvenir. Des élections avant Noël plongeraient le Canada en campagne électorale durant la période des Fêtes.

                                    