Le gouvernement Carney a adopté en vitesse Mach-Parlement son projet de loi C5 qui vise à accélérer la construction de projets dits « d’intérêt national ». Avec le support des conservateurs, cette pièce législative a passé comme lettre à la Poste-Canada-avec-pas-de-grève.
Quelques trucs là-dessus.
Voir aussi : Projet de loi C-5 : Ottawa impose sa loi au nom du commerce
Premièrement, un projet bipartisan comme ça était impensable à la fin du règne Trudeau. Faut pas être naïf, ce ne sera pas la fraternité de l’amour éternel sur la Colline très longtemps, mais ça te revigore ta fibre démocratique, larme à l’œil, de voir des parlementaires parlementer.
Un maigre huit heures d’étude en comité parlementaire a été requis pour adopter tout ça, ce qui est plus court que lorsqu’ils discutent de changer le papier à lettres de la « Commission des verres en carton pour le café ».
J’imagine que comme le disait Jeff Goldblum quand il a vu le méchant scientifique se faire bouffer cru par le T-Rex dans une toilette chimique dans Jurassic Park, « Quand faut y’aller, faut y’aller ».
(Niché quand même de lier Andrew Scheer [le leader parlementaire des conservateurs en attendant que le beau Pierre-sans-famille se trouve un comté] et Jurassic Park, mais il a un petit je-ne-sais-quoi de dinosaure qui jazz avec lui quand il parle d’avortement.)
Enfin bref, parlons des deux aspects du projet de loi. Le président de la Chambre a appelé deux votes pour C-5, fait quand même rare, afin de séparer ses deux grands volets.
D’un côté, il y a un adoucissement des barrières commerciales entre les provinces. Concrètement, on est encore loin du but ultime du libre-échange entre les provinces, mais on facilite quand même certaines choses.
Par exemple, si une province accepte certains critères de mise en marché dans sa réglementation, le fédéral va automatiquement l’accepter aussi, ce qui évite la double démarche administrative. Il y a aussi une reconnaissance mutuelle des formations professionnelles entre les provinces et le fédéral pour certains métiers.
Ce n’est pas le Klondike honnêtement, mais le Canada est un assemblage de plein de provinces qui se pilent sur les pieds et qui sont collectivement en combat constant avec le fédéral pour respecter les champs de compétence de la Constitution — un si petit pas est en réalité assez significatif.
Ça aura pris 158 ans catcher le principe d’une fédération. Mieux vaut tard que jamais, s’tu veux j’te dise.
L’autre volet est pas mal plus rock’n’roll. Surfant sur le contexte économique des tarifs et du protectionnisme, le bipartie PLC/PCC a décidé que dorénavant, les projets d’intérêt national seront sur la fast track.
Si on va dans le détail, y’a quatre changements remarquables :
- Le Conseil des ministres peut désigner un projet comme « d’intérêt national ».
- Ça entraîne automatiquement la validation favorable de toutes les études, permis ou processus fédéraux normalement requis. J’suis pas certain si ça couvre l’environnement, mais si oui, attachez vos quenouilles avec de la broche, ça va d’jy aller, comme ils disent en Beauce.
- Un ministre désigné émet un document unique, qui remplace les multiples autorisations et en fixe les conditions. C’est de la musique administrative à nos oreilles collectives, ce bout-là, parce que les 12 travaux d’Astérix c’est juste le fun en BD.
- Enfin, et c’est là que Lucky Luke est moins cowboy que C-5, le gouvernement peut légiférer pour dispenser ces projets de certaines lois fédérales – bien que certains champs restent protégés (par exemple : Code criminel, Sécurité nucléaire).
Si je comprends bien, mettons que l’Alberta décide de virer ses parcs nationaux en champs d’exploitation de sable bitumineux et que le Conseil des ministres embarque, c’est réglé. Au diable l’évaluation d’impact environnementale, Drill Baby Drill.
Si le Québec veut harnacher une nouvelle rivière pour faire couler les électrons, Roy Dupuis déchirera bien toutes les chemises de sa garde-robe, ce sera ça et c’est tout.
Évidemment, les Premières Nations y ont vu une pas pire menace pour leurs territoires, avec raison. Après discussion, la loi ayant le nom le plus insultant (la Loi sur les Indiens) sera exemptée de C-5. Faudra négocier d’égal à égal.
Heureusement, si une province ne veut pas d’un projet transprovincial (mettons, AU HASARD LÀ, un pipeline), le fédéral ne pourra pas forcer le projet. Ça, ça aurait mérité les Marines de Trump pour calmer Legault et PSPP, mais nous n’en sommes pas là.
Enfin bref, c’est un projet de loi plus symbolique que concret à mes yeux, bien que y’a quand même des trucs intéressants.
La vraie discussion reste de faire tomber les limitations d’échange entre provinces qui coûtent des milliards en PIB qu’on laisse sur la table. Quand même absurde pareil, du protectionnisme au sein de la même fédération…
À voir pour la suite. Y’a des choses qui me gossent pas mal avec Carney (genre la baisse d’impôt qui ne servira à personne), mais c’est quand même un bon début de mandat. On sent qu’un adulte est aux commandes, une première depuis 10 ans.