Lundi, septembre 29, 2025

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Carney reconnaît la Palestine : Quand sauver des vies encourage leur sacrifice

L’épreuve de force annoncée devient réalité

En juillet dernier, la déclaration de Donald Trump sur Truth Social avait fait l’effet d’une bombe diplomatique : « Wow ! Le Canada vient tout juste d’annoncer qu’il soutient la reconnaissance d’un État palestinien. Cela va rendre très difficile la conclusion d’un accord commercial avec eux. Oh, Canada !!! ». Cette sortie fracassante faisait suite à l’annonce du premier ministre Mark Carney de reconnaître officiellement l’État palestinien en septembre.

Deux mois plus tard, Carney a tenu parole. Le 21 septembre 2025, le Canada est devenu le premier pays du G7 à reconnaître officiellement l’État palestinien, défiant ouvertement Washington.

Un leadership palestinien en lambeaux

Abbas : vingt ans au pouvoir sans élections

La reconnaissance canadienne soulève une question fondamentale : qui dirige exactement la Palestine que Carney vient de reconnaître ? La réalité est plus complexe que ne le suggèrent les communiqués diplomatiques.

Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, en est maintenant à sa 20e année d’un mandat présidentiel qui devait durer quatre ans. Aucune élection présidentielle ou législative n’a eu lieu depuis 2006, ce qui signifie qu’aucun Palestinien de moins de 36 ans n’a jamais eu l’occasion de voter. En 2021, Abbas avait bloqué les élections présidentielles et législatives qui auraient été les premières depuis 2006, craignant une défaite face au Hamas.

Cette gouvernance sans mandat électoral s’accompagne d’accusations de corruption massive. En 2006, une enquête avait révélé que 700 millions de dollars avaient été détournés au sein de l’Autorité palestinienne, et en 2012, Mohammed Rashid avait accusé Abbas de détourner 100 millions de dollars. Freedom House classe l’Autorité palestinienne comme « autoritaire » et comme « non libre » concernant les libertés civiles et les droits politiques avec une note de 2/100.

Hamas : l’effondrement admis

À Gaza, la situation n’est guère plus reluisante. Hamas gouverne depuis sa prise de contrôle violente en 2007, après avoir évincé l’Autorité palestinienne par la force. Mais les événements depuis octobre 2023 ont dramatiquement changé la donne.

Un commandant senior de Hamas, interrogé par la BBC en juillet 2025, a fait des aveux stupéfiants : « le contrôle sécuritaire de Hamas s’est complètement effondré. Totalement disparu. Il n’y a plus de contrôle nulle part ». Il a précisé que « la majorité du leadership, environ 95 %, a été tuée… Les membres actifs ont tous péri » et qu’« il ne reste pratiquement rien de la structure sécuritaire ».

Les tactiques mortifères : quand les civils deviennent des pions

Une stratégie documentée d’instrumentalisation

La reconnaissance occidentale intervient alors que l’usage de tactiques controversées par Hamas est largement documenté. Selon un rapport du Centre d’excellence en communications stratégiques de l’OTAN, le Hamas « place stratégiquement ses forces parmi les populations civiles, les utilisant comme boucliers humains et provoquant intentionnellement Israël pour causer des victimes civiles dans ses réponses ».

Cette stratégie n’est pas accidentelle. Le Hamas lance systématiquement des roquettes depuis des zones résidentielles et des installations civiles. Des interrogatoires de militants capturés ont révélé que le Hamas empêchait les civils de fuir vers le passage de Rafah et les relocalisait plutôt à l’hôpital Al-Shifa où ils étaient gardés pendant que les terroristes du Hamas se cachaient dans les tunnels en dessous.

Le calcul cynique du « lawfare »

Cette tactique s’inscrit dans ce que l’OTAN qualifie de « lawfare », soit l’utilisation des cadres légaux et du sentiment public contre un adversaire. L’objectif est double : si Israël intensifie ses actions militaires, le Hamas peut l’accuser de crimes de guerre, potentiellement conduisant à des sanctions internationales. Si Israël retient ses engagements militaires pour minimiser les victimes civiles, le Hamas gagne un avantage tactique.

Le Hamas capitalise stratégiquement sur l’engagement d’Israël à réduire les dommages civils non intentionnels et la sensibilité accrue des audiences occidentales aux victimes non-combattantes. En d’autres termes, plus il y a de morts civils palestiniens, plus le Hamas gagne politiquement.

La reconnaissance sans critères : un chèque en blanc diplomatique

Les exigences de Carney… qui ne sont pas vraiment des exigences

La reconnaissance canadienne était théoriquement conditionnelle. Carney avait précisé en juillet que cette décision dépendait de « réformes substantielles de la part de l’Autorité palestinienne, notamment l’organisation d’élections démocratiques sans participation du Hamas et la démilitarisation de l’État palestinien ».

Pourtant, Abbas refuse obstinément d’organiser des élections depuis 2006, et le Hamas continue d’être reconnu comme une organisation terroriste par le Canada, les États-Unis et l’Union européenne. La « démilitarisation » semble également illusoire quand l’une des deux autorités palestiniennes est littéralement un groupe armé.

Le droit international

Le droit international explique en partie cette apparente contradiction. La Convention de Montevideo de 1933 établit quatre critères pour la reconnaissance d’un État : une population permanente, un territoire défini, un gouvernement, et la capacité d’entrer en relation avec d’autres États.

Le droit international n’impose pas de critères de gouvernance démocratique ou de lutte contre la corruption pour la reconnaissance d’un État. La reconnaissance est « entièrement à la discrétion de tout État » et ne nécessite que la présence des éléments factuels de l’étaticité, indépendamment de la qualité de la gouvernance.

Cet élément juridique permet la reconnaissance de régimes autoritaires, corrompus, ou même terroristes, tant qu’ils contrôlent effectivement un territoire et une population.

Le paradoxe humanitaire : sauver des vies en récompensant la violence

L’intention noble, l’effet pervers

La volonté de réduire les souffrances humaines à Gaza est indéniablement noble. Près de 64 000 Palestiniens ont été tués depuis octobre 2023, créant une crise humanitaire majeure qui interpelle légitimement la conscience internationale.

Cependant, reconnaître un État dirigé par des autorités qui utilisent délibérément leurs propres civils comme boucliers humains crée un précédent inquiétant. En récompensant diplomatiquement des tactiques qui maximisent délibérément les victimes civiles, la communauté internationale n’encourage-t-elle pas indirectement ces pratiques ?

Si la reconnaissance devient la récompense de la souffrance civile, quelle incitation existe-t-il pour abandonner les tactiques qui génèrent cette souffrance ? Les experts militaires notent que Hamas compte sur l’émotion que provoquent en Occident les morts civils palestiniens pour gagner du soutien politique. La reconnaissance occidentale encourage donc ces tactiques qui sacrifient délibérément des vies civiles.

L’équation contradictoire de Carney

Le Canada se trouve dans une position particulièrement paradoxale. D’un côté, Carney avait justifié sa décision en déclarant que « la possibilité d’une solution à deux États est en train de s’éroder sous nos yeux », évoquant la détérioration humanitaire à Gaza.

De l’autre, cette reconnaissance renforce la position d’Abbas, qui « a concentré le pouvoir en dissolvant le parlement, en renforçant son contrôle sur le système judiciaire, en n’introduisant des lois que par décret, et en purgeant ses rivaux politiques ». Elle légitime également, ne serait-ce qu’indirectement, les tactiques de Hamas qui ont causé précisément cette détérioration humanitaire.

Trump avait-il raison ? L’isolement américano-israélien

Un front occidental inédit

Le 21 septembre 2025, le Canada a rejoint le Royaume-Uni, l’Australie, le Portugal et la France dans la reconnaissance de l’État palestinien, créant un front occidental inédit face aux positions américaine et israélienne. Avec 151 pays reconnaissant maintenant la Palestine (78 % des membres de l’ONU), l’isolement américano-israélien devient de plus en plus évident.

La réponse de Netanyahu : l’annexion en réponse

La réaction israélienne ne s’est pas fait attendre. Le premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré que la reconnaissance palestinienne constituait « une énorme récompense au terrorisme » et a promis une réponse ferme, évoquant potentiellement l’annexation de parties de la Cisjordanie occupée.

Cette escalade démontre l’inefficacité de la reconnaissance comme outil de paix. Au lieu de favoriser la modération, elle semble encourager la radicalisation des deux côtés.

Le précédent inquiétant

Un message aux autres conflits

La reconnaissance occidentale de la Palestine en 2025 envoie un message troublant aux autres groupes armés dans le monde : utiliser des civils comme boucliers peut ultimement conduire à une légitimation internationale. C’est précisément ce que le Hamas cherche à accomplir avec cette tactique de « lawfare ».

Ce précédent risque d’encourager d’autres mouvements à adopter des tactiques similaires, sapant les efforts internationaux pour protéger les populations civiles dans les conflits armés.

L’échec du conditionnement

L’expérience canadienne démontre également l’inefficacité des reconnaissances conditionnelles. Malgré les exigences clairement énoncées par Carney concernant les élections démocratiques et la démilitarisation, la reconnaissance a eu lieu sans qu’aucune de ces conditions ne soit remplie.

Abbas n’a pas organisé d’élections, le Hamas n’a pas été écarté du processus, et la démilitarisation reste un vœu pieux. La « conditionnalité » s’est révélée être une façade diplomatique sans substance.

L’ironie d’une diplomatie contradictoire

Mark Carney avait défié Trump en juillet, transformant une décision de politique étrangère en test de souveraineté nationale face aux pressions commerciales américaines. Cette dimension a probablement pesé autant que les considérations humanitaires dans la décision finale.

Mais l’ironie de cette reconnaissance ne doit pas échapper à l’analyse. En voulant sauver la solution à deux États de l’érosion, Carney a légitimé un système de gouvernance qui perpétue les conditions de l’échec. En reconnaissant un État dirigé par un autocrate sans mandat électoral et un groupe terroriste qui utilise ses propres civils comme boucliers humains, le Canada a peut-être sauvé sa fierté face à Trump, mais il a hypothéqué ses propres valeurs démocratiques.

La noble intention de réduire les drames humains pourrait ironiquement contribuer à maintenir les conditions qui les perpétuent. Dans cette partie d’échecs géopolitique, chacun prétend défendre la paix tout en renforçant les mécanismes de la guerre.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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