Mercredi, novembre 5, 2025

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Carney rompt sa promesse : déficit record de 78 milliards

Mark Carney avait promis l’équilibre budgétaire en trois ans. Son premier budget fait plutôt exploser le déficit à 78 milliards de dollars, une facture que les contribuables paieront pendant des décennies.

Le 4 novembre 2025, le ministre des Finances François-Philippe Champagne a déposé le premier budget du gouvernement Carney, révélant un déficit de 78,3 milliards de dollars qui tranche radicalement avec les engagements de campagne du premier ministre. En février dernier, pendant la course à la direction du Parti libéral, Mark Carney avait pourtant promis de « rétablir l’équilibre budgétaire au Canada d’ici trois ans ».​

Neuf mois plus tard, son gouvernement table sur un déficit qui atteint presque le double du déficit de 42,2 milliards prévu dans la dernière mise à jour économique de décembre 2024. Aucun retour à l’équilibre budgétaire n’est prévu au cours des cinq prochaines années, avec un déficit toujours anticipé à 57 milliards de dollars en 2030.​​

Une facture d’intérêts plus lourde que les soins de santé

Les chiffres du budget révèlent une réalité particulièrement troublante pour les contribuables : le service de la dette coûtera 55,6 milliards de dollars cette année, surpassant les 54,7 milliards de dollars en transferts de santé aux provinces et les 54,4 milliards de dollars collectés par la TPS.

« Le budget 2025 prouve que la dette continue de grimper parce que les dépenses continuent de déraper », a déclaré Franco Terrazzano, directeur fédéral de la Fédération canadienne des contribuables (FCC). « Carney doit changer de cap et remettre de l’ordre dans les finances publiques, car chaque dollar de taxe de vente fédérale sert désormais à payer les intérêts sur la dette. »

Selon une étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, si le gouvernement fédéral collectait entre 1,30 et 1,89 fois plus de TPS qu’il ne payait d’intérêts sur la dette entre 2014 et 2023, en 2024-2025, les intérêts sur la dette excéderont désormais les recettes de TPS. Un renversement qui illustre la détérioration rapide des finances publiques sous le règne du Parti Libéral du Canada.

Le directeur parlementaire du budget prévoit que les frais d’intérêt grimperont à 82,4 milliards de dollars d’ici 2030, et que le ratio du service de la dette atteindra 11,3 % des revenus totaux en 2029-2030, bien au-dessus du creux record de 7,0 % enregistré avant la pandémie.

141 milliards en nouvelles dépenses, des économies hypothétiques

Le budget prévoit 141,4 milliards de dollars en nouvelles dépenses sur cinq ans. Face à cette facture salée, le gouvernement promet des économies de 60 milliards de dollars sur la même période, mais ces économies reposent largement sur des mesures à venir et des projections optimistes.​​

Les dépenses totales atteignent 581 milliards de dollars cette année, soit une hausse de 38 milliards de dollars. Le ministre Champagne promet que les dépenses de fonctionnement seront équilibrées avec les revenus d’ici 2028-2029, mais les dépenses totales continueront d’augmenter de plusieurs milliards chaque année.

« Le gouvernement ne peut pas continuer à vivre à crédit indéfiniment, alors que les contribuables paient déjà un milliard de dollars par semaine en intérêts sur la dette », souligne Nicolas Gagnon, directeur pour le Québec de la FCC.

Les investissements se répartissent en quatre piliers : 25 milliards pour le logement, 115 milliards pour les infrastructures, 30 milliards pour la défense et la sécurité, et 110 milliards pour la productivité et la compétitivité. Le gouvernement vise à mobiliser 1 000 milliards de dollars en investissements totaux au cours des cinq prochaines années, combinant dépenses publiques et capitaux privés.

Rattrapage militaire après des années de négligence

Le budget consacre plus de 16 milliards de dollars additionnels par année pour les Forces armées canadiennes. Le Canada atteindra cette année la cible de 2 % du PIB en dépenses de défense de l’OTAN, soit cinq ans plus tôt que prévu, et s’engage à porter cette proportion à 5 % du PIB d’ici 2035.

Ces investissements visent à moderniser des flottes vieillissantes, renforcer la surveillance de l’Arctique, améliorer la cybersécurité et offrir la plus importante augmentation salariale pour les membres des Forces armées depuis une génération. Le budget prévoit également la création d’une Agence de l’investissement pour la défense pour accélérer les achats militaires et une Stratégie industrielle de défense pour rétablir les capacités de production nationales.

​Compressions et nouvelle taxe carbone sur les entreprises

Pour financer ces dépenses, le gouvernement impose un examen exhaustif visant à réaliser 60 milliards de dollars d’économies sur cinq ans. La quasi-totalité des ministères et organismes fédéraux devront réduire leurs dépenses de fonctionnement de 15 % sur trois ans.

Le budget prévoit également la suppression de 40 000 postes dans la fonction publique d’ici 2028-2029, soit environ 10 % des effectifs. Ironiquement, le gouvernement a ajouté 99 000 fonctionnaires depuis 2016, faisant augmenter le coût de la bureaucratie de 77 %.

Si le gouvernement a éliminé la taxe carbone pour les consommateurs depuis le 1er avril 2025, réduisant les prix de l’essence d’environ 18 cents le litre, le budget maintient et renforce la tarification du carbone pour les entreprises. Cette taxe industrielle s’applique à un large éventail d’émissions de gaz à effet de serre des entreprises canadiennes et sera ultimement transférée aux consommateurs par l’augmentation des prix des biens et services.

« Ce plan va miner la compétitivité des entreprises canadiennes et pousser les entreprises à investir ailleurs », a réagi Nicolas Gagnon de la FCC. « Pendant que Carney parle d’objectifs pour 2050, les contribuables paient la facture dès aujourd’hui. Le gouvernement doit cesser de transformer les politiques environnementales en fardeau fiscal et recentrer son action sur la maîtrise de la dépense publique. »

Un gouvernement sur le fil du rasoir

Le budget constitue un vote de confiance, et son rejet déclencherait automatiquement des élections anticipées avant Noël. Le gouvernement libéral détient 169 sièges sur 343 à la Chambre des communes, soit trois sièges de moins que la majorité de 172 sièges nécessaire.

Le jour même du dépôt du budget, le député conservateur néo-écossais Chris d’Entremont a quitté le caucus conservateur pour joindre les rangs libéraux, facilitant l’adoption du budget déficitaire en portant le total libéral à 170 sièges. Ce transfuge augmente les chances que les contribuables se retrouvent avec un déficit de 78 milliards sans avoir eu leur mot à dire en élections.

Les partis conservateur et bloquiste ont déjà indiqué leur opposition au budget. Le chef conservateur Pierre Poilievre exigeait un budget avec un déficit inférieur à 42 milliards de dollars. Le Bloc québécois, avec ses 22 sièges, a présenté 18 demandes dont six jugées non négociables.

Il ne manque plus que deux sièges aux libéraux pour former une majorité. Les sept députés du NPD constituent donc la clé de voûte. Le chef intérimaire Don Davies a indiqué que son parti étudiera le budget avant de décider, ouvrant la porte à l’abstention de certains ou de tous les députés néo-démocrates pour éviter des élections. « Les abstentions sont permises », a-t-il déclaré à CBC News.

Même si la députée verte Elizabeth May appuyait le budget, il faudrait au minimum qu’un député du NPD s’abstienne pour permettre l’adoption du budget sans déclencher d’élections. Avec seulement quatre abstentions du NPD (ou deux votes en faveur), le gouvernement atteindrait le seuil nécessaire.

Le calendrier parlementaire prévoit un vote de confiance dès le 17 novembre 2025. Si le budget était rejeté, des élections pourraient être déclenchées aussi tôt que le 22 décembre 2025.

Des cadeaux discutables avec l’argent des contribuables

Le budget propose quelques mesures d’allégement fiscal. La réduction du taux d’imposition fédéral de la première tranche de revenu de 15 % à 14 % bénéficiera à 22 millions de Canadiens, avec des économies maximales de 420 $ par personne et 840 $ par couple en 2026.

Le gouvernement rend également permanent son Programme national d’alimentation scolaire pour nourrir jusqu’à 400 000 enfants. Pour les entreprises, le budget permet de déduire immédiatement 100 % du coût des nouveaux bâtiments de fabrication au lieu d’étaler la déduction sur plusieurs années. Le plafond du crédit d’impôt pour la recherche et développement passe de 4,5 millions à 6 millions de dollars.

Un déficit record sans récession

Mark Carney avait promis l’équilibre budgétaire en trois ans. Neuf mois plus tard, il présente un déficit de 78 milliards de dollars, le deuxième plus élevé de l’histoire canadienne après celui de la pandémie, et le tout sans être en récession.​

La comparaison avec le gouvernement Harper est révélatrice. En 2009-2010, en pleine crise financière mondiale alors que le PIB canadien se contractait de 2,9 %, le déficit atteignait 55,6 milliards de dollars (environ 73 milliards en dollars d’aujourd’hui). Le déficit était ensuite redescendu à 33 milliards en 2010-2011, puis à l’équilibre en 2015.

Carney, lui, table sur un déficit de 78 milliards sans récession comparable, dans un contexte où l’économie continue de croître, certes modestement. Le ministre Champagne invoque « la pire crise depuis la chute du mur de Berlin » pour justifier ces dépenses, en référence à la guerre commerciale avec les États-Unis.

« On ne peut pas parler d’équilibre budgétaire quand Ottawa continue d’emprunter des dizaines de milliards de dollars année après année », résume Franco Terrazzano de la FCC. La dette fédérale atteindra 1,35 billion de dollars d’ici la fin de l’année. Pour l’ancien banquier central qui promettait la rigueur budgétaire, l’exercice s’avère un échec cuisant. C’est aux contribuables que la facture sera ultimement présentée.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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