Dans une escalade de tensions qui ne cesse de s’intensifier, la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a récemment lancé une série d’attaques cinglantes contre le chef libéral et premier ministre Mark Carney, l’accusant de tenir un double discours sur des questions cruciales pour l’Ouest canadien.
Une relation glaciale dès le départ
La relation entre Smith et Carney s’est détériorée presque immédiatement après l’assermentation de ce dernier comme premier ministre le mois dernier. Lors de leur première rencontre à Edmonton, aucune photo officielle n’a été prise — une rupture inhabituelle avec le protocole traditionnel. Peu après cette rencontre, Smith a présenté une liste d’exigences au prochain gouvernement fédéral, menaçant d’une « crise d’unité nationale sans précédent » si elles n’étaient pas satisfaites.
« Si le premier ministre et chef libéral continue d’ignorer les préoccupations de l’Alberta et poursuit avec ses politiques éco-extrémistes comme un plafond de production, ou envisage d’imposer une taxe à l’exportation sur le pétrole et le gaz, alors je dois souligner qu’il n’a aucune idée du genre de combat qu’il engage avec notre province, » a déclaré Smith sans ambages.
Des accusations de double discours
Smith n’a pas mâché ses mots concernant ce qu’elle perçoit comme l’hypocrisie de Carney. « Ce que j’ai observé jusqu’à présent avec le premier ministre actuel, c’est qu’il dit une chose en français, une autre en anglais, une chose en privé, une autre en public, puis encore autre chose dans l’Est du Canada et différemment dans l’Ouest canadien, » a-t-elle affirmé.
Ces accusations semblent avoir un certain fondement. En effet, lors d’une visite en Alberta, Carney a déclaré que le plafond sur les émissions de pétrole et de gaz était supprimé, mais une fois de retour en Ontario, il a affirmé que ce plafond était maintenu. De même, en Alberta, il aurait promis d’abroger la loi libérale C-69 « pas de nouveaux pipelines », avant d’effectuer un revirement spectaculaire une fois rentré chez lui.
Plus troublant encore, Carney a tenu des propos contradictoires selon la langue utilisée. En anglais, il a suggéré qu’il utiliserait « tous les pouvoirs du gouvernement fédéral, y compris les pouvoirs d’urgence » pour accélérer les grands projets, laissant entendre qu’il construirait un pipeline de l’ouest vers l’est. Mais en français, lorsqu’on lui a demandé s’il « imposerait un pipeline au Québec », sa réponse a été catégorique : « Jamais au Québec… ».
Une question de sexisme?
La tension a atteint un nouveau sommet lorsque Carney a fait des remarques désobligeantes à propos de Smith lors d’un rassemblement à Victoria. « Nous envoyons Doug Ford sur Fox News pour leur montrer que nous sommes sérieux ici-haut, » a déclaré Carney. « Et nous allons envoyer Danielle ensuite, nous… eh bien non, peut-être que nous n’enverrons pas Danielle. Non, peut-être pas. Nous n’enverrons pas Danielle. Nous allons la garder. Non, c’était une mauvaise idée ».
En réponse, Smith a suggéré que Carney a des problèmes avec les « femmes conservatrices fortes ». « J’ai remarqué cela chez les hommes progressistes et combien ils parlent de leur soutien aux femmes jusqu’à ce qu’ils rencontrent une femme conservatrice forte, » a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse à Edmonton.
Smith a également noté que Carney a utilisé le nom complet de Doug Ford, mais s’est référé à elle uniquement par son prénom, ce qui pourrait être interprété comme soit du mépris, de la suffisance, du sexisme ou un mélange des trois.
Un enjeu d’unité nationale
La première ministre albertaine a averti que les dix dernières années ont « rendu les Albertains réticents à l’idée d’un gouvernement libéral ». Un récent sondage d’Angus Reid suggère qu’un Albertain sur trois voterait pour que sa province devienne un pays indépendant si les libéraux forment le prochain gouvernement.
Preston Manning, ancien chef du Parti réformiste, a même écrit une tribune dans le Globe and Mail affirmant qu’un vote pour les libéraux équivaut à un vote pour alimenter la sécession de l’Ouest.
Lorsqu’on lui a demandé si une victoire libérale menacerait l’unité nationale, Smith a répondu : « Nous allons devoir voir quelle sera la réaction des Albertains ».
Un avenir incertain
Alors que la campagne électorale approche le mi-parcours, les tensions entre Smith et Carney ne montrent aucun signe d’apaisement. Les libéraux de Carney ont exploité les commentaires de Smith dans leurs publicités, tandis que cette dernière a exprimé sa frustration face au refus de Carney de mettre fin au plafond proposé sur les émissions de pétrole et de gaz.
« Je n’ai aucune idée de quel genre de premier ministre [Mark Carney] sera après l’élection, s’il devait gagner, » a conclu Smith après avoir mis de l’avant le fait que Carney tient des propos contradictoires selon les contextes.
Une chose est certaine : si Carney remporte l’élection et continue d’ignorer les Albertains, il devra faire face à un combat avec la première ministre de l’Alberta.
