Des manifestations d’une ampleur historique ont mobilisé samedi dernier des millions d’Américains dans plus de 2 700 villes. Sous le slogan « No Kings » (« Pas de rois »), les protestataires dénoncent ce qu’ils perçoivent comme des abus de pouvoir du président Donald Trump, durant son second mandat. L’administration républicaine rejette ces accusations et qualifie les manifestations d’actions d’une minorité d’extrême gauche.
Le 18 octobre 2025, les États-Unis ont connu l’une des plus grandes journées de manifestation de leur histoire. Les organisateurs affirment que près de 7 millions de personnes ont défilé pacifiquement à travers le pays, bien que ce chiffre n’ait pas encore été vérifié de manière indépendante. À New York seulement, la police a confirmé la présence de plus de 100 000 manifestants.
Pourquoi les manifestations?
Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, Donald Trump a pris plusieurs décisions controversées qui divisent profondément le pays. Les manifestants reprochent notamment au président d’avoir déployé des troupes de la Garde nationale (l’équivalent de la réserve militaire) dans plusieurs grandes villes dirigées par des maires démocrates, incluant Los Angeles, Chicago et Memphis.
Ces déploiements militaires soulèvent des questions légales importantes. En septembre, un juge fédéral a même statué que l’envoi de troupes à Los Angeles violait la loi Posse Comitatus, une loi centenaire qui limite l’utilisation de l’armée pour faire respecter l’ordre intérieur. L’administration Trump conteste cette décision devant les tribunaux.
L’inculpation de James Comey, l’ancien directeur du FBI que Trump avait limogé durant son premier mandat, constitue un autre point de friction majeur. Accusé de fausses déclarations au Congrès, Comey plaide non coupable et dénonce des représailles politiques. Des critiques soulignent que la procureure chargée du dossier est une ancienne avocate personnelle de Trump sans expérience en poursuites criminelles.
Une fermeture de gouvernement qui complique tout
La situation politique tendue survient alors que le gouvernement fédéral américain est paralysé depuis le 1er octobre. Ce qu’on appelle un « shutdown » signifie que le Congrès n’a pas réussi à adopter un budget, forçant la fermeture partielle des services gouvernementaux.
Concrètement, 900 000 employés fédéraux ont été mis en congé sans solde, tandis que 700 000 autres travaillent sans garantie de recevoir leur paie. Cette paralysie, qui durait déjà depuis 18 jours lors des manifestations, affecte de nombreux services publics. Républicains et démocrates se renvoient mutuellement la responsabilité de cette impasse.
Deux visions complètement opposées
Pour comprendre l’ampleur de la division américaine, il faut saisir que les deux camps ont des interprétations radicalement différentes de la situation.
Du côté des manifestants, on parle de dérive autoritaire et de violation de l’État de droit. Le slogan « No Kings » fait référence aux origines mêmes des États-Unis : en 1776, les Américains se sont révoltés contre le roi britannique pour établir une république où personne ne serait au-dessus des lois. Pour eux, Trump agit comme un monarque qui utilise l’armée et la justice à des fins personnelles.
Du côté de l’administration Trump et des républicains, on rejette catégoriquement ces accusations. Le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a qualifié les manifestations de rassemblements de « haine contre l’Amérique ». Trump lui-même a minimisé l’événement, affirmant : « Je ne suis pas un roi, je travaille très dur ». L’administration soutient qu’elle applique simplement les lois de manière rigoureuse, respectant le mandat électoral reçu des Américains.
Des manifestations pacifiques malgré les tensions
Malgré les craintes de violence, les rassemblements se sont déroulés dans une atmosphère entièrement pacifique. Aucune arrestation majeure n’a été rapportée. Dans plusieurs villes, les manifestations ont même pris des allures festives, avec des fanfares, des costumes créatifs et des pancartes humoristiques.
Cette ambiance contraste fortement avec les mesures de sécurité déployées. Plusieurs gouverneurs républicains avaient mobilisé la Garde nationale par précaution avant les manifestations, craignant des débordements qui ne se sont finalement jamais matérialisés.
Une bataille juridique qui se poursuit
La légalité de plusieurs actions de l’administration Trump fait actuellement l’objet de batailles devant les tribunaux. Les juges ont rendu des décisions contradictoires selon les cas et les régions, ce qui illustre la complexité constitutionnelle de la situation.
À Washington D.C., par exemple, Trump possède indiscutablement l’autorité pour déployer la Garde nationale puisque la capitale fédérale ne jouit pas du même statut qu’un État. Dans d’autres villes, les tribunaux ont bloqué ou remis en question ces déploiements. L’administration a même déposé un appel d’urgence à la Cour suprême pour contester certaines de ces décisions.
Qu’est-ce que ça signifie?
Ces événements illustrent la profonde polarisation qui divise les États-Unis. D’un côté, des millions d’Américains estiment que leur démocratie est menacée et descendent dans les rues pour la défendre. De l’autre, l’administration et ses partisans considèrent qu’ils appliquent légitimement les politiques pour lesquelles ils ont été élus démocratiquement.
Les prochaines semaines seront cruciales. Les tribunaux continueront de se prononcer sur la légalité des actions gouvernementales. Le Congrès devra éventuellement trouver un compromis pour mettre fin à la paralysie budgétaire. Et les organismes indépendants publieront des estimations vérifiées du nombre de manifestants, permettant de mieux évaluer l’ampleur réelle de cette mobilisation.
Pour l’instant, une chose est certaine : les États-Unis traversent une période de tensions politiques intenses dont l’issue demeure incertaine. Les manifestations « No Kings » ne sont que la manifestation visible d’une fracture plus profonde qui divise le pays sur des questions fondamentales touchant la démocratie, l’État de droit et les limites du pouvoir présidentiel.