Jeudi, août 7, 2025

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Fierté Montréal dans la tourmente : de l’inclusion à l’exclusion

L’été 2025 a été mouvementé pour Fierté Montréal, l’organisme responsable du plus grand défilé de la fierté au Québec. Une série d’événements déclenchés par l’artiste Safia Nolin a révélé les tensions profondes qui traversent la communauté LGBTQ+ sur la question israélo-palestinienne, forçant l’organisation à naviguer entre ses valeurs d’inclusion et les pressions militantes.

Safia Nolin lance le pavé dans la mare

Le 31 juillet dernier, l’auteure-compositrice-interprète québécoise Safia Nolin a annoncé sur Instagram qu’elle annulait sa participation au spectacle ImmiX du 3 août, un événement phare de Fierté Montréal. Sa motivation? La participation de Gaa’va, un organisme LGBTQ+ juif montréalais, au défilé de la fierté.

« L’année passée, le drapeau israélien était au défilé. Comment ça vous fait sentir? Ceci est inacceptable », a écrit l’artiste dans sa publication. Qualifiant Gaa’va de « groupe LGBTQ+ sioniste », Nolin a justifié sa décision en déclarant : « Je ne veux pas fermer les yeux et participer à une fierté qui n’écoute pas ses propres groupes ».

Fierté Montréal plie sous la pression

Quelques heures après la publication de Nolin, Fierté Montréal a réagi de manière spectaculaire. Pour la première fois depuis le début du conflit israélo-palestinien, l’organisation a publié une déclaration condamnant « le génocide en cours à Gaza » et exprimant « sa solidarité avec le peuple palestinien ».

Dans le même souffle, Fierté Montréal a annoncé qu’elle refuserait la participation « d’organisations aux propos haineux », sans toutefois nommer spécifiquement quels groupes seraient exclus. Cette décision marquait un revirement radical pour une organisation qui s’était jusqu’alors refusée à prendre position sur le conflit au Moyen-Orient.

La riposte de Gaa’va

L’organisation Gaa’va n’a pas tardé à réagir. Carlos A. Godoy L., président bénévole de l’organisme, a dénoncé « une exclusion pour des motifs absolument bidon issus d’un choix politique opaque pris à porte close sous la pression de groupes qui détestent les Juifs, qui contestent l’existence d’Israël et dont plusieurs membres ont célébré les atrocités du 7 octobre 2023 ».

L’organisation a qualifié cette décision de « processus très discriminatoire et antidémocratique » qui serait « très blessante pour les Juives et les Juifs LGBTQ+ ». Gaa’va s’est dite « profondément choquée » par ce qu’elle percevait comme une exclusion fondée sur « des motifs politiques fallacieux ».

Le revirement de dernière minute

Face à la controverse grandissante, Fierté Montréal a effectué un spectaculaire demi-tour. L’organisation a supprimé sa déclaration de solidarité avec la Palestine et a réinvité les groupes juifs à participer au défilé. Cette volte-face a été perçue comme un désaveu cinglant de la position de Safia Nolin et des groupes pro-palestiniens.

Comme l’a souligné la chroniqueuse Sophie Durocher dans le Journal de Montréal : « ce n’est pas parce qu’une chanteuse refuse de participer à un événement de Fierté Montréal que le festival doit se fendre en quatre pour lui faire plaisir! Il y a quand même des limites à plier devant les caprices et les opinions militantes du moindre artiste qui est offensé! ».

L’enjeu des droits LGBTQ+ au Moyen-Orient

Au-delà de cette polémique montréalaise, la question des droits LGBTQ+ au Moyen-Orient mérite d’être examinée factuellement. Les données révèlent un portrait complexe et nuancé.

Israël : un havre relatif

Israël se distingue nettement dans la région par ses politiques progressistes envers les communautés LGBTQ+. Le pays permet le service ouvert dans l’armée, reconnaît les mariages homosexuels célébrés à l’étranger, et Tel-Aviv est reconnue comme l’une des destinations gay-friendly les plus populaires au monde.

La législation israélienne protège contre la discrimination basée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, et en 2004, la Knesset a approuvé un amendement doublant les sanctions pour les crimes de haine commis contre des personnes LGBT. Les individus transgenres peuvent légalement changer de genre sans chirurgie et servir ouvertement dans les Forces de défense d’Israël.

Palestine et Gaza : une réalité préoccupante

La situation dans les territoires palestiniens présente un contraste saisissant. Selon l’indice mondial de l’égalité, les territoires palestiniens se classent au 147e rang en termes de droits LGBTQ. À Gaza, sous contrôle du Hamas, les relations homosexuelles entre hommes sont passibles d’emprisonnement.

Un rapport récent d’UN Watch documente que « l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et le Hamas à Gaza harcèlent les personnes LGBT palestiniennes » en violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention contre la torture. Human Rights Watch a rapporté qu’en 2016, le Hamas a « brutalement torturé et tué l’un de ses propres commandants terroristes pour des violations comportementales et morales qu’il avait avouées », un langage qui fait généralement référence à l’homosexualité.

Le reste de la région

La situation régionale est largement défavorable aux droits LGBTQ+. En Iran, en Arabie saoudite, au Qatar et au Yémen, l’homosexualité est passible de la peine de mort. Human Rights Watch a documenté 45 cas d’arrestations arbitraires impliquant 40 personnes LGBT ciblées en ligne en Égypte, en Jordanie, au Liban et en Tunisie.

Seuls la Jordanie et Bahreïn parmi les pays arabes ont légalisé l’homosexualité. Paradoxalement, des dizaines de Palestiniens LGBTQ+ ont fui vers Israël pour leur sécurité, et de nombreux musulmans homosexuels des pays voisins cherchent refuge en Israël ou dans des pays occidentaux.

Une polémique révélatrice

Cette controverse révèle les tensions profondes qui traversent la communauté LGBTQ+ occidentale face au conflit israélo-palestinien. Le mouvement « Queers for Palestine » semble paradoxal quand on examine les réalités sur le terrain.

L’apprentissage de Fierté Montréal

Cette saga illustre les défis auxquels font face les organisations LGBTQ+ dans un contexte géopolitique polarisé. Fierté Montréal, dont la mission est d’amplifier les voix des communautés 2SLGBTQIA+ et d’assurer « leur représentation, leur inclusion, et la reconnaissance de leurs droits en société », s’est retrouvée prise entre des pressions contradictoires.

L’organisation prône l’équité, l’intégrité, l’engagement, la durabilité et la célébration comme valeurs fondamentales. Sa politique d’engagement authentique vise à éviter le « pinkwashing » et à s’assurer que les organisations partenaires sont « genuinely committed to the community ».

Le revirement final de Fierté Montréal suggère une reconnaissance que l’exclusion de groupes LGBTQ+ juifs contredisait ses propres principes d’inclusion. Comme l’a souligné une commentatrice : « une communauté qui se veut inclusive ne peut pas exclure des membres qui ne pensent pas comme eux ».

Vers une vraie inclusion

Cette polémique soulève des questions fondamentales sur la nature de l’inclusion dans les mouvements LGBTQ+. L’inclusion véritable nécessite-t-elle l’uniformité politique, ou peut-elle accommoder la diversité d’opinions sur des questions géopolitiques complexes?

La décision finale de Fierté Montréal de réintégrer les groupes juifs tout en supprimant sa déclaration pro-palestinienne suggère une tentative de retour à une approche plus neutre — ou du moins moins partisane. Cette approche reconnaît que la fierté LGBTQ+ transcende les frontières politiques et nationales.

Dans un contexte où les préjugés et la discrimination sont en hausse, alimentés par ce type de contradictions, l’enjeu n’est peut-être pas de choisir un camp géopolitique, mais plutôt de créer des espaces véritablement inclusifs où tous les membres des communautés LGBTQ+ peuvent célébrer leur identité sans crainte de discrimination basée sur leur origine, leur religion ou leurs opinions politiques.

La véritable fierté réside peut-être dans cette capacité à transcender les divisions pour célébrer ce qui nous unit : la diversité sexuelle et de genre, et le droit de tous à vivre dans la dignité et le respect.

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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