Mardi, mai 13, 2025

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L’« héritage Plante » : légende urbaine et fiascos municipaux

Ou comment Montréal est devenue la capitale nord-américaine du flou artistique administratif.

Il y a des legs qu’on chérit, et d’autres qu’on refourgue comme un vieux sofa brun sur Kijiji, avec cette mention gênée : « Doit partir rapidement. » Celui de Valérie Plante s’inscrit clairement dans la seconde catégorie. Qu’on soit automobiliste englué dans un labyrinthe cyclable ou simple contribuable épluchant sa taxe foncière en pleurant sur sa soupe aux lentilles, rares sont ceux qui pourraient, la main sur le cœur, affirmer que l’administration Plante a laissé Montréal en meilleur état qu’elle ne l’a trouvée.

Huit années de gestion, deux mandats, une infinité de communiqués de presse. Le tout emballé dans une rhétorique pavoisée de bonnes intentions écologiques, d’équité sociale et de bien commun mal défini. À l’heure du bilan, les Montréalais sont priés d’y voir un « legs visionnaire ». Pourtant, en y regardant de plus près, ce legs ressemble plutôt à un grenier municipal rempli de projets inaboutis, d’annonces en carton-pâte et d’une cohorte de contradictions dignes d’un sketch de RBO.

L’écologie de pacotille

Mme Plante se rêvait croisée du climat, cheffe de guerre des GES, amazone de la carboneutralité. Elle s’est retrouvée, plus modestement, présidente d’honneur du salon du vélo d’hiver. La ville verte? Disons plutôt la ville verdâtre. Entre les « rues éponges » — ces trottoirs qui absorbent la pluie aussi bien qu’une éponge trop vieille — et les pistes cyclables dignes d’un casse-tête géopolitique, la mairesse a surtout su peindre de jolis symboles là où l’on attendait des résultats mesurables.

Les bornes électriques, par exemple : excellentes pour la photo, beaucoup moins pour résoudre quoi que ce soit en matière de mobilité. Le fameux Plan climat? Un PowerPoint cosmétique. Et que dire de l’interdiction des fours à bois pour les bagels? Une mesure qui aura au moins eu le mérite de faire sourire les plus blasés. Résultat : Montréal n’est ni plus verte, ni plus respirable, mais elle est incontestablement plus irritée. Même les trottoirs semblent grincer.

Le logement : promesses en origami

Parlons maintenant du logement. Ah, le logement! Le cheval de bataille de tout politicien progressiste qui se respecte, même s’il n’a jamais mis les pieds dans un 3 ½ de Villeray. Plante avait promis des milliers de logements sociaux. En retour, les Montréalais ont eu droit à une inflation des loyers, une pénurie persistante et une hausse dramatique des évictions. La SCHL sonne l’alarme. Le TAL croule sous les plaintes. Et les locataires, eux, croulent sous les factures.

Le règlement 20-20-20 devait forcer les promoteurs à construire du logement abordable. La réalité? Une fuite vers les pénalités et les projets abandonnés. Le résultat net : moins d’offres, plus de paperasse, et des bulldozers qui attendent un permis comme on attend la visite du Messie.

Sécurité : entre mollesse et confusion

Pendant ce temps, la sécurité publique a pris des airs de documentaire Netflix. Les crimes augmentent, les citoyens s’inquiètent, et l’administration Plante… relativise. On a vu des fermetures de postes de quartier au pire moment possible. Des brigades de médiation sociale qui, dans les faits, font le pont entre les plaintes de citoyens inquiets et les cases vides des agendas municipaux.

Les commerçants du centre-ville dénoncent l’indifférence. Les citoyens, eux, s’organisent en groupes de surveillance. Pendant ce temps, à l’Hôtel de Ville, on pond des slogans. Car il faut bien que quelqu’un fabrique de l’optimisme en papier mâché.

Finances : les magiciens du fisc

Côté finances, c’est du grand art. Celui du tour de passe-passe fiscal. Plante avait promis de ne pas augmenter les taxes au-delà de l’inflation. Résultat? Une série de hausses record. Et quand la hausse est moindre qu’à Toronto, on la brandit comme une médaille de vertu. C’est un peu comme justifier une grippe parce que quelqu’un d’autre a eu la tuberculose.

À cela s’ajoutent des dépenses somptuaires : rénovation du Centre Bell, réaménagements en cascade, dizaines de millions pour la sainte cause cyclable. Tout cela pendant qu’on coupe dans les services de proximité. L’habit vert de la rigueur cache en réalité une garde-robe de frivolités coûteuses.

Transport : l’embouteillage politique

Sur le plan des transports, l’administration Plante aura réinventé l’art de l’ambition sans livraison. Le tramway du Sud-Ouest, enterré sans fleurs. Le REM de l’Est, passé du mépris à la récupération opportuniste. On annonce, on annule, on négocie, on se contredit. C’est une symphonie municipale où chaque instrument joue dans sa propre tonalité.

Et pendant ce temps, l’automobiliste moyen se fraie un chemin entre des cônes orange qui ont élu domicile sur l’asphalte. Chaque été devient une saison de travaux perpétuels. Chaque détour, une parabole sur l’inefficacité administrative.

Communication : l’art du prêche creux

Il serait injuste de ne pas saluer le style. Valérie Plante, c’est aussi une voix. Une tonalité. Celle du sermon moralisateur de l’animatrice de camp de jour déguisé en leadership. On se souvient des appels à la bienveillance cycliste, des envolées lyriques sur les vertus du transport actif, des leçons de vie prodiguées en pleine conférence de presse.

Mais derrière le vernis communicationnel, les bourdes s’enchaînent : un faux pas sanitaire en pleine pandémie, des fermetures de terrasses en pleine saison touristique, des vidéos pédagogiques sur le bon usage de la rue qui feraient passer une pub de la SAAQ pour une œuvre de Bergman. L’habit de chef ne fait pas le capitaine, surtout quand la chaloupe prend l’eau.

Une philosophie de l’État omniprésent

Au fond, ce que le legs de Plante révèle le mieux, c’est une mentalité : celle d’un État municipal hypertrophié, persuadé qu’il peut tout faire mieux que quiconque, surtout mieux que le marché. Un État qui régule tout, sauf ses propres contradictions. Qui redistribue à tout vent, mais peine à organiser ses priorités. Qui croit qu’il suffit de verbaliser une intention pour qu’elle devienne réalité.

Dans cette perspective, chaque impôt est une offrande, chaque règlement un baume, chaque dérogation une injustice réparée. Sauf que la réalité, elle, ne se conforme pas aux PowerPoints. Elle résiste. Elle coûte. Elle gronde. Et elle finit par voter.

Conclusion : legs ou fardeau?

Que restera-t-il de Valérie Plante? Une ville saupoudrée de vert, traversée de pistes cyclables inutilisées l’hiver, et asphyxiée par ses propres règlements. Une promesse de justice sociale livrée en bulletins municipaux et postée au recyclage. Des budgets farcis de taxes, saupoudrés d’émotions, servis avec le sourire d’une gouvernance bienveillante mais incapable.

Ce qu’elle laisse derrière elle n’est ni une utopie ni une apocalypse. C’est bien pire : une ville suspendue entre deux idées floues, trop endettée pour rêver, trop embouteillée pour fuir, et trop réglementée pour respirer.

Le legs Plante? Une sorte de chef-d’œuvre involontaire. Un cas d’école pour les futurs étudiants en politiques publiques : comment dilapider du capital politique, détourner la conversation publique, et s’imaginer bâtisseur pendant qu’on redistribue des miettes.

C’est beau, Montréal. Mais on aurait aimé qu’on la gouverne autrement que comme un projet de maîtrise en aménagement urbain participatif sous acide.

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Samuel Rasmussen
Samuel Rasmussen
Samuel Rasmussen, alias Le Blond Modéré, est membre des Trois Afueras et collaborateur du podcast Ian & Frank. Titulaire d'une formation en relations internationales à l'Université de Sherbrooke, il s'intéresse particulièrement à la géopolitique, aux zones d'influence et aux différentes formes de pouvoir.

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