Le redoux printanier combiné aux fortes pluies des dernières 48 heures a provoqué d’importantes inondations dans plusieurs régions du Québec, forçant l’évacuation de centaines de personnes et causant des dommages considérables aux propriétés.
Beauceville sous les eaux, encore
La situation était particulièrement critique à Beauceville, en Chaudière-Appalaches, où un embâcle d’une dizaine de kilomètres s’est formé dimanche soir dans le secteur des rapides de la rivière Chaudière, se retrouvant bloqué à la hauteur du centre-ville. Les autorités ont rapidement émis une alerte d’évacuation pour des résidences et des commerces, et un centre d’hébergement d’urgence a été ouvert à l’aréna local.
« On n’est plus capables. J’ai pris une chance [de revenir dans le bloc] après l’inondation de 2019 parce que je n’avais pas d’autres options. Mais c’est terminé », déplore Christian Barbe, résident du boulevard Renault.
De nombreuses routes et écoles locales ont été fermées en raison des inondations. Selon le Centre de services scolaire de la Beauce-Etchemin, les cours ont été suspendus à la Polyvalente Saint-François ainsi qu’aux écoles primaires De Lery et Monseigneur-De Laval.
Serge Vallée, directeur général de Beauceville, souligne toutefois que les mesures prises après les inondations de 2019 ont porté leurs fruits : « Après les inondations de 2019, on a démoli une centaine de bâtiments dans la zone inondable. Ça a fait toute la différence dans l’intervention ».
Drummondville vit sa pire inondation en deux décennies
À Drummondville, la situation n’était guère meilleure. La crue de la rivière Saint-François a forcé l’évacuation de 300 bâtiments situés en zone inondable lundi matin. Les pompiers ont dû extirper une quarantaine de personnes par bateau, prises au piège par la montée rapide des eaux.
« Je suis épuisé. C’est de voir tout l’ouvrage que ça va donner. Il va falloir qu’on ramasse », confie Daniel Pelletier, conseiller municipal de Drummondville qui vit en bordure de la rivière Saint-François.
Selon Stéphanie Lacoste, mairesse de Drummondville, la municipalité n’a pas connu de telles inondations depuis au moins les crues de 2003, avec un épisode comparable remontant à 1989. Le débit de la rivière s’élevait lundi matin à 1255 m³/s, alors que la moyenne habituelle est de 250 m³/s.
Heureusement, la situation s’est améliorée en soirée, permettant aux résidents de réintégrer progressivement leurs domiciles. « La situation hydrologique s’améliore grâce à la baisse des niveaux d’eau à Drummondville ainsi qu’à la baisse des débits de l’eau en amont de la ville », a indiqué la municipalité.
Nicolet privée d’eau potable
À Nicolet, la situation est particulièrement préoccupante puisque les habitants sont invités à ne pas consommer l’eau du robinet en raison d’une inondation dans les installations de la centrale de traitement d’eau due au débordement de la rivière Bulstrode.
« Il faut absolument qu’on soit capable de briser la bâcle pour que l’eau s’évacue et constater les dégâts sur les équipements afin de reprendre la production », a expliqué la mairesse de Nicolet, Geneviève Dubois. Cette situation affecte environ 12 000 à 15 000 personnes privées d’eau potable dans la région.
Bilan provincial
Selon les dernières données du gouvernement du Québec, 14 municipalités sont touchées par les inondations, avec 69 résidences affectées, 141 isolées, plus de 170 personnes évacuées et 37 routes fermées.
Plusieurs autres cours d’eau demeurent sous surveillance, notamment la rivière Saint-François à Sherbrooke, où le niveau était à 19 pieds lundi matin, soit « au niveau de mobilisation ». La rivière Chaudière à Scott, Saint-Joseph-de-Beauce, Vallée-Jonction et Sainte-Marie, la rivière des Mille-Îles à Terrebonne, la rivière Coaticook à Waterville, la rivière de L’Acadie, et les rivières Quyon et Gatineau sont également surveillées de près.
Responsabilité des municipalités en question
Ces événements soulèvent des questions sur la responsabilité des municipalités face aux inondations récurrentes. Selon une analyse juridique, les municipalités bénéficient d’une certaine immunité contre les poursuites pour négligence lorsqu’elles prennent des « décisions de politique générale » de manière rationnelle et en toute bonne foi.
Cependant, la jurisprudence établit que les municipalités sont considérées comme « gardiennes » de leurs réseaux de collecte des eaux pluviales et peuvent être tenues responsables des préjudices causés par le « fait autonome » de ces réseaux. Elles ont également l’obligation d’appliquer leur propre réglementation en matière de nuisance.
Alors que les eaux commencent à se retirer dans certaines régions, l’heure est maintenant au nettoyage et à l’évaluation des dommages. Pour de nombreux sinistrés, comme ceux de Beauceville qui vivent leur deuxième inondation majeure en six ans, la question de la relocalisation devient de plus en plus pressante.