Karine Gagnon aime se présenter comme une observatrice neutre de la politique municipale. Elle se drape dans la posture de la chroniqueuse sérieuse, rigoureuse, équilibrée — celle qui regarde le jeu d’en haut, sans émotion ni parti pris. Mais quiconque lit ses textes des 45 derniers jours sans lunettes roses comprend rapidement que sa neutralité est un produit marketing, pas une réalité journalistique.
On ne parle pas ici d’une militante déclarée. Non, c’est plus subtil, plus sournois. Elle écrit avec les codes de la modération, la syntaxe de l’objectivité, et le ton de la respectabilité médiatique. Sauf qu’en dessous, le cadrage est systématique : Bruno Marchand a droit à la bienveillance, les autres reçoivent des uppercuts.
Quand Sam Hamad trébuche, elle en fait un sketch. Quand Stéphane Lachance parle maladroitement, elle le crucifie. Quand Bruno Marchand patine, elle parle de contexte, de chance, d’adversaires divisés. Le résultat ? Le maire sortant sort toujours blanchi — non pas parce qu’il a livré une grande campagne, mais parce que ses rivaux ont, selon elle, tout gâché. C’est le manuel classique du chroniqueur de connivence : le pouvoir ne se défend pas, il s’excuse par ricochet.
Et pourtant, Karine Gagnon continue de prêcher la neutralité comme une vertu cardinale. Elle rappelle souvent qu’elle ne fait « que » de l’analyse, pas du militantisme. C’est là que ça devient irritant. Qu’elle assume son angle. Mais non. Elle veut à la fois la posture de la juge et la sécurité morale du journaliste impartial. Elle joue à la fois l’arbitre et la partisane, en prétendant qu’il n’y a pas de sifflet dans sa bouche.
Son problème, c’est que l’époque ne pardonne plus ce genre d’ambiguïté. Le lecteur est beaucoup plus lucide qu’avant : il sent quand une chroniqueuse se protège derrière le bouclier de la « neutralité » pour éviter d’assumer sa ligne éditoriale. Et dans son cas, le décalage est évident. Elle tape fort sur Hamad et Lachance — très fort — mais elle ne trouve rien à redire sur les contradictions de Marchand : sa gestion du logement, ses promesses de mobilité, son incapacité à rallier hors de ses cercles progressistes. Silence radio. Et dans ce silence, tout le monde entend la même chose : un alignement idéologique non assumé.
Karine Gagnon, c’est un peu la chroniqueuse qui veut manger à tous les râteliers : celle qui veut l’aura de la rigueur journalistique et la liberté d’un éditorialiste. Mais quand on veut être crédible, il faut choisir : soit on assume ses biais, soit on abandonne la partisannerie.
Son travail de campagne est donc une belle étude de cas : une démonstration parfaite de ce qu’on appelle la neutralité de façade. Elle ne vend pas du mensonge, elle vend une illusion : celle de la journaliste au-dessus de la mêlée, alors qu’elle a, elle aussi, un camp, des sympathies, et un angle clair. Et plus elle nie ce fait, plus elle prouve qu’elle en est prisonnière.


