Après Laforest, Dufour et Chassin, c’est au tour de Maïté Blanchette Vézina de claquer la porte de la Coalition Avenir Québec. L’ex-ministre de Rimouski n’y est pas allée par quatre chemins : elle a carrément invité François Legault à démissionner, provoquant un véritable électrochoc au sein d’un parti en pleine déroute.
Un départ fracassant qui secoue le navire
Le jeudi 18 septembre 2025 restera gravé dans les annales caquistes comme le jour où François Legault a vu son autorité s’effriter devant ses propres députés. Maïté Blanchette Vézina, fraîchement éjectée du Conseil des ministres lors du remaniement du 10 septembre, a choisi le caucus hebdomadaire pour asséner ses quatre vérités au premier ministre.
La scène, digne d’un règlement de comptes, a glacé l’assemblée : « Lorsqu’elle a pris le micro pour le désavouer, François Legault est devenu livide, selon des témoins de la scène ». Une image qui en dit long sur l’état de décomposition interne d’un parti qui enchaîne les défections depuis des mois.
L’ancienne avocate de 40 ans n’a pas mâché ses mots lors de son point de presse : « Je n’ai pas confiance en M. Legault ». Plus cinglant encore, elle a carrément suggéré qu’il devrait céder sa place : « Comme on planifie une retraite ou une succession, un chef doit savoir reconnaître le moment de préparer la relève pour assurer la continuité et la vitalité de ce qu’il a bâti. J’invite donc le premier ministre à réfléchir sérieusement à ce plan de relève ». Un euphémisme pour dire qu’il devrait déguerpir.
Des reproches qui font mouche
Les critiques de Blanchette Vézina touchent des points névralgiques du gouvernement Legault, particulièrement son mépris apparent pour les régions. « Je ne peux plus aujourd’hui continuer d’endosser des décisions qui sont prises sur le dos des régions », a-t-elle dénoncé, pointant du doigt la surreprésentation de la Capitale-Nationale avec cinq ministres contre un seul pour couvrir le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine.
Le financement du troisième lien au détriment de projets régionaux constitue un autre grief majeur. Une position qui résonne d’autant plus fort que plusieurs députés caquistes partagent désormais ces préoccupations, selon des sources internes.
Sa sortie sur la représentation des femmes a fait mouche : elle déplore que « la place des femmes au sein du Conseil des ministres n’ait pas été mieux affirmée ». Un reproche qui souligne l’abandon par Legault de ses propres promesses de parité, lui qui se targuait d’avoir un cabinet équilibré lors de son premier mandat.
L’hémorragie s’accélère
Le départ de Blanchette Vézina s’inscrit dans une série noire qui mine la crédibilité de François Legault. En moins d’un an, la CAQ a perdu plusieurs pièces maîtresses, chaque défection étant plus dommageable que la précédente.
Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales depuis 2018, a tiré sa révérence le 5 septembre dernier pour briguer la mairie de Saguenay. Malgré ses dénégations – « Je ne quitte pas la Coalition Avenir Québec par déception » –, son départ en pleine tourmente politique ressemble drôlement à un abandon de navire.
Pierre Dufour, lui, s’est fait montrer la porte manu militari par Legault après avoir osé le défier publiquement. L’ex-ministre des Forêts avait menacé de quitter si l’Abitibi-Témiscamingue n’obtenait pas de représentation ministérielle.
Youri Chassin, député de Saint-Jérôme, avait déjà donné le ton en septembre 2024 avec sa lettre « coup-de-poing » dénonçant un second mandat « décevant ». « Je n’arrive plus à défendre les choix du gouvernement devant les électeurs », avait-il déclaré, préfigurant la crise actuelle.
Un gouvernement en perte de vitesse
Ces défections interviennent alors que la CAQ traverse sa pire période depuis son arrivée au pouvoir. Les sondages sont catastrophiques : selon Qc125, si des élections avaient lieu aujourd’hui, le parti de François Legault n’en remporterait aucun (un beau gros zéro) contre les 90 élus en 2022.
L’humiliation subie dans Arthabaska, où le Parti québécois et le Parti Conservateur du Québec ont écrasé la CAQ lors de l’élection partielle, illustre parfaitement l’état de décomposition du parti de Legault.
Le déficit record de 11 milliards de dollars continue de plomber l’image d’un gouvernement qui se prétendait bon gestionnaire. « François Legault a perdu le contrôle des finances publiques », martèle l’opposition, et les chiffres lui donnent raison.
Des répercussions en cascade
Le départ de Blanchette Vézina a provoqué une onde de choc au sein du caucus caquiste. Geneviève Guilbault, la nouvelle ministre des Affaires municipales, a reconnu que cette situation « a bouleversé tout le monde » au sein de l’équipe gouvernementale.
« C’est sûr que, quand il y a des bouleversements dans l’équipe, ça bouleverse tout le monde, parce qu’on est tellement proches puis on vit tellement une vie particulière… on est tellement enfermés ensemble de manière condensée avec nos collègues élus que c’est certain que c’est toujours des situations difficiles », a-t-elle avoué, dans un moment de franchise.
D’autres députés caquistes commencent à partager ouvertement les critiques exprimées par leur ex-collègue, notamment concernant « le peu de poids des régions ». Cette « implosion » naissante, comme l’ont baptisée certains médias, pourrait bien n’être que le début d’un mouvement plus large de contestation interne.
L’avenir incertain de Legault
Maïté Blanchette Vézina, désormais députée indépendante, a clairement fait savoir qu’elle ne comptait pas se gêner : « Aujourd’hui, je suis indépendante, personne ne va pouvoir m’utiliser ». Elle compte terminer son mandat et se représenter en 2026, gardant sa carte de membre de la CAQ tout en affirmant croire toujours en la « pertinence d’une troisième voie ».
Pour François Legault, l’équation devient de plus en plus complexe. Avec 83 députés restants et une popularité en chute libre, il doit désormais composer avec une opposition interne grandissante. Les tentatives de rééquilibrage, comme le caucus spécial d’août dernier où il prétendait que ses députés étaient « prêts à se battre » avec lui, sonnent de plus en plus creux.
La Coalition Avenir Québec, qui misait tout sur l’image de son chef, découvre brutalement les limites de l’exercice du pouvoir. Entre les échecs répétés en santé, la crise du logement non résolue, les promesses non tenues et maintenant cette hémorragie interne, François Legault navigue en eau trouble.
La question n’est plus de savoir si d’autres députés suivront l’exemple de Maïté Blanchette Vézina, mais plutôt combien de temps le navire caquiste pourra tenir avant de sombrer définitivement.