Le Canada et la Corée du Sud ont signé un accord historique de partenariat en matière de sécurité et de défense le 30 octobre 2025, alors que le gouvernement canadien poursuit son processus de sélection pour acheter jusqu’à douze sous-marins neufs. Le ministre de la Défense David McGuinty a visité un chantier naval sud-coréen aux côtés du premier ministre Mark Carney, en marge du sommet de l’APEC. Le contrat pourrait atteindre 60 milliards de dollars, ce qui en ferait l’un des plus importants achats militaires de l’histoire canadienne.
Pourquoi le Canada a-t-il besoin de nouveaux sous-marins?
Les quatre sous-marins actuels de la Marine royale canadienne, de classe Victoria, arrivent en fin de vie utile. Ces appareils, achetés d’occasion au Royaume-Uni dans les années 1990, doivent être remplacés d’ici 2035. Les sous-marins modernes permettent de patrouiller les côtes, de surveiller les activités maritimes et de défendre la souveraineté du Canada, particulièrement dans l’Arctique où les activités militaires étrangères et l’exploration des ressources naturelles s’intensifient.
Le Canada possède le plus long littoral au monde et revendique des territoires arctiques riches en hydrocarbures et en ressources naturelles, dont certaines frontières maritimes demeurent contestées, notamment avec les États-Unis, le Danemark et la Russie. Les nouveaux sous-marins devront être capables d’opérer sous la glace arctique pour surveiller le passage du Nord-Ouest et contrer les incursions de sous-marins étrangers, notamment chinois et russes, qui cartographient les fonds marins canadiens.
Deux candidats finalistes
En août 2025, Ottawa a réduit sa liste de cinq à deux fabricants potentiels. D’un côté, l’entreprise sud-coréenne Hanwha Ocean propose le sous-marin KSS-III Batch II, un modèle de 3 600 tonnes équipé de batteries au lithium et d’un système de propulsion indépendante de l’air qui permet de rester sous l’eau plus longtemps sans refaire surface. De l’autre, l’allemand ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) offre le modèle 212CD, un sous-marin de 2 500 tonnes optimisé pour la furtivité grâce à sa coque en forme de losange et son système de propulsion à pile à combustible qui permet une endurance prolongée en immersion.
Le choix entre les deux fabricants repose sur plusieurs critères techniques et stratégiques. Hanwha promet de livrer le premier sous-marin dans les six ans suivant la signature du contrat, avec quatre appareils livrés avant 2035 et les huit autres suivant au rythme d’un par année jusqu’en 2043. Cette rapidité d’exécution s’appuie sur une chaîne de production active et constitue un argument majeur face à l’urgence exprimée par les hauts gradés de la Marine royale canadienne.
De son côté, TKMS devra composer avec une file d’attente existante : l’Allemagne et la Norvège ont déjà commandé six sous-marins 212CD en 2021, respectivement deux et quatre unités. Le Canada devrait donc négocier avec ces deux pays pour obtenir des créneaux de livraison dans le calendrier de production, ce qui pourrait retarder l’arrivée des premiers appareils. Toutefois, le 212CD bénéficie d’une conception spécifiquement optimisée pour les eaux froides arctiques et les zones sous-marines de l’OTAN, avec une coque en composite offrant une signature sonar réduite.
Le ministre McGuinty a précisé que plusieurs facteurs influenceront la décision finale : les retombées économiques pour l’industrie canadienne, l’utilisation de ressources comme le fer et l’aluminium canadiens, les délais de livraison, l’entretien à long terme et l’interopérabilité avec les flottes d’autres pays alliés possédant les mêmes sous-marins. La décision finale pourrait être annoncée dès la fin 2025 ou au début 2026, avec la signature du contrat peu après.
Un accord plus large que les sous-marins
Au-delà de l’achat potentiel de sous-marins, le Canada et la Corée du Sud ont signé leur premier accord de partenariat en matière de sécurité et de défense. Cette entente permettra aux militaires des deux pays de s’entraîner ensemble, de partager de l’équipement et de collaborer dans des domaines technologiques de pointe comme l’intelligence artificielle, la cryptographie et l’informatique quantique.
McGuinty a souligné que ces secteurs technologiques avancés représentent des opportunités de collaboration stratégique pour le Canada. « C’est incroyable combien les Coréens investiront en AI à l’avenir. Dans la cryptographie, dans le quantum, c’est incroyable combien ils investiront en termes de recherche non seulement pure, mais aussi appliquée », a-t-il déclaré. L’accord permettra aux Forces armées canadiennes de bénéficier de ces avancées technologiques en partageant des plateformes et en participant à des projets conjoints de recherche et développement.
Environ 20 entreprises canadiennes font déjà affaire en Corée du Sud dans le secteur de la défense, tandis qu’une importante usine de production de lithium au Canada appartient à des intérêts sud-coréens. Le partenariat vise à approfondir ces liens économiques et à donner accès au Canada aux innovations technologiques sud-coréennes dans des domaines militaires critiques.
La relation entre les deux pays remonte à la guerre de Corée (1950-1953), conflit auquel 26 000 soldats canadiens ont participé et où 516 d’entre eux ont perdu la vie. Lors d’un déjeuner officiel avec la délégation canadienne, le président sud-coréen Lee Jae-myung a rappelé la reconnaissance de son pays envers le sacrifice canadien. « Le peuple coréen, le gouvernement coréen se sentaient endettés », a rapporté McGuinty.
Un investissement de 60 milliards
L’achat de huit à douze sous-marins, évalué à 60 milliards de dollars, s’inscrit dans le plan du gouvernement Carney de porter les dépenses militaires à 2 % du PIB d’ici mars 2026, puis à 5 % d’ici 2035. « Le 2 % du PIB, nous allons sans hésitation, je peux vous dire que d’ici le 31 mars, nous allons atteindre le 2 % », a affirmé McGuinty.
Le ministre a toutefois rappelé que l’investissement en défense ne se limite pas aux achats spectaculaires. Ottawa travaille également à rénover 33 bases militaires, à améliorer les logements des soldats et à moderniser les infrastructures de base. Une nouvelle agence d’approvisionnement en défense, dont le directeur général devrait entrer en fonction en novembre 2025, supervisera l’ensemble du processus d’acquisition.

