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Le prix de la clémence : Iryna Zarutska et l’angle mort de la récidive

Une réfugiée ukrainienne poignardée par un récidiviste comptant 14 arrestations

Le soir du 22 août 2025, Iryna Zarutska, 23 ans, prenait le train de retour chez elle après son quart de travail à la pizzeria Zepeddie’s de Charlotte, en Caroline du Nord. Cette réfugiée ukrainienne, qui avait fui les bombardements de son pays natal en 2022 pour trouver la paix en Amérique, ne se doutait pas qu’elle s’asseyait devant son futur meurtrier.

Quatre minutes et demie après être montée dans le train de la ligne bleue LYNX, Decarlos Brown Jr., 34 ans, s’est levé de son siège derrière elle, a sorti un couteau de poche et l’a poignardée à trois reprises, dont au moins une fois au cou, sans aucune provocation ni interaction préalable. Les images de surveillance montrent Zarutska qui s’affaisse immédiatement, tentant de porter ses mains à sa gorge avant de s’effondrer.

Cette attaque brutale et apparemment aléatoire soulève des questions troublantes sur l’efficacité des systèmes judiciaires nord-américains face aux récidivistes dangereux — un débat qui résonne particulièrement au Canada alors que Pierre Poilievre propose justement une loi « trois coups et vous sortez » similaire à celles adoptées aux États-Unis.

Le parcours d’une survivante devenue victime

Iryna Zarutska incarnait le rêve américain en devenir. Arrivée aux États-Unis en 2022 avec sa mère, sa sœur et son frère pour échapper à la guerre russo-ukrainienne, elle avait rapidement obtenu son permis de travail et embrassé sa nouvelle vie avec détermination.

Travaillant dans un centre pour personnes âgées et à la pizzeria Zepeddie’s à Charlotte, elle s’occupait également des animaux du quartier et suivait des cours d’anglais au collège communautaire. « Iryna était une femme bonne et travailleuse qui était chérie par sa famille et ses amis proches », a déclaré l’avocat de sa famille.

Artiste de talent selon sa mère, Zarutska possédait ce que sa famille appelait « le don de l’artiste ». Elle excellait dans la sculpture et le design de vêtements, mais son véritable bonheur résidait dans les moments passés en famille. Ironiquement, celle qui avait fui la violence de la guerre pour trouver la sécurité en Amérique allait périr dans un acte de violence gratuite dans son pays d’adoption.

Portrait d’un système défaillant : Decarlos Brown Jr.

L’accusé, Decarlos Brown Jr., représente l’archétype du criminel récidiviste que les systèmes judiciaires nord-américains peinent à gérer efficacement. Les documents judiciaires révèlent un parcours criminel récurrent : 14 arrestations étalées sur plus de dix ans, allant du vol simple aux crimes violents avec armes.

Son parcours criminel débute en 2007 avec une arrestation juvénile, suivi d’une condamnation pour vol qualifié en 2011, puis pour vol à main armée et menaces en 2013-2014, lui valant une peine de cinq ans d’emprisonnement. Libéré en 2020, Brown n’a pas tardé à retomber dans la délinquance avec de multiples arrestations pour troubles domestiques entre 2021 et 2022.

Plus troublant encore, Brown souffre de schizophrénie diagnostiquée et a été arrêté en janvier 2025 pour abus du service d’urgence 911, prétendant que des substances « faites par l’homme » contrôlaient ses mouvements. Sa propre mère avait tenté d’obtenir un internement psychiatrique involontaire après qu’il soit devenu violent à la maison.

L’écho canadien : les propositions de Poilievre

Cette tragédie survient alors que le Canada débat intensément des politiques « tough on crime ». En avril 2025, le chef conservateur Pierre Poilievre a dévoilé sa propre version de la loi « trois coups et vous sortez », promettant « la plus grande répression du crime de l’histoire canadienne ».

Sous la politique proposée de Poilievre, toute personne reconnue coupable de trois infractions graves deviendrait inadmissible à la libération sous caution, à la probation, à la libération conditionnelle ou à l’assignation à résidence. Ces criminels récidivistes purgeraient une peine minimale de 10 ans et jusqu’à l’emprisonnement à vie, et seraient désignés comme « délinquants dangereux ».

Cependant, cette loi soulèverait très probablement des enjeux constitutionnels et nécessiterait probablement l’utilisation de la clause dérogatoire fédérale pour la première fois de l’histoire canadienne. Par ailleurs, Poilievre a indiqué qu’il recourrait à la clause s’il le faut.

L’efficacité discutable de l’incarcération prolongée

Les recherches canadiennes récentes offrent un portrait nuancé de l’efficacité de l’emprisonnement. Une étude de Statistique Canada de 2024 révèle qu’au Canada, 46 % des individus condamnés à une peine provinciale sont reconnus coupables d’une nouvelle infraction dans les trois ans suivant leur sentence initiale.

Plus révélateur encore, les nouvelles condamnations sont plus fréquentes pour les infractions non violentes. Après trois ans, 39 % de la cohorte avait au moins une nouvelle condamnation pour une infraction à l’administration de la justice, comparativement à 21 % pour une infraction violente. Cette donnée suggère que le système carcéral canadien peine également à briser le cycle de la récidive.

Une recherche gouvernementale canadienne sur l’effet de la prison sur le comportement criminel conclut que « l’emprisonnement et les autres sanctions de justice pénale devraient être utilisés à des fins autres que la réduction de la récidive (par exemple, l’incapacitation des délinquants dangereux) ». Cette conclusion renforce l’argument selon lequel l’incarcération vise d’abord à protéger la société civile.

Le coût social de la clémence judiciaire

Une analyse canadienne exhaustive sur les trajectoires criminelles révèle des chiffres saisissants : le coût longitudinal moyen d’un délinquant sur 15 ans s’élève à 5,86 millions de dollars par personne. Ces coûts incluent les dommages aux victimes, les frais correctionnels, les autres coûts du système judiciaire et les crimes non détectés.

L’étude démontre également que les coûts sont « disproportionnellement plus élevés pour le petit groupe de délinquants à taux élevé ». Cette réalité économique renforce l’argument en faveur de l’incapacitation sélective des récidivistes dangereux plutôt que de leur libération répétée dans la communauté.

Paradoxalement, la recherche indique que l’emprisonnement coûte environ six fois plus cher que la probation au Canada. Cependant, cette équation change dramatiquement lorsqu’on considère les coûts sociaux des crimes évités par l’incapacitation.

Autrement dit, garder un criminel comme Brown en prison coûterait environ de 72 000 $ à 114 000 $ par année aux contribuables, contre 2 000 $ pour une surveillance en probation. Mais pendant qu’il purge sa peine, il ne peut pas poignarder d’autres Iryna Zarutska dans le métro. Le coût de sa détention devient alors dérisoire face aux vies sauvées.

Par ailleurs, cette comparaison simpliste ignore l’effet domino d’un crime violent. Au-delà de la vie d’Iryna Zarutska, il faut comptabiliser les traumatismes psychologiques des témoins présents dans le train, les coûts des services de soutien psychologique pour les proches de la victime, les dépenses supplémentaires en sécurité dans les transports en commun de Charlotte, et l’impact économique sur le système de transport public qui doit rassurer une population désormais méfiante. Quand on additionne ces coûts tangibles et intangibles, le coût annuel d’incarcération devient un investissement dérisoire pour protéger la société civile.

L’opinion publique canadienne face au crime

Les sondages canadiens révèlent un portrait complexe de l’opinion publique sur la justice pénale. Une forte majorité (94 %) des Canadiens appuie la création d’une nouvelle catégorie pour les jeunes délinquants violents récidivistes, qui seraient soumis aux peines pour adultes.

Concernant les modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants, 88 % des Canadiens soutiennent une loi stricte permettant qu’un contrevenant soit jugé comme un adulte à 14 ans, comparativement à 16 ans précédemment. De plus, 86 % appuient l’augmentation de la peine maximale pour les jeunes contrevenants reconnus coupables de meurtre au premier degré, de 10 à 25 ans.

Ces données suggèrent que les Canadiens, comme leurs voisins américains, favorisent des approches plus fermes face aux récidivistes violents, particulièrement dans des cas comme celui de Brown où les multiples chances accordées au système ont échoué à protéger les innocents.

L’équation coût-bénéfice de la criminalité

Les recherches sur la dissuasion révèlent un paradoxe : bien que l’emprisonnement ne semble pas réduire significativement la récidive, l’effet d’incapacitation demeure mesurable. Il a été estimé qu’en 1975, 32,9 % des infractions violentes potentielles ont été prévenues à l’échelle nationale aux États-Unis grâce à l’incapacitation seule. De plus, une récente étude suédoise de 2024 montre que l’incarcération évite en moyenne 0,53 crime par détenu par année. Plus significatif encore, pour les délinquants classés à haut risque — une catégorie dans laquelle Brown aurait assurément figuré avec ses 14 arrestations — ce chiffre grimpe à 1,22 crimes évités annuellement.

Cette donnée prend une résonance particulière dans le cas de Brown. Si le système judiciaire américain avait appliqué une peine d’incapacitation prolongée après ses multiples condamnations pour crimes violents, les données suggèrent qu’entre un et deux crimes violents auraient été évités chaque année de sa détention. Iryna Zarutska aurait probablement figuré parmi ces crimes prévenus.

Une tragédie évitable qui transcende les frontières

L’histoire d’Iryna Zarutska illustre de manière poignante l’échec des systèmes judiciaires nord-américains à équilibrer compassion et sécurité publique. Cette jeune femme, qui avait survécu aux bombardements russes et reconstruit sa vie en Amérique, est devenue victime d’un système qui privilégie les chances répétées aux délinquants chroniques au détriment de la protection des innocents.

Pour les Canadiens qui observent cette tragédie depuis l’autre côté de la frontière, le cas Brown soulève des questions pressantes sur nos propres politiques de justice pénale. Avec des taux de récidive d’environ 50 % dans les trois ans suivant une condamnation provinciale et des coûts sociaux astronomiques pour les délinquants à haute fréquence, le statu quo canadien mérite-t-il d’être maintenu?

La proposition de Poilievre, bien qu’elle soulève des préoccupations constitutionnelles légitimes, répond à une frustration publique réelle face à ces tragédies évitables. Le débat dépasse les partis politiques et touche aux valeurs fondamentales de nos sociétés : jusqu’où doit-on étendre la compassion envers les récidivistes chroniques avant de prioriser la protection des citoyens respectueux des lois?

Comme l’a déclaré la famille de Zarutska : « Iryna est venue ici pour trouver la paix et la sécurité, et à la place sa vie lui a été volée de la façon la plus horrible ». Cette tragédie devrait servir de catalyseur tant aux États-Unis qu’au Canada pour une réflexion sérieuse sur les réformes nécessaires pour éviter que d’autres innocents paient le prix de la clémence mal placée envers les récidivistes dangereux.

Contenu sensible

Avertissement aux lecteurs : Les deux vidéos plus bas montrent des scènes violentes (personne poignardée). Ces images peuvent choquer. Visionnement à votre discrétion.

Horrifying footage of Ukrainian war refugee being stabbed to death in an random crime on a train in Charlotte, U.S.A.
byu/Upset-Main-1988 inVimarsa

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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