Depuis leur introduction en 2015 par le gouvernement de Narendra Modi, les villes intelligentes (Smart Cities) étaient censées marquer une nouvelle ère dans l’urbanisation du pays. L’objectif affiché était de moderniser 100 villes en leur fournissant des infrastructures avancées, des technologies de pointe et de nouvelles formules de gouvernance numérique, le tout dans le but de stimuler la croissance économique et d’améliorer la qualité de vie des habitants. Cependant, après près d’une décennie, les résultats restent mitigés. Beaucoup de projets avancent lentement ou sont en retard de manière significative, et la réalité sur le terrain ne correspond pas aux attentes initiales. À la lumière du nationalisme indien croissant et de l’intervention accrue de l’État sous le mandat de Modi, on peut se demander si un modèle moins centralisé et plus axé sur l’entrepreneuriat privé et la concurrence ouverte aurait pu donner lieu à des résultats plus positifs. Ce texte explore en détail les raisons de la relative inefficacité des villes intelligentes en Inde en tenant compte du contexte politique et économique, avant d’examiner comment un modèle libéral aurait pu offrir des solutions mieux adaptées aux défis urbains du sous-continent.
Les origines et le contexte de la mission des Villes Intelligentes en Inde
Avec plus de 1.4 milliard d’habitants, l’Inde fait face à une urbanisation croissante depuis de nombreuses années. Des métropoles telles que Mumbai ou Delhi sont confrontées à d’importants défis en matière de logement et d’infrastructures urbaines, notamment le transport, la gestion des déchets solides et liquides ainsi que l’approvisionnement en eau potable, qui est une préoccupation majeure dans certains cas.
Le premier ministre Narendra Modi, suite à son élection en 2014, a annoncé un programme visant à moderniser les villes indiennes : la mission “Villes Intelligentes”. En plus du financement public alloué à ce programme, les autorités comptaient sur des collaborations entre le secteur public et le secteur privé (PPP) pour accroître l’impact économique et favoriser l’innovation. Les villes intelligentes devaient servir de terrains d’expérimentation pour tester de nouvelles approches en matière de gouvernance, de sécurité, de transport ou encore de développement durable (gestion de l’énergie, mobilité verte, etc.). Des plateformes numériques étaient prévues pour faciliter les échanges entre les citoyens et l’administration, rendant le processus global plus transparent et réactif.
Le projet suscitait un enthousiasme considérable au départ, tant au niveau national qu’international, où l’Inde était perçue comme un acteur clé pour relever les défis du XXIᵉme siècle lié à l’urbanisation et au changement climatique. Cependant, malgré une impulsion forte initiale, la concrétisation pratique s’est avérée semée d’obstacles et ralentie par des lourdeurs administratives.
Signalement mitigé et indices de non-réussite
Pour juger du “succès” ou de l’“échec” d’un projet aussi étendu, il est primordial d’examiner les résultats tangibles obtenus jusqu’à présent. Plusieurs constats s’imposent :
- Retards significatifs : De nombreux projets d’infrastructures (routes, transports intelligents, réseaux d’eau et d’électricité connectés) ont pris du retard en raison de la lenteur administrative et de la complexité des appels d’offres.
- Financements mal orientés : Le gouvernement central avait prévu d’allouer en moyenne 1 000 crores de roupies (130 millions USD) par ville sur cinq ans, mais une partie des fonds n’a pas été efficacement utilisée.
- Fixation excessive sur la technologie : Des caméras de surveillance et bornes Wi-Fi ont été installées alors que des problèmes fondamentaux comme le logement et l’assainissement restaient non résolus.
- Disparités régionales : Certaines villes prospères ont progressé plus vite que d’autres, accentuant les inégalités territoriales.
En résumé, tandis que certaines villes comme Bhubaneswar ou Indore ont vu des améliorations notables, d’autres restent en stagnation, rendant le label “ville intelligente” plus symbolique que réellement efficace.
Pourquoi une approche plus ouverte aurait pu être plus efficace
Un cadre plus libéral et moins centralisé aurait probablement apporté plusieurs avantages :
- Autonomie municipale accrue : Permettre aux villes de définir leurs priorités locales aurait optimisé l’utilisation des ressources.
- Compétition et innovation : Encourager une compétition entre entreprises locales et internationales aurait favorisé l’émergence de solutions plus performantes.
- Simplification administrative : Réduire les formalités aurait accéléré la mise en œuvre des projets.
- Participation citoyenne : Un modèle décentralisé aurait permis aux habitants de jouer un rôle actif dans la gestion de leur environnement urbain.
Conclusion
Le projet des Villes Intelligentes en Inde a souffert d’une mise en œuvre trop rigide et centralisée, ce qui a freiné son efficacité. Une approche plus libérale, axée sur la compétition, l’autonomie locale et l’implication du secteur privé, aurait sans doute permis une meilleure adaptabilité aux réalités du terrain. À l’avenir, un assouplissement des règles administratives et une ouverture à la concurrence internationale pourraient aider à relancer l’initiative et à favoriser une urbanisation plus réussie et inclusive.