Monsieur le premier ministre,
Récemment, vous vous êtes comparé à Rocky Balboa. Rocky, disiez-vous, celui qui encaisse les coups et qui continue d’avancer. Laissez-moi vous dire une chose : Rocky se battait contre des adversaires de sa taille. Rocky n’a jamais frappé ceux qui étaient déjà à terre.
Votre gouvernement, lui, malmène les victimes d’actes criminels. Et moi, comme tant d’autres, j’en suis la preuve vivante.
Je ne suis pas du genre à me plaindre ni à chercher l’attention. Mais il y a des limites. Une société se juge à la manière dont elle traite ses personnes les plus vulnérables. Dans ce dossier, votre gouvernement échoue.
Je suis une victime d’actes criminels graves. J’ai porté plainte à la police il y a 11 ans, j’ai subi huit années de procédures au criminel, quatorze semaines complètes de procès, dont dix jours de témoignage pour moi seul. Mon agresseur, le pasteur Claude Guillot, a été condamné en décembre 2022 à huit ans de prison. La semaine dernière encore, j’ai dû me présenter à une audience de libération conditionnelle et revivre ce cauchemar.
C’est le lot des victimes : témoigner, revivre, se battre, encaisser.
Et que fait l’État censé nous protéger ? L’IVAC, qui devait m’indemniser, me malmène depuis des années. Ils m’ont arbitrairement basculé sous le nouveau régime que votre gouvernement a adopté en 2021 — celui qui réduit massivement les indemnités — alors que mon dossier relève clairement de l’ancien régime. Ils m’ont donné un chèque de 65 000 $ pour le restant de mes jours et dit « au revoir ».
Pourtant, tous les experts — psychiatres, neuropsychologues, médecins traitants, ergothérapeutes — arrivent à la même conclusion : à 32 ans, je suis en état d’invalidité totale et permanente. Je ne peux plus travailler. Je ne peux plus gagner ma vie. Et l’IVAC, qui est sous votre responsabilité, la responsabilité de votre ministre de la justice, Simon Jolin-Barrette, le sait. Mais il semble que votre gouvernement a décidé de tout faire pour économiser sur le dos des victimes plutôt que de s’attaquer aux vraies dépenses inutiles de l’État québécois.
Monsieur le premier ministre, Rocky Balboa n’aurait jamais piétiné les faibles. Rocky se relevait, il inspirait, il protégeait son monde. Vous vous comparez à Rocky? Alors prouvez-le.
Traitez les victimes d’actes criminels avec dignité. Respectez vos propres lois. Cessez de transformer chaque démarche en parcours du combattant pour les victimes d’actes criminels au Québec. Appliquez l’ancien régime aux dossiers ouverts sous l’ancien régime.
Donnez enfin un break à ceux qui ont déjà tout perdu.
Vous dites vouloir redonner confiance à la population, dans un contexte où votre gouvernement est en chute libre dans les sondages. Voici une piste de solution. Montrez que vous n’êtes pas un boxeur qui s’acharne sur les blessés. Montrez que vous êtes capable d’un minimum de justice et d’humanité.
Je ne demande pas la pitié. Je demande la dignité, le respect du droit, et la fin d’un harcèlement administratif qui me détruit depuis des années, tout comme des centaines d’autres victimes.
Et sachez une chose : je ne me tairai pas. Mon histoire est bien connue au Québec, j’ai déjà témoigné à maintes reprises publiquement dans les médias et tout dernièrement dans le balado Au Parloir, et je continuerai à le faire. J’irai partout où on me donnera un micro jusqu’à ce que justice soit rendue. Si vous ne corrigez pas cette injustice, ce sera votre gouvernement qui en paiera chèrement le prix politique.
Assez, c’est assez.
Josh Seanosky,
32 ans, père de 3 jeunes enfants, victime d’actes criminels graves de 0 – 21 ans
