La condamnation de Léo Lins à huit ans et trois mois de prison par un tribunal fédéral de São Paulo marque un tournant inquiétant dans la relation entre justice et liberté artistique. Ce verdict, rendu en juin 2025, soulève des questions fondamentales sur les limites que nos sociétés démocratiques imposent à l’expression créative.
Un spectacle qui divise
Le spectacle « Perturbador », présenté en 2022 devant 4 000 spectateurs et visionné plus de 3 millions de fois sur YouTube, contenait des blagues abordant de nombreux sujets sensibles. Léo Lins, humoriste brésilien spécialisé dans l’humour noir depuis 2005, y évoquait différents groupes de la société brésilienne avec son style provocateur habituel.
Le tribunal a estimé que ces propos constituaient un discours haineux et violaient les lois brésiliennes contre le racisme et la discrimination. Pour les juges, la dignité humaine devait primer sur la liberté d’expression, particulièrement lorsque les propos visent des groupes considérés comme vulnérables.
Une peine disproportionnée
La sévérité de la sentence interroge. Huit ans de prison pour des mots prononcés sur scène représentent une peine plus lourde que celle infligée à de nombreux criminels violents. Cette disproportion révèle une dérive préoccupante où la justice semble perdre de vue les principes fondamentaux qui régissent nos démocraties.
L’amende de 70 000 dollars pour dommages moraux collectifs s’ajoute à cette sanction déjà excessive. La suppression forcée du spectacle sur YouTube, ordonnée dès mai 2023, témoigne d’une volonté de censure qui dépasse largement le cadre judiciaire pour s’immiscer dans l’espace culturel.
Les conséquences
- Peine de prison : 8 ans et 3 mois (en appel, il n’est pas encore incarcéré).
- Amende : environ 70 000 $ pour « dommages moraux collectifs ».
- Suppression du spectacle : La justice a ordonné le retrait de la vidéo sur YouTube.
- Débat de société : La décision divise, entre ceux qui défendent la liberté artistique et ceux qui estiment qu’il y a des limites à ne pas franchir, surtout face à des groupes vulnérables.
Un précédent dangereux
Cette affaire établit un précédent inquiétant pour tous les artistes qui osent explorer les zones grises de l’humour. Si la justice peut désormais criminaliser des blagues, même choquantes, où s’arrêtera cette logique répressive ? Quels seront les prochains sujets interdits ? Quels artistes oseront encore prendre des risques créatifs ?
La réaction internationale ne s’est pas fait attendre. Des humoristes du monde entier, conscients que cette décision pourrait faire jurisprudence, ont exprimé leur solidarité avec Léo Lins. Ils comprennent que ce qui se joue au Brésil dépasse largement le cas d’un seul artiste.
Voir aussi: Arrestation de Léo Lins : Mike Ward prend position
L’art face à la censure
L’humour a toujours eu pour fonction de bousculer, de déranger, de faire réfléchir en abordant des sujets que la société préfère parfois ignorer. Cette fonction critique de l’art devient impossible si chaque blague doit être pesée à l’aune de sa conformité aux sensibilités du moment.
Le rôle de l’humoriste n’est pas d’être un éducateur moral ou un gardien de la bienséance. Son travail consiste à révéler nos contradictions, nos hypocrisies, nos tabous. Cette mission devient impossible dans un environnement où la justice se substitue au public pour déterminer ce qui peut ou ne peut pas être dit sur scène.
Une société qui se fragilise
En criminalisant l’humour, même le plus provocateur, une société révèle sa propre fragilité. Elle montre qu’elle n’a plus confiance en sa capacité à débattre, à critiquer, à se remettre en question. Elle préfère le silence imposé au dialogue parfois difficile.
Cette tendance ne se limite pas au Brésil. Partout dans le monde, on observe une montée de l’intolérance face aux expressions artistiques qui dérangent. Cette évolution menace les fondements mêmes de nos démocraties, construites sur le principe que la liberté d’expression constitue un droit inaliénable.
L’importance du débat public
Plutôt que de censurer, nos sociétés gagneraient à encourager le débat. Si un spectacle choque, discutons-en. Si des propos dérangent, analysons pourquoi. La réponse à un discours qui déplaît ne devrait jamais être le silence forcé, mais davantage de parole, davantage d’échange, davantage de réflexion collective.
La condamnation de Léo Lins représente un recul démocratique majeur. Elle envoie un message clair à tous les créateurs : conformez-vous ou taisez-vous. Ce message est incompatible avec l’esprit de liberté qui doit animer toute société démocratique digne de ce nom.
L’appel interjeté par les avocats de l’humoriste offre une dernière chance de corriger cette erreur judiciaire. Espérons que les instances supérieures sauront rappeler que dans une démocratie, on ne va pas en prison pour des mots, même dérangeants, prononcés sur une scène de théâtre.
On en parle avec Ian et Frank
Le contenu du spectacle
En préparant cet article, je me suis demandé comment on peut juger une œuvre dont l’accès est désormais interdit. Le spectacle ayant été censuré, j’ai pris la peine de le retrouver, d’en extraire l’audio, et de le traduire fidèlement avec les meilleurs outils disponibles. La traduction peut comporter certaines imprécisions, mais elle permet l’essentiel : vous donner accès au contenu pour vous faire votre propre idée. Car on ne peut dénoncer la censure d’une œuvre tout en la gardant inaccessible. Présenter ce texte ne signifie pas adhérer à son propos, mais défendre un principe fondamental : celui de la liberté d’expression et de votre droit de juger par vous-mêmes.
Voici donc le spectacle:
(présentation vidéo avec extraits de critiques, coupures médias, etc. avec une voix off)
Salut, moi c’est Leonardo Lynch, plus connu sous le nom de Léo Lins.
Ce n’est pas la première fois qu’il fait ça.
Dans une ville du Minas Gerais, il s’est même fait expulser.
L’humoriste Léo Lins s’est retrouvé dans les sujets les plus commentés des réseaux sociaux, accusé de grossophobie.
Thaís vient de lui intenter un procès.
C’est un moment historique : c’est la première fois qu’un jugement traite explicitement la grossophobie comme problème principal.
Tu crois que j’ai besoin d’avoir l’approbation d’une grosse de 400 kilos ?
Je fais des blagues, pas des chocolats.
De vraies blagues, des vraies blagues.
J’avais jamais vu un truc pareil.
Le roi de l’humour noir.
Léo Lins est connu pour n’avoir aucune limite.
Il parle de tous les sujets, et il y va fort.
C’est pas des excuses, ça. C’est une farce.
Ça prouve juste que t’es pas un humoriste.
T’es une personne agressive.
C’est toi, Léo Lins. C’est toi que j’aime.
T’es une marde.
On va plus tolérer ce genre de chose.
Tu vas te faire bouffer et tu vas crever là-dessus.
Parce que Léo Lins, ça ici, mon ami, c’est de l’histoire, pas une blague.
C’est quoi le pain qui tombe par terre ? Pain sur la plaque.
Elle est bonne, la blague.
Le gars t’a dit que t’allais changer de camp.
Une autre sur la crémation.
Non, non, non, pas d’autres sujets.
Des sujets, Léo, vas-y.
En plus de vingt ans de communication, j’ai jamais vu un truc de ce niveau.
Cet humour radical, qui se moque de tout, est en sursis.
Ça va devenir un truc clandestin, underground, que les gens vont aller voir en cachette.
Tu vas finir comment ton show ?
Les gens voudront plus te voir.
Il est comme un dicton.
Il cède toujours, c’est comme ça qu’il gagne et qu’il survit sur scène.
Léo Lins évoque les protestations de personnes sourdes dans ses spectacles et utilise des termes inappropriés.
L’humoriste a enfreint la loi sur les droits des personnes handicapées.
L’affaire est à l’étude pour l’ouverture possible d’une enquête policière.
Je félicite aussi le gouverneur qui a interdit son spectacle.
Des plaintes ont aussi été envoyées au ministère public.
Je connais pas ce Léo Lins, mais je vais pas tolérer qu’un idiot comme lui vienne dans ma ville.
Pas ici.
Si avant je dérangeais, c’était pas voulu. Maintenant, c’est voulu.
Léo Lins (sur scène)
Tabarnak…
Calme-toi!
Seigneur, y’avait pas un autre endroit pour enregistrer ce show?
Tabarnak…
Merci beaucoup, vraiment!
Pour vrai, merci à chacun de vous d’être là.
Y’a eu plus de 3000 personnes à cette captation.
Et j’vous apprécie pour de vrai, chaque personne venue voir le show, parce qu’en étant juste ici, vous êtes déjà à moitié « cancel ».
Pour vous donner une idée, juste pour faire la promo de l’enregistrement, j’ai publié une minute du spectacle…
Une seule minute.
J’ai reçu deux nouveaux procès.
Celui-là, c’est mon troisième spectacle spécial de stand-up.
Le premier, c’était Piadas Secretas, un peu plus soft.
Ensuite j’ai fait Bullying Art, qui est allé bien plus loin que ce que j’imaginais.
J’ai été interdit dans 29 villes.
Je suis encore en procès à cause de ce show-là.
J’ai reçu plein de motions de blâme, des menaces.
J’ai reçu des menaces de mort.
Un jour, j’me suis même fait agresser dans la rue.
Là, j’me suis dit : OK, c’est le temps d’arrêter ce show-là… et d’en commencer un plus trash.
…Celui que vous allez voir là.
Pour ceux qui ont vu Bullying Art, ce show-là aussi inclut mon fameux livre de l’humour noir.
Ce petit cahier, c’est là où j’écris mes blagues les plus hardcore.
Il va sortir un jour en librairie…
Enfin, j’aimerais bien, mais aucune maison d’édition n’en veut.
J’envoie le manuscrit, et elles répondent direct :
– Non. Non non non.
Ce livre-là, il s’est fait dire plus de « non » qu’un violeur.
…Et c’est ça le genre de public que j’aime.
Des complices.
Merci beaucoup.
J’vais me servir de vous au tribunal.
Et pour ceux qui disent : « Ah, ton humour est lourd, ton humour est acide… »
Honnêtement, moi j’pense que le genre d’humour que je fais, c’est le plus inclusif de tous.
Je fais des blagues sur tout le monde.
C’est pas ça l’inclusion, criss ?
J’ai même déjà engagé un interprète en langue des signes juste pour insulter des sourds-muets.
Fais pas semblant que t’as pas entendu, hein.
Ah ! Ah ! Ah !
Là tu comprends.
Tu comprends celle-là aussi ?
Aujourd’hui j’allais en ramener un (interprète)… pis j’me suis dit :
– Fuck les sourds, hein.
…C’est une blague, c’est une blague.
J’ai même appris quelques mots en langue des signes.
J’vais vous apprendre.
Tu sais comment un sourd-muet dit « Bonjour » ?
Et « Bonsoir » ?
Regarde… c’est la langue de Chewbacca, man.
J’aimerais bien parler cette langue-là, moi aussi.
Le gros défi pour écrire ce nouveau spectacle, c’est le manque de temps.
On court tous après le temps, tout le monde court.
L’autre jour, j’ai même vu un itinérant en train de courir.
Il est pressé d’aller où, lui ?
…À moins que sa boîte de carton se soit envolée.
« Ma maison, ma maison ! »
C’est rough de devoir déménager d’un coup sec.
Même pas eu le temps d’envelopper le journal avec du journal.
La dernière fois qu’on a vraiment eu du temps, c’est quand on était enfants.
Et même là, on faisait tout pour gagner encore plus de temps.
Les enfants, c’est paresseux en crisse, non ?
Moi, j’faisais un truc. J’suis sûr qu’y’en a ici qui vont se reconnaître.
Y’en a qui faisaient ça aussi, hein ?
Qui a déjà dormi avec son uniforme d’école pour gagner du temps le matin ?
Regardez-moi toute cette gang de paresseux qui m’écoutent.
Trois minutes de gagnées le matin.
La mère te dit : « Va t’habiller. »
– J’suis déjà prêt.
Moi, j’ai appris ce truc-là de mon grand-père.
J’vous jure : mon grand-père dort tous les jours en complet-cravate.
Il est mort, dans un cercueil.
Mais bon, s’il ressuscite, il est déjà prêt.
Avec mon dernier show, j’ai voyagé dans tous les États du Brésil, et maintenant je me sens prêt à écoeurer n’importe quelle région du pays.
Alors je vais nommer une région, et si y’a quelqu’un ici qui vient de là, qui a de la famille là-bas ou qui y a déjà vécu, levez la main.
C’est juste pour voir qui est dans la salle, inquiétez-vous pas, j’vais pas vous faire interagir live, je sais que ça fait souvent figer le monde.
Relaxez. Pas d’interaction.
On commence par la région Centre-Ouest.
Y’a du monde du Centre-Ouest ici ?
Ah ouais, par là, par là aussi. OK cool.
Centre-Ouest, c’est Goiás, Mato Grosso, Mato Grosso do Sul.
J’explique pour les retardés là-bas qui regardent genre « Hein, c’est quoi ça ? »
Y’en a un qui doit se demander : « S’il est au centre, pourquoi qu’ils appellent ça Ouest ? »
J’suis jaloux de gars comme lui, qui ont grandi, je sais pas, dans le fond du Mato Grosso, dans un coin ben rural.
Lui, c’est sûr qu’il a perdu sa virginité avant moi.
Probablement avec un cochon, mais il l’a perdue.
Parce que pour un gars de la campagne, perdre sa virginité, c’est facile.
Faut juste réussir à atteindre la croupe de la vache.
– « T’as tiré mon lait pendant des années… aujourd’hui, c’est mon tour. »
Pour une fille de la campagne aussi, c’est pas compliqué.
Faut juste courir moins vite que son oncle.
Ah, ceux qui ont pas applaudi… vous avez pensé à l’oncle, hein.
– Ah, mononcle Paul, le coquin…
– Il m’a donné ben des cadeaux, hein.
Bon, maintenant le Nord.
Juste là en haut? Ouais?
Tabarnak, vous avez de l’endurance.
Mon dernier show, j’ai choisi de le commencer dans l’Acre.
Je voulais lancer là-bas.
Ensuite j’ai été à Porto Velho, en Rondônia.
Là-bas, ils se vantent de trucs qui font aucun sens.
J’arrive à l’aéroport, y’a du monde pour m’accueillir :
– « Ah, t’es de Rio hein ? Mais ici, tu peux marcher tranquille, y’a pas de vols ici. »
Ben oui, y’a rien à voler non plus, calice.
Le voleur va dire : « Donne-moi ton… liane. »
Ils disaient : « Y’a pas de graffitis, mais y’a plein de peintures rupestres. »
C’est d’un autre siècle, cette place.
J’suis arrivé là habillé, ils pensaient que j’venais du futur.
J’ai pris une photo avec mon cell, ils ont pensé que j’étais un sorcier.
– « Il a volé mon âme, j’me vois dedans. »
Y’avait une pièce pour enfants avant mon spectacle, Les Trois Petits Cochons.
Les enfants comprenaient fuck all.
Ils étaient perdus.
J’en ai entendu un dire :
– « Papa, c’est quoi une maison en briques? »
Jamais vu ça.
Et son père non plus.
– « J’vais demander au chaman, fiston. »
Moi, j’suis encore plus impressionné que le cochon à qui j’ai perdu ma virginité parlait.
Parce qu’il était muet.
Allez, maintenant le Nord-Est.
Y’en a ici ?
À part les grandes villes comme Recife, Fortaleza, Maceió, y’a des petits villages tellement pauvres, man…
Une fois, j’suis allé faire un show dans un patelin. Juste pour vous dire, l’hôtel où j’étais, y’avait pas d’eau chaude dans la douche.
J’arrive à la réception, j’dis :
– « Salut, amigo. Comment on fait pour avoir de l’eau chaude dans la douche? »
Le gars répond :
– « Tu pisses dessus. »
Les enfants là-bas, y’en avait plus de vers intestinaux que de jouets.
Y’a des villes tellement pauvres que les enfants d’Afrique leur envoient de la bouffe.
J’ai vu une campagne en Somalie :
– « Help Sobral. »
Bon, je parle de l’Afrique… mais j’vous jure, mon rêve, c’est de faire un safari.
Ça doit être malade.
Imagine-toi : t’es dans la jungle africaine, puis t’entends le ventre d’un Africain qui gargouille de faim.
Ça doit être intense.
Le lion lui-même s’enfuit :
– « Ce gars-là va me manger. »
On a du monde du Nord-Est ici… mais dites-moi, qui ici a déjà voyagé dans le Nord-Est ?
Faites du bruit!
Ah ouais, beaucoup de monde.
Bon, j’vais raconter un truc avec lequel vous allez vous reconnaître.
La majorité des villes du Nord-Est sont vraiment loin.
Fait qu’on y va souvent en avion.
Et prendre l’avion pour le Nord-Est, c’est une expérience.
Y’a du monde… man, on dirait qu’ils sortent d’un manuel de géo des années 50.
J’me disais : « Ce gars-là, il sort d’un chapitre ‘brésilien primitif’? »
Le gars marche de côté.
Comme si la troisième dimension avait pas encore atteint son village, il vit en 2D.
Pour passer dans l’allée de l’avion, faut qu’il pivote son corps au complet.
– « Embarquement commencé! Go, Nelson! »
Criss, c’est un crabe, c’est quoi ça?
Les vêtements sont particuliers aussi.
Ils portent leur pantalon ben haut.
Pis on dirait que plus la ceinture monte, plus le cou rapetisse.
À la fin, la ceinture devient un collier.
Et dans l’avion, y’a toute une liste d’objets interdits à bord.
La plupart, vous les connaissez, mais y’en a des vraiment précis que personne remarque.
Une fois, j’regardais les pictogrammes…
Y’avait un interdit : les armes blanches.
Jusque-là, normal.
Mais là y’avait la photo… d’un nunchaku.
Qui utilise un nunchaku, criss?
Bruce Lee… pis une tortue ninja.
L’un est mort, l’autre est un dessin animé.
Si un de ces deux-là monte dans l’avion, le nunchaku sera pas ton problème principal.
Mais j’étais curieux, alors j’ai demandé à l’agente :
– « Pourquoi on peut pas entrer avec un nunchaku? »
Elle me dit :
– « Parce que si tu frappes quelqu’un avec ça, ça fait mal. »
Ah ouais? Pis un laptop, non?
Essaie de frapper une vieille avec un MacBook 15 pouces, tu vas voir.
Honnêtement, si un gars arrive à prendre le contrôle d’un avion tout seul avec un nunchaku, il mérite pas d’aller en prison — faut l’engager!
Ce gars-là est un génie.
Imagine la scène :
T’es dans un vol complet, 200 personnes.
Un gars se lève :
– « Que personne bouge! »
Trois personnes lui garochent leur laptop — il est mort.
Si c’est une tortue ninja, tu lances une paille.
– « Va-t’en, tortue! »
Cette blague est approuvée par le Projet Tamar.
Bon, ça, c’est plus évident : la région Sud. Faites du bruit!
Vous autres, vous avez une très bonne image ailleurs au Brésil.
Je suis sérieux, man!
Quand je demande dans d’autres États : « Y’a du monde du Sud ici? »
Le monde lève même pas le bras au complet, juste la main.
Comme s’ils voulaient pas déranger.
Les gens du Sud sont souvent plus réservés, calmes.
Le monde du Nord-Est, non.
Ils lèvent le bras, montent sur scène :
– « C’est moi, mon gars! »
Tu te retournes :
– « Criss, y’est sur le stage! »
Ils sont participatifs, chaleureux.
Mais le monde du Sud… c’est plus gêné.
Par contre, quand t’as déjà voyagé dans leurs villes, tu sais : c’est plus propre, plus organisé.
À Porto Alegre, j’ai vu un pigeon rentrer dans un McDo pour pas chier dans la rue.
– « J’vais pas salir les trottoirs, voyons donc. »
Les Curitibanos…
Un gars de Curitiba peut se faire kidnapper pendant un mois, puis partager le loyer avec son ravisseur.
– « J’ai été ici tout le mois… t’as droit à l’eau et aux biscuits. On split l’appart. »
J’ai vécu à Curitiba.
Le problème là-bas, comme dans plusieurs villes du Sud, c’est le froid.
Tellement froid que tu peux pas juste traîner dehors pour rien.
Le monde cherche toujours un endroit chauffé.
Y’a même une discothèque qui a pris feu… et les gens sont restés dedans.
C’est vrai.
– « Ça brûle, mais tu sais-tu le fret qu’y fait dehors? Ici, au moins, c’est cozy. »
Ceux qui ont applaudi… vous irez aussi dans un endroit ben chaud.
On arrive à la région Sud-Est.
Elle comprend trois États, plus l’Espírito Santo, qui sert… à rien.
Sérieux, l’Espírito Santo, c’est bon à rien.
Y’a quelqu’un ici de l’Espírito Santo ?
Même là-bas, y’en a pas. C’est d’la marde.
Pour qu’ils se sentent moins seuls, j’me rappelle avoir vu un article — véridique — qui disait :
« Aujourd’hui, l’Espírito Santo est au Brésil ce que Tokyo est au Japon. »
…Ben criss, tant mieux si une autre bombe leur tombe dessus, on s’en fout!
Minas est un État important pour ma carrière, j’vais jamais l’oublier.
Pourquoi?
C’est là que j’ai reçu mes premières menaces de mort.
Difficile à oublier.
C’était dans une ville appelée Conselheiro Lafaiete.
Et j’en suis fier, câline.
Je pense être le seul humoriste au Brésil qui, le soir de son show, à cause des menaces, a eu un détecteur de métal à l’entrée du théâtre.
Y’avait la police, le public passait au scan, fouille au corps.
Et grâce au détecteur, on a empêché l’entrée d’un canif…
…et de deux gars en fauteuil roulant.
Les deux étaient des gros fans, ils se sont pointés en se traînant.
On aurait dit des soldats rampants dans une tranchée.
Le monde les regardait arriver :
– « C’est quoi ça, y’a un paintball dans la salle? »
Je les ai laissés entrer. Le gars avec le nunchaku… ben, criss, qu’est-ce qu’il allait faire?
Mais tout ça, c’était à cause de blagues sur le maire et la mairie.
J’ai dû faire un rapport de police, ça a pris de l’ampleur.
Pis les gens me demandaient :
– « T’as eu peur, au moins? »
Peur, peur, non.
Parce que le problème avec Minas Gerais, c’est que leur accent est trop doux.
Tu peux pas avoir peur de quelqu’un qui parle comme un nounours.
Le gars m’a envoyé un message audio :
– « Si tu viens ici à Conselheiro… on va te… »
…J’ai même pas fini de l’écouter.
Il continue :
– « …j’vais te tirer une balle dans la face. »
…Pis me donner un pão de queijo en même temps?
Criss, j’vais pas avoir peur du p’tit cousin de Chico Bento.
L’intonation, ça change tout.
Pourquoi le français, c’est la langue de l’amour?
Parce que ça sonne doux.
– « Je ne sais pas parler, merci beaucoup. »
– Wow, c’est tellement beau…
Ce qu’elle a dit, en vrai?
– « Continue de m’énerver pis j’te coupe la graine pour la mettre dans la bouche de ton grand-père mort. »
…Mais c’est beau pareil.
Le l’allemand, non.
L’allemand, c’est intimidant.
À mon avis, c’est même pour ça que la guerre a commencé.
Ils voulaient peut-être juste prendre un café, mais ils se sont mal fait comprendre.
Genre ils ont appelé la Pologne :
– « Allons prendre un café, négocier les frontières. »
…mais en allemand, ça sonne :
– « Prends ton gun, ils vont nous tuer! »
T’écoutes un discours d’Hitler, tu comprends pas un mot.
Ce qu’il disait, c’était peut-être :
– « Si vous voulez de l’eau, c’est dehors. »
…mais t’as le goût de creuser un bunker.
Cette langue est si agressive qu’on dirait un sourd-muet qui fait une crise.
Et je le sens, ce passage-là, il va finir dans les nouvelles.
Je le vois venir.
Le contraire de l’allemand, pour moi, c’est l’espagnol.
Le son est tellement festif que tout devient drôle.
Exemple :
Quelqu’un dit :
– « Qu’est-ce qui s’est passé là-bas? »
– « Un viol. »
Lourde ambiance.
Mais si c’est :
– « Un ertuprito! »
Criss que c’est drôle.
– « Un ertuprito! J’peux participer? Juste la cabecita! »
Voyez? Vous riez déjà.
Vous êtes en train d’applaudir un viol, parce que c’est en espagnol.
Le son, ça change tout.
Pis pourquoi personne s’inquiétait de la Chine, jusqu’à temps qu’ils prennent le contrôle du monde?
Parce que le mandarin, ça sonne comme un couple amoureux qui parle avec une voix de bébé.
Le gars dit :
– « Je vais envahir ton pays et détruire ton économie. »
…pis toi t’entends :
– « Ping-ping chong-chong, nanananana! »
Et tu replies tes affaires.
Et là, on arrive à São Paulo.
Le problème avec São Paulo, c’est qu’il y a trop de monde, criss.
Du trafic à toute heure.
Trafic à minuit, trafic sur l’autoroute, trafic sur les trottoirs.
J’sais pas si Curitiba est rendu là, mais ici, tu marches sur le trottoir, y’a 18 personnes qui se tiennent la main.
T’es comme : « Tabarnak… c’est toute la famille à Flordelis qui est sortie faire une marche? »
Moi j’aimerais que, quand on me voit arriver, les gens changent de trottoir. Ça serait plus simple.
C’est pour ça que j’ai pas compris quand l’actrice Thaís Araújo — très bonne actrice, très belle, mariée avec Lázaro Ramos, autre excellent acteur…
(j’dis tout ça pour essayer d’atténuer la prochaine blague)
…elle a dit en public :
– « La couleur de peau de mon fils fait que les gens changent de trottoir. »
Moi j’me suis dit :
– « Mais c’est génial ça! Criss, c’est comme si c’était une ambulance humaine. »
Si je le croise dans la rue, je me glisse dans son sillage.
– Fiuuuu, j’passe tous les bouchons.
C’est un don, ça!
Elle devrait louer son fils.
Pendant la pandémie, pour disperser les foules à la plage :
– « Envoie le fils de Thaís Araújo. »
Il rentre dans l’eau… la mer s’ouvre, comme Moïse.
Et honnêtement, j’ai jamais traversé la rue à cause d’un noir.
…À moins qu’il ait un clipboard pour faire un sondage.
Là je me pousse.
Minas Gerais et São Paulo, c’est les deux États où j’ai le plus voyagé en show.
Vous autres aussi vous avez sûrement déjà fait ça :
prendre la voiture, faire 3-4-5 heures de route pour aller dans une autre ville.
Et après une heure, t’as besoin d’une pause, faut manger.
Et souvent, y’a rien d’autre que des petits restos de bord d’autoroute.
Des trous à rats, on dirait que la famille de Massacre à la scie mécanique habite là.
J’me suis dit : « Bon, faut bien que je m’arrête. »
Et là j’ai remarqué un truc :
ces endroits-là ont les plus gros insectes du monde.
Des mouches bodybuildées.
Tu vois leur trapèze se contracter quand elles atterrissent sur une bouchée.
Elles sont pas là pour manger — elles viennent faire des reps.
J’ai vu une mouche plonger dans une coxinha (croquette brésilienne), comme à la piscine.
Une fois, j’ai même vu un scorpion.
En regardant de plus près, le scorpion était tatoué sur le bras de la mouche.
J’vous jure, j’étais assis, j’attendais mon assiette…
et là, y’a un rat qui sort de la cuisine.
Un bon gros rat.
J’me suis dit : « Bah, j’vais pas faire de scène, j’vais juste me lever et partir. »
…Mais là, j’vois le rat prendre un balai pis se mettre à balayer.
Même lui était écoeuré :
– « J’vais pogner une maladie moi aussi ici. »
Ma recommandation? Évitez de manger là.
Parce que si vous mangez… vous allez devoir sprint vers la toilette.
Et tu peux pas y aller en cachette, parce que la toilette est toujours fermée à clé.
Faut demander la clé au proprio.
Et le porte-clés, c’est une bûche.
Vous avez déjà vu ça?
– « T’vas aux toilettes? Tiens, notre petit porte-clés. »
Une touche de chêne de 30 kilos.
Faut que tu sois deux pour la porter.
J’ai vu la mouche arriver :
– « Laisse, j’vais l’amener. »
Et tu penses : « Bon, avec autant de sécurité, au moins la toilette va être propre. »
Oublie ça.
Tu ouvres la porte… on dirait une zone sinistrée.
Y’a de la boue partout, c’est dégueu.
J’me suis dit : « Criss, suis-je à Brumadinho (ville frappée par un glissement de terrain)? »
Je le savais que vous alliez aimer celle-là.
– « Y’a eu des morts, mais ils vont rire. »
J’le savais.
Et en parlant de morts…
Il manque mon État : Rio de Janeiro.
Regarde…
Y’en a déjà en arrière, en train de s’installer pour vous attendre à la sortie.
Le problème à Rio, c’est la violence.
J’ai déjà vécu deux arrastões (vols de masse dans les rues).
Bon, j’suis arrivé à la fin… j’ai juste eu le temps de voler une montre.
Honnêtement, ça valait la peine. C’était pas cher.
Et pour ceux qui disent :
– « Ouais, mais Curitiba c’est dangereux… Colombo aussi… »
Sérieux, y’a aucun endroit au Brésil qui arrive à la cheville de Rio, niveau danger.
Pour vous donner une idée…
J’ai déjà vu un cadavre.
Dans la rue.
Un gars qui venait de se faire tirer.
Quelqu’un ici a déjà vu un cadavre?
Levez la main.
À Rio, j’ai posé cette question… y’avait une wave dans la salle.
J’vous jure.
Mais ici aussi, y’en a pas mal.
Toi là-bas, en deuxième rangée…
T’as une drôle de face.
Une barbe blanche toute croche.
T’as la face d’un nécrophile, mon gars.
C’est ta blonde à côté?
Ta femme? Non?
– Ah… elle est restée à la maison, bien tranquille, hein? Comme t’aimes ça.
J’me disais que c’était elle… mais non, tu l’as laissée couchée, bien raide.
Mais pour vrai :
T’as vraiment vu un cadavre ou tu fais juste participer?
Ah, au salon funéraire.
OK… ça compte pas tant.
Enterrer ta grand-mère sans cadavre, ça, c’est weird.
– « Mémé, couche-toi, là, t’es morte! »
– « Mais j’vais bien! »
– « Non non, t’es finie. »
Pour vous dire à quel point Rio est dangereux :
Quand on jouait à cache-cache…
Si au bout de 10 minutes t’avais pas trouvé ton chum,
on arrêtait de chercher.
Ta mère disait :
– « Hein, il est où Gabriel? »
– « Tu vas le voir demain dans les nouvelles. »
Journal : La police a retrouvé un corps d’enfant
– « Bravo, la police a gagné au cache-cache! »
Des fois, faut même rassembler les morceaux.
C’est un cache-cache avec un casse-tête, tabarnak.
– « On a trouvé Gabriel! Monte-le! »
– « Mets la tête avec les jambes… »
Et le petit Pedro?
– « Encore une balle dans le front. »
Sérieux, y’a déjà eu des balles perdues dans :
– Mon bloc
– Mon école
– Et même dans l’église de mon quartier.
Jésus se cachait derrière la croix.
– « Ostie, j’suis déjà crucifié! Laissez-moi respirer! »
Y’a eu tellement de balles…
Il avait plus de trous que Marielle (Franco).
– « Criss, ils vont le confondre avec les saints du mur. »
Y’a des affaires, à Rio, qui ont aucun sens dans ce contexte.
Exemple :
L’histoire de Blanche-Neige.
Sérieux, on se disait :
– « Attends là… une fille entre dans une maison et vit avec sept hommes? »
…Ça c’est un gang bang.
À Rio, on l’appelait : Blanche de Crisse.
Celle-là, elle est vulgaire, c’est pas mon style d’habitude…
…mais le nécrophile là-bas, il a adoré.
Je fais ce show pour vous autres.
Mais y’a du bon à Rio.
Les meilleures facultés de médecine du pays sont à Rio.
Pourquoi?
Parce que des cadavres, ça manque pas pour pratiquer.
Bon, en parlant de violence…
Parlons de terrorisme.
Est-ce que vous aimez le terrorisme?
Cri du public : wooouuhh!
…Quoi? Qui a applaudi là?
C’est quoi ça, mon gars?
Quand on parle d’attentat, y’a un événement qui a marqué toute une génération :
Les attentats du 11 septembre.
Tout le monde ici se souvient où il était ce jour-là.
Moi, j’étais chez nous, à Curitiba.
Je zappais à la télé, pis sur toutes les chaînes, c’était la même image :
Les tours en feu.
À un moment, j’me suis arrêté pour regarder.
J’me rappelle que j’étais tendu…
– « United States is under attack. »
Là j’change de poste… tombe sur un poste en espagnol.
Et tout d’un coup, c’est devenu drôle.
– « La artorita! La torre cayendo! »
– « 800 personas! Certón muertita! »
Pis là j’me mets à crier :
– « VAS-Y! TOMBE! TOMBE! TOMBE! »
Sérieux, aussi grave que ça soit, des fois tu peux pas ignorer le côté comique.
J’vous jure, checkez cette nouvelle-là sur la Syrie.
Le pays est encore en guerre contre l’État islamique.
Et j’ai lu :
– « Un nain combat actuellement les djihadistes en Syrie. »
Criss… Là le terrorisme est dans le trouble.
L’ennemi peut être caché n’importe où.
Le djihadiste met ses bottes…
Y’a un nain dans sa chaussure, avec une fourchette :
– « Ahhh, dans le talon! »
Sérieux, un nain?
C’est même pas une attaque physique, c’est une attaque morale.
Le gars a été exclu de l’État islamique, y’était frustré.
Il peut même pas être un homme-bombe.
Il va être quoi? Un homme pétard?
– PAP!
Il explose comme un petit feu de bengale.
Y’a un groupe qui va le prendre : le clown de la Saint-Jean.
S’il y a un nain ici ce soir, restez à la fin…
On vous fait exploser sur scène.
– PAP!
Bon, j’viens de me pogner un autre procès.
Mais au moins, ça sera aux petites créances.
Vous vous rappelez que l’État islamique a menacé le Brésil?
C’est arrivé!
L’an passé, ils ont publié une affiche de propagande :
une image de Neymar à genoux, en otage.
Et ce qui m’a frappé, c’est que quand ils menacent des vrais pays, comme les États-Unis ou l’Angleterre…
Ils visent les présidents, les rois, les reines.
Mais ici? Neymar.
Dans leur tête, c’est peut-être le seul Brésilien qu’on aime vraiment.
Parce que s’ils menaçaient un politicien…
On se rangerait du côté des terroristes!
Si la nouvelle sort :
– « L’État islamique va faire sauter le Congrès… »
Y’aurait un fan-club à l’aéroport!
Les djihadistes débarqueraient…
Pis y’a une foule, en délire, qui chante :
– « SOU, SOU TERRORISTA! CORTO CABEÇA! »
Les gars comprendraient rien.
– « C’est violent, ici… On s’en va. »
Et pourtant, l’État islamique continue de grossir.
Sérieux, faut admirer une entreprise qui grandit pendant une pandémie.
J’me suis demandé :
– Comment tu fais pour rentrer dans l’État islamique?
Y’a-tu un cours préparatoire?
– « Manque pas les cours… manque les élèves. »
Y’a-tu des profs qui chantent à la guitare pour t’apprendre?
– « Allons faire boom, baby… »
– « Boom pour Allah! »
À mon avis, faut être fort en techno pour être terroriste aujourd’hui.
Ces gars-là sont bons!
Prends Ben Laden.
Le gars était dans une caverne en Afghanistan, y’a 15-20 ans…
…et il postait des vidéos YouTube.
C’était un YouTuber!
Pis il a fait moins de dommages que Felipe Neto.
Y’était toujours en train de faire le buzz.
C’est eux qui ont inventé le défi TikTok :
– « Tik… Tok… Tik… Tok… »
Moi, ça m’impressionne.
T’sais, lui y’était dans une caverne…
pis il avait le Wi-Fi.
Moi, j’suis en ville, et mon signal Claro coupe en plein centre-ville.
Ils devraient vendre ça, sérieux.
Une compagnie télécom terroriste :
– « Plan djihadiste : 5G dans n’importe quel trou, et textos illimités vers les États-Unis. »
Criss que ça sonne bien, non?
Toute cette époque qu’on vit — pandémie, guerre, violence — m’a fait réfléchir à une affaire :
Tout dans la vie a une date de péremption.
Même nous, les humains.
Et ça, la nourriture nous l’a appris bien avant.
Un aliment en conserve?
– 5 à 6 ans.
Congelé?
– Quelques mois.
Une banane?
– Caliss, même pas le temps de la sortir du sac.
Tu l’achètes verte…
Elle commence à pourrir à la sortie de la caisse.
La preuve? On ne mange jamais une banane parce qu’on en a envie.
On la mange parce qu’elle est sur le bord de crever.
– « Mange la banane! »
– « J’ai pas faim. »
– « Mange-la pareil! »
– « Mais… j’veux pas. »
– « Mange, ou elle va pourrir. »
– « Ben donne-la à grand-maman, elle aussi est en train de pourrir. »
Chambre 72, mon nécrophile.
Si tu veux varier ton menu ce soir, j’te laisse grand-maman.
Y’a des choses qui durent encore moins longtemps qu’une banane.
Genre la carrière de Naldo.
(Vous pensez : « C’est qui, ça, Naldo? »)
Voilà.
T’as ta réponse.
Allez, on fait un jeu :
C’est quoi, selon vous, la durée de vie humaine sur Terre?
Laissez-vous aller, criez des chiffres.
– 5 ans!
– 80!
– 6?
…6? T’es-tu sérieux, toi?
On parle pas de la maison de la famille Nardone!
Bon, y’en a qui s’approchent.
Je vous aide :
C’est pas plus de 60 ans.
Pourquoi?
Parce que… Gretchen a plus de 60 ans.
Visualisez sa face :
Est-ce que c’est ça, le plan de Dieu?
Finir comme un babouin botoxé?
C’est pas juste elle.
Mon oncle aussi.
Il a genre 60 et quelques…
On lui a enlevé les deux reins, un bout d’intestin, la vessie…
Y’a pu rien.
Il est comme un sac de Ruffles : moitié vide.
Il peut marcher à Rio tranquille.
S’il se fait poignarder, y’a aucun organe à toucher.
C’est comme jouer à Opération, mais avec les trous déjà faits.
Faut juste trouver où le poignarder :
– « Ah, ça y’est! Touché au pancréas! »
L’âge limite, pour moi?
48-49 ans.
Après ça, ça commence :
– Mal au dos
– Nerf sciatique
– Poils dans les oreilles.
Sérieux, des poils qui sortent de l’oreille, c’est un message divin :
– « T’es pourri. »
Y’a des vieux avec un buisson qui sort du conduit auditif.
Tu leur parles au téléphone, les poils répondent à ta place.
Si ça m’arrive… j’me pends avec un poil.
Je préfère avoir le cancer que des poils dans les oreilles.
Comme ça, j’fais une chimio, pis ça tombe.
À l’école, on nous a tous appris le cycle de la vie :
L’être humain naît, grandit, et meurt.
Mais aujourd’hui, le médecin se prend pour Dieu, pis il vient scrapper le plan divin.
Ce qui se passe maintenant, c’est ça :
L’humain naît, grandit,
se courbe,
se tord,
se ratatine,
est sur le point de mourir…
…mais non : il passe sur la table d’opération et il revient.
Il est diabétique?
– Coupe un bras.
Il a fait un AVC?
– Opération. Il revient, tout croche.
Et un jour, à 90 ans, ce vieux-là se lève du lit, trébuche… et meurt.
Et on dit :
– « Il est mort d’un coup. »
Non non non non non.
Il est pas mort “d’un coup”, câlisse.
La mort l’appelle depuis 20 ans!
La faucheuse crie son nom :
– « MONSIEUR NELSON!!! »
(Pendant ce temps-là, Gretchen a tellement de chirurgies…
que la mort n’arrive même plus à la reconnaître.)
Elle rôde dans les rues :
– « Avez-vous vu cette personne? »
– « Non, mais y’a un babouin qui lui ressemble… »
Les médecins, ils bousillent tout, man.
Tu prends un gars…
48 ans.
Il a bossé toute sa vie, fumé comme une cheminée…
Il est censé mourir d’un emphysème.
Ben non.
Le docteur l’opère, enlève l’emphysème,
…et il ressort comment?
Avec une voix de robot.
– « Merci docteur! »
Criss, il est fourré.
Il peut même plus commander une pizza.
– « Je veux moitié mozzarella… »
– « Non monsieur, arrêtez vos canulars. »
Il peut plus chanter au karaoké.
Tout le monde le regarde et rit.
Il commence :
– « La semaine entière… »
Et là quelqu’un crie :
– « Ostie, ferme le Google Translate! »
Il a plus de carrière.
À part doubleur pour Stephen Hawking, j’vois pas.
Il va sortir avec qui?
Alexa?
Ils lui ont “sauvé” la vie, mais ruiné son existence.
Mon oncle, vous vous souvenez du sac de Ruffles?
Ben ils lui ont fait un trou dans le poumon pis installé un tube.
Ensuite, un autre trou ici, avec un petit sac.
Quand il boit, l’eau ressort dans le sac.
Un tube pour faire sortir l’eau.
Il est devenu un air climatisé portatif.
Moi j’peux plus le regarder sérieusement.
J’lui tire l’oreille pour ajuster la température.
– « Plus froid, mononcle. »
Les vieux, là, plus ils vieillissent, plus ils font une obsession de leur maladie.
Tu peux plus parler de rien d’autre avec eux.
C’est comme si le diagnostic devenait leur diplôme.
– « Moi j’ai un doctorat en embolie. »
Ils ont leurs p’tits carnets, les pilules, les ordonnances…
Pis ils t’en parlent comme si c’était des trophées.
– « J’prends 22 médicaments, 3 fois par jour. »
– « Ah ouin? Moi j’suis rendu à 31, pis j’ai le diabète de type X. »
– « Ça existe pas. »
– « J’ai inventé ça, câlisse! »
J’vous jure… les hôpitaux, c’est l’école des personnes âgées.
Ils y vont tous les jours, se reconnaissent entre eux, jasent.
Pis t’as le médecin qui est comme un prof.
– « Monsieur Nelson, vous avez de l’arthrite. »
Et là, le vieux sort de là, tout fier :
– « J’ai gradué! »
Pis ceux qui meurent?
Eux, ils ont juste redoublé trop d’années.
Et l’affaire, c’est que les vieux, aujourd’hui…
Ils se plaignent comme les jeunes militants sur Twitter.
– « Moi, j’ai une sciatique, donc j’peux pas aller travailler. »
– « Moi, j’ai un TDAH non-binaire à l’intérieur du coude, donc j’veux 14 jours de congé maladie. »
Dans les deux cas, y’en a un qui boite, pis un autre qui tweete.
C’est juste le ton qui change.
Les vieux se plaignent comme ça :
– « Argh… argh… mes reins! »
Les jeunes?
– « Ouin ouin, mes triggers! »
Aujourd’hui, y’a des groupes que tu peux pu toucher.
T’as pas le droit de faire de jokes sur eux.
Sinon?
Tu te fais annuler, canceller, blacklister…
Ces groupes-là, j’les appelle : les Avengers sociaux.
Des groupes avec des pouvoirs spéciaux.
Et plus t’as de combinaisons d’identités, plus t’as de pouvoirs.
Genre :
– Noir, trans, vegan, autiste, militant pour la Palestine.
Ce gars-là? Il peut canceller un humoriste d’un seul tweet.
Tu lui dis :
– « Salut. »
Il te répond :
– « C’est de l’appropriation culturelle. »
J’vous jure, un moment donné, on va avoir des guerres entre minorités.
– « Hé! Moi j’suis sourd et aveugle! »
– « Ouais mais moi j’suis daltonien, manchot, pis j’ai une intolérance au gluten. »
Pis l’autre :
– « Moi j’suis hétéro, blanc, catholique… »
– BANG! Il se fait tirer par l’ONU.
Aujourd’hui, on vit à une époque où tout le monde milite pour quelque chose.
Mais personne travaille.
Sérieux, t’as des jeunes sur TikTok qui sont militants…
– À 13 ans.
Pis tu demandes :
– « Tu milites pour quoi? »
– « Pour que mes parents arrêtent de me genrer. »
Toi, tu peux même pas t’essuyer comme du monde, mais t’as déjà une opinion sur le patriarcat?
Le pire, c’est qu’ils veulent imposer ça à tout le monde.
Genre :
– « Je m’appelle Luc, mais mes pronoms sont : “étoile / lune / infini”. »
Moi j’peux plus suivre.
Pis si tu te trompes de pronom?
– CANCELLED.
C’est comme une mine sociale.
Tu marches dans une phrase, pis BOUM!
– « Tu m’as appelé “elle”, au lieu de “ellul”! »
J’sais plus si j’parle à un humain ou un Pokémon chromatique.
– « Moi je suis Fluïde / Électrique / Spectre. »
Et les prénoms, maintenant?
Tout le monde veut que leur enfant ait un nom neutre, non-binaire.
Résultat?
Tu croises un bébé pis tu sais même plus si c’est un humain ou une app de livraison.
– « Voici notre enfant : Zip! »
– « Voici le petit : Nuubi. »
– « Et lui c’est : Trilo. »
Trilo?? C’est-tu un bébé ou une machine à café Nespresso?
T’as vu ces vidéos de petits enfants de 4-5 ans qui disent :
– « J’suis non-binaire, vegan, pis j’ai décidé que mon corps m’appartient. »
Wow… tu sais même pas comment fonctionne ton corps, petit.
Tu bois du jus et ça ressort par le nez.
Ton opinion sur le genre, on va la mettre dans le tiroir, à côté de ton dessin tout croche d’un chat.
Parce que ton chat… y’a 8 pattes.
Et tu peux plus rien dire, sinon :
– « C’est de la haine. »
– « C’est de la violence verbale. »
– « C’est de l’agression symbolique. »
Aujourd’hui, parler, c’est violent.
Mais crisser une brique dans une vitrine?
– « C’est une protestation légitime. »
Ces temps-ci, y’a de plus en plus de maladies rares.
À croire que le Brésil s’est abonné au canal Discovery.
– « Voici Joãozinho, l’enfant né avec 8 narines! »
Sérieux, y’a des maladies que j’savais même pas que ça existait.
L’autre jour, j’ai vu une émission avec un enfant qui avait une condition rare…
Tellement rare que le médecin a dû aller sur Google pour comprendre.
Y’avait un p’tit gars qui s’appelait Lucas, pis il avait…
une atrophie musculaire grave.
Moi j’regardais ça, pis j’me suis demandé :
– « Est-ce que c’est correct de rire? »
Pis la réponse… c’est toujours oui.
Parce que si on rit pas, on pleure.
Et ce que Lucas a besoin, c’est pas qu’on pleure sur lui.
Ce qu’il a besoin, c’est qu’on le traite comme n’importe qui.
Alors moi j’me suis dit :
– « J’vais rire. Pour lui. »
Et pour moi aussi, criss.
Vous avez déjà remarqué que dans les concours de chant, maintenant, chanter c’est secondaire?
Ce qui compte, c’est la tragédie.
Tu veux gagner? Faut une bonne histoire.
Genre :
– « Voici Marina. Elle va chanter pour son frère, mort d’un cancer des orteils. »
♫ Somewhere over the rainbow… ♫
Tout le monde : en larmes.
Pis t’as le gars qui chante comme un dieu, mais qui est normal :
– « Get out! Tu n’as pas d’émotion. »
Imagine Lucas, dans un concours de talents.
Le présentateur arrive :
– « Et maintenant… Lucas, 12 ans. Il souffre d’une condition rare. Il n’a pas de jambes, pas de bras, une seule oreille, et cligne avec les dents. »
Tout le monde en silence.
Et là il commence :
– « Bzzzz… bzzzz… »
C’est pas un chant… c’est une alarme de char.
Pis il gagne.
Pas pour la performance… mais pour l’histoire.
Et moi, j’suis pas contre Lucas, hein.
J’suis juste contre le fait de manipuler l’émotion du public.
Parce que si on commence à élire des gens parce qu’ils font pitié…
On va finir avec un président qui est un orteil en fauteuil roulant.
Y’en a qui disent que ce genre de blagues, c’est trop.
Que ça va trop loin.
Que ça blesse les gens.
Mais moi, j’vous dis :
Si l’humour peut blesser…
Il peut aussi guérir.
Quand tu vis des affaires lourdes dans ta vie…
Une perte, une maladie, une tragédie…
Tu fais quoi?
Tu pleures.
Tu cries.
Mais un moment donné, t’as besoin de souffler.
Pis là, quelqu’un dit une niaiserie.
Quelque chose d’inattendu.
Quelque chose de trash.
Et tu ris.
Et à ce moment-là…
Tu redeviens vivant.
Moi, j’ai grandi dans un quartier pauvre.
J’ai vu de la misère. J’ai vu des gens mourir.
Des enfants abandonnés, des gens mutilés, des familles ruinées.
Et on riait.
Pas parce que c’était drôle.
Mais parce que le silence, c’est pire.
Et maintenant, j’suis sur scène.
Pis y’a des gens qui veulent me faire taire.
Parce qu’ils pensent que l’humour, ça devrait être gentil.
– Que ça devrait toujours inclure.
– Que ça devrait toujours rassurer.
Mais moi, j’suis pas un thérapeute.
J’suis pas un éducateur.
J’suis un humoriste.
Et l’humour, parfois, ça choque.
Ça secoue.
Ça va dans les coins sombres.
Parce que c’est là que vivent les vraies affaires.
L’humour, c’est pas juste des p’tits sketchs pour faire passer la pilule.
C’est aussi un miroir.
Et ce miroir, parfois, il reflète ce qu’on veut pas voir.
À ceux qui m’écrivent pour dire :
– « T’as pas le droit de parler de ça. »
– « T’as pas vécu ça. »
– « Tu comprends pas la douleur. »
Je vous dis :
Vous avez raison.
J’ai pas vécu tout ça.
Mais j’ai le droit d’en parler.
Parce que si on commence à dire que seuls ceux qui souffrent peuvent parler…
Alors on condamne tout le monde au silence.
Et moi, je suis pas né pour me taire.
Je suis né pour faire rire.
Et parfois, pour déranger.
Merci à tous.
Vous avez été un public formidable.
On se revoit… ou pas.
Si je suis pas en prison.
[Fin du spectacle – PERTURBADOR]