Des militants agitent le drapeau québécois lors d’un rassemblement pour le « Oui » en 1995. Trente ans plus tard, le projet souverainiste fait son retour sur le devant de la scène, mais sous quelle forme?
Les marchés ont la chienne (et on les comprend)
Le Parti Québécois renait de ses cendres électorales : après son pire score historique en 2022 (seulement 15 % des voix et 3 sièges), le voilà de nouveau en tête des sondages autour de 35 % d’appuis, neuf points devant les libéraux. Et qui dit PQ en forme dit inévitablement retour du rêve référendaire. Trente ans après le dernier référendum, l’idée d’un pays du Québec refait surface, portée par un jeune leader — Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) qui promet un vote sur l’indépendance dès un premier mandat. Résultat : l’enthousiasme revient chez les souverainistes… mais la fébrilité gagne aussi les marchés financiers. Les investisseurs, eux, commencent à avoir la frousse. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Bloomberg dans un récent article sur les obligations du Québec, affirmant qu’avec la montée des indépendantistes, certains préfèrent bouder les obligations de la province. Autrement dit, le Québec doit déjà payer un petit « surprime d’intérêt » à cause du risque politique souverainiste ; un avant-goût de ce qui nous attend si on s’y prend mal.
Faut-il s’en étonner? L’histoire se répète. En 1995, à l’approche du référendum, les marchés avaient déjà envoyé un message clair : dans les semaines précédant le vote, les rendements des obligations québécoises s’étaient envolés, signe d’une nervosité accrue — avant de retomber dès le référendum perdu. Le simple spectre du Oui faisait monter les taux d’intérêt sur nos emprunts. Aujourd’hui, le même scénario semble poindre : la perspective d’un Québec souverain (version 2025) inquiète assez pour faire grimacer les créanciers. Et sincèrement, on ne peut pas complètement leur donner tort. Pourquoi prêteraient-ils à taux doux à un Québec qui flirte avec l’aventure indépendantiste, alors que nos tribuns souverainistes donnent l’impression d’avoir séché leurs cours d’économie?
Souverainistes de gauche, de droite : une cacophonie inquiétante
Le camp du Oui version 2025, c’est un sacré number. On y trouve pêle-mêle la gauche woke indépendantiste, la droite identitaire, et les sociaux-démocrates d’entrée de gamme. Autrement dit : Québec solidaire (QS) d’un côté, Mathieu Bock-Côté alias l’Architecte (ou MBC) et compagnie de l’autre, et quelque part au milieu un Parti Québécois new-look qui tente de rallier tout ce beau monde. Bonjour la cohérence…
Ainsi, entre QS l’utopiste coûteux, MBC le prêcheur réactionnaire, et le PQ le cul entre deux chaises, le camp souverainiste offre un spectacle désolant d’incohérence. Leur seul point commun, c’est de croire que l’indépendance est une fin magique en soi : une fois le pays proclamé, tout ira mieux. Spoiler : non. Sans plan sérieux, une déclaration d’indépendance sans lendemains qui chantent mènerait surtout à l’appauvrissement et au chaos. Les investisseurs le sentent : pour l’instant, Québec Indépendant rime dans leur tête avec instabilité économique. Et franchement, vu le discours ambiant, qui peut les blâmer?
Choisir l’Irlande de l’Ouest, pas le Cuba du Nord
Faut-il pour autant enterrer à jamais le projet d’un Québec souverain prospère? Bien sûr que non. Mais pour le ressusciter dans l’esprit de la majorité des Québécois — et ne pas faire fuir tout le capital dès le lendemain du Oui — il faut opérer une révolution copernicienne dans la pensée souverainiste. Le Québec indépendant dont je rêve n’est pas celui des illusions marxistes de QS, ni celui des péquistes semi-wokes qui recyclent un modèle étatique en bout de course. Mon Québec libre à moi, c’est un Québec de centre-droit économique, entrepreneur et confiant, qui saurait marier fierté nationale et prospérité. Bref, je veux qu’on bâtisse l’Irlande de l’Ouest, pas le Cuba du Nord. Ce n’est pas qu’une formule : regardez les chiffres. L’Irlande, petit pays jadis pauvre et dominé, a pris son destin en main et misé sur une économie ouverte et dynamique : aujourd’hui son PIB par habitant dépasse 100 000 $, presque dix fois celui de Cuba. Elle attire les investissements du monde entier, ses citoyens innovent, travaillent et s’enrichissent — là où Cuba croupit dans la pénurie sous le joug d’un État tout-puissant. Le choix est clair : voulons-nous d’un Québec libre prospère comme l’Irlande, ou d’une république bananière à la cubaine?
Il est grand temps que le camp souverainiste sorte de ses ornières idéologiques et offre une vision rassurante, modernisée, de l’indépendance. Quelques pistes concrètes pour y arriver :
Assainir nos finances publiques avant le Grand Saut. Un Québec qui aspire à la souveraineté doit prouver sa capacité à vivre selon ses moyens. Ça signifie contrôler la dépense, éliminer les déficits chroniques, et réduire le fardeau de la dette. Un État déjà en faillite au moment de divorcer d’Ottawa, c’est la recette garantie d’une crise. Au contraire, si nos livres sont en ordre, on pourra négocier la partition sans effrayer tout le monde.
Alléger le modèle québécois, libérer l’économie. L’indépendance ne vaut le coup que si c’est pour faire mieux que le statu quo canadien, pas pour copier nos propres travers en pire. Inspirons-nous des petits pays performants : simplifions le système fiscal, baissons les impôts sur le travail et le capital pour retenir nos talents et en attirer de nouveaux. Par exemple, une flat tax raisonnable pourrait remplacer nos impôts progressifs étouffants — l’IEDM révélait récemment que 46 % des Québécois sont déjà ouverts à un impôt unique. Preuve que la population n’est pas si hostile à des idées audacieuses si on les explique bien. En réduisant la paperasse et les charges, on redonnera de l’oxygène à nos entrepreneurs. Bref, plutôt que de promettre un État providence XXL façon QS, promettons un État efficace et partenaire du secteur privé, comme l’ont fait les Irlandais et tant d’autres.
Refonder le contrat social sur la responsabilité. Cela peut sembler conceptuel, mais c’est crucial. Être indépendant, ça signifie être responsable de son succès comme de ses échecs. Il faudra insuffler dans la population l’idée que la liberté vient avec un devoir de réussite. Finies les excuses éternelles sur Ottawa ou l’« argent du fédéral » : un Québec souverain de droite devrait promettre ni assistanat perpétuel ni nivellement par le bas, mais l’égalité des chances dans une société libre. Cela implique de revoir certaines dépenses de façon lucide (ex : cesser de subventionner des éléphants blancs, prioriser les missions régaliennes comme la sécurité, la justice, les infrastructures essentielles). Un peuple confiant et adulte, pas un peuple infantilisé par les chèques et programmes sans fin.
En somme, il faut avoir le courage de déplaire aux extrêmes pour rallier la majorité pragmatique. La montée actuelle du PQ prouve qu’il y a un appétit renouvelé pour la cause du pays. Mais attention : si ce renouveau n’accouche que d’une répétition du passé (un référendum brouillon, un modèle étatiste intouché et des incantations creuses), ce sera un pétard mouillé — pire, un aller simple vers la débâcle économique en cas de Oui. À l’inverse, en présentant un projet d’indépendance sérieux, responsable, axé sur la prospérité partagée et la liberté plutôt que la dépendance à un grand État, on peut non seulement rassurer les investisseurs, mais aussi regagner le cœur de cette population « ambivalente » qui oscille entre fédéralisme et souveraineté.
Notre destin est entre nos mains : continuera-t-on à perpétuer un modèle sclérosé façon « Cuba du Nord » ou osera-t-on l’ambition d’un Québec flamboyant, l’Irlande de l’Ouest de l’Amérique? La réponse dépend de notre capacité à changer de logiciel. Chers amis souverainistes de tous bords, il est temps de sortir de vos bulles idéologiques : la nation québécoise mérite mieux que vos chicanes de chapelle et vos plans dignes du Manifeste du FLQ ou du Club des Jacobins. On veut un pays, oui : mais un pays pour s’épanouir, pas pour se pâmer dans la médiocrité. Et ça, messieurs-dames, ça exige de la vision, du courage et un bon coup de balai dans nos vieilles habitudes. En clair, redevenons sérieux. Sans quoi, aussi souverainistes de cœur soit-on, on continuera de regarder nos obligations se faire brader sur les marchés et nos vétérans indépendantistes voter pour le Canada de dépit. Avons-nous le courage de faire mentir ce sombre scénario? Je le crois. À condition de choisir enfin la voie de la raison — celle d’une liberté responsable et prospère. Car au bout du chemin, c’est cela ou rien : l’Irlande de l’Ouest, ou le Cuba du Nord.
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Samuel Rasmussen, alias Le Blond Modéré, est membre des Trois Afueras et collaborateur du podcast Ian & Frank. Titulaire d'une formation en relations internationales à l'Université de Sherbrooke, il s'intéresse particulièrement à la géopolitique, aux zones d'influence et aux différentes formes de pouvoir.