Le nouveau rapport de la Vérificatrice générale sur l’hébergement des militaires canadiens devrait être un électrochoc pour Ottawa. Ce document raconte, chiffres à l’appui, une histoire troublante : l’institution qui demande à ses membres d’être mobiles, disponibles et prêts au sacrifice n’est même pas en mesure de leur offrir un toit digne de ce nom.
Dans un pays qui consacre plus de 30 milliards de dollars par année à la Défense nationale, il est inacceptable que nous n’arrivions même pas à loger correctement nos militaires
Un État qui veut tout faire… et qui ne fait pas l’essentiel
Le constat est brutal. La Défense nationale ne sait même pas précisément combien de lits et d’unités elle possède. Sur les bases visitées, les systèmes de gestion allaient de logiciels improvisés à de simples feuilles Excel. Cette absence de données centralisées empêche tout pilotage sérieux.
On trouve également des bâtiments où l’eau n’est pas potable, où les systèmes sanitaires sont défectueux, où les installations sont dépassées et où des militaires en séjour prolongé doivent vivre dans des quartiers destinés à l’entraînement, sans salle de bain ni cuisine privée.
Ces situations ne relèvent pas de l’opinion. Elles ont été observées directement.
Pendant ce temps, l’État préfère multiplier les programmes et les visions stratégiques. Mais il échoue à accomplir un mandat fondamental : offrir à ses militaires un logement sûr, décent et fonctionnel.
Une crise prévisible et non gérée
La pénurie structurelle de logements militaires est connue depuis des années. Elle oscille entre 5 200 et 7 200 unités. Malgré les plans actuels, même financés, le déficit resterait de plusieurs milliers d’unités.
Aujourd’hui, un parc d’environ 11 700 maisons militaires n’offre qu’un peu plus de 200 unités réellement disponibles. Pendant ce temps, plus de 3 700 membres des Forces armées canadiennes sont sur une liste d’attente.
Les célibataires constituent la grande majorité des demandeurs, mais seulement une petite fraction du parc est adaptée à leurs besoins. Le modèle de logement militaire correspond à une autre époque et n’a pas été modernisé.
Quand l’État s’improvise gestionnaire immobilier… et échoue
La faible exécution de maintenance est un autre révélateur. Sur un échantillon de 40 réparations prioritaires, seulement 5 % avaient été effectuées. Près d’un cinquième des bâtiments n’avaient pas d’inspection à jour.
Dans le secteur privé, un gestionnaire qui laisse la majorité des réparations urgentes en attente ou qui ne sait même pas combien d’unités il administre serait remplacé immédiatement.
Un système opaque qui traite mal ceux qui servent le pays
Le rapport relève également des erreurs administratives dans la priorisation des demandes : mauvaises dates de mutation, mauvaise taille de ménage, mauvaise attribution de priorité. Cela signifie que des militaires peuvent recevoir le mauvais logement ou être pénalisés sans raison.
Pire encore, la réforme de 2024 accorde la priorité aux premières années de service. Cela place de nombreux militaires d’expérience au bas de la liste. Cette logique administrative risque d’affecter directement la rétention et la stabilité des carrières.
Est-il normal qu’un membre comptant 10 ou 15 ans de service soit moins prioritaire qu’un nouvel arrivant? Aucun gestionnaire sérieux n’accepterait une telle politique.
Voici ce qu’un gouvernement responsable avec une approche pragmatique, responsable et moderne proposerait
Un gouvernement qui prend à cœur les responsabilités essentielles de l’État agirait rapidement :
1. Recentrer l’État sur ses missions fondamentales
Avant de multiplier les programmes périphériques, l’État doit garantir que les besoins essentiels liés à la Défense nationale sont pleinement financés et correctement gérés.
2. Moderniser entièrement la gestion immobilière du Ministère de la Défense nationale
Base de données unique. Inspection réelle tous les trois ans. Tableaux de bord publics. Zéro tolérance pour les réparations critiques en retard.
3. Accélérer les partenariats public-privé et les solutions flexibles
Réservation de logements locatifs, baux massifs, constructions en partenariat, conversion d’unités existantes. Ces solutions coûtent moins cher et répondent plus rapidement aux besoins que la construction 100 % publique.
4. Clarifier la responsabilité et l’imputabilité
Lorsque plusieurs entités administrent un même dossier, personne n’est responsable. Il faut une gouvernance unique, claire et imputable.
5. Ajuster l’offre aux besoins réels des militaires
Les Forces armées canadiennes comptent aujourd’hui un grand nombre de membres célibataires et en mobilité constante. L’offre doit refléter cette réalité, et non celle d’une société d’il y a cinquante ans.
Servir le pays ne devrait jamais signifier vivre dans des conditions indignes
Les Canadiens demandent beaucoup à leurs Forces armées. Mobilité, discipline, sacrifices, éloignement familial. En retour, l’État ne leur doit pas le luxe, mais il leur doit le respect. Ce respect commence par un logement adéquat.
Ce rapport démontre que l’État a failli à cette obligation essentielle. Il appartient désormais au gouvernement de faire ce que tout gestionnaire responsable ferait : établir des priorités claires, se concentrer sur l’essentiel et respecter ses engagements envers ceux qui servent.
Un pays qui n’est pas capable de loger correctement ses militaires n’est pas un pays qui prend sa défense nationale au sérieux.

