La CAQ est en chute libre dans les sondages. Selon Jean-François Caron, ce sont une multitude de promesses brisées qui peut expliquer le déclin des troupes de François Legault. Ce dernier estime que Mario Dumont est le seul qui pourrait sauver la CAQ de la mort politique.
Jean-François Caron est politologue et observateur de la scène politique québécoise.
Entretien
Simon Leduc : Le gouvernement Legault est en chute libre dans les sondages. Selon QC125, en ce moment, la CAQ ne ferait élire aucun député. Êtes-vous surpris de la rapide descente aux enfers du régime Legault.
Jean-François Caron : « Il ne faut pas oublier qu’en 2022, les Québécois ont donné à François Legault un gouvernement fortement majoritaire à cause de sa gestion de la pandémie de la COVID-19. Une majorité de Québécois pense que sa conduite de la crise sanitaire a permis de sauver des centaines de milliers de vies. Mais, lors du deuxième mandat, la lune de miel entre François Legault et les Québécois a été brève.
Le premier ministre a promis beaucoup de choses aux Québécois, mais il n’a pas livré la marchandise. Tout d’abord, il s’était engagé à faire construire un troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis. Sa base électorale était dans la grande région de Québec et elle a voté massivement pour la CAQ en 2022 à cause de cette promesse. Or, le gouvernement Legault a décidé de ne pas réaliser le troisième lien. Il a peut-être cédé aux pressions de la gauche montréalaise qui s’opposait farouchement à ce projet routier. En conséquence, les gens de Québec ont été trahis par François Legault et ont tourné le dos à la CAQ. Alors, sa chute vertigineuse a débuté à Québec.
D’autre part, avant de prendre le pouvoir, le premier ministre a écrit un livre, le projet St-Laurent, où il expliquait que le Québec devait exploiter ses ressources naturelles afin de s’enrichir et devenir une province prospère. En 2018, c’était un des chevaux de bataille de la CAQ. Quand elle est arrivée au pouvoir, elle a fait le contraire. Encore une fois, il a reculé face aux doléances des progressistes écologistes.
Également, les troupes caquistes avaient promis au peuple québécois un gouvernement responsable sur le plan budgétaire et une baisse substantielle de la bureaucratie. Or, l’administration Legault est la plus dépensière de l’histoire moderne du Québec. La province croule sous les déficits et la dette du Québec hausse d’années en années. Sous la gouverne du régime Legault, la grosse machine bureaucratique a continué de croître. Le premier ministre avait promis un régime minceur. Cependant, il y a eu une augmentation du nombre de fonctionnaires durant les deux mandats caquistes.
Subséquemment, l’équipe de François Legault voulait moderniser notre système de santé et le rendre plus efficace. Ce fut un autre échec pour elle, car les Québécois n’ont pas eu droit à un système efficient et compétent. Les attentes aux urgences continuent de hausser et beaucoup de Québécois n’ont toujours pas accès à un médecin de famille.
Dans ce contexte, c’est tout à fait normal que les électeurs québécois soient insatisfaits et qu’ils désirent mettre ce gouvernement à la porte. Le chef de la CAQ a perdu toute crédibilité et sa formation politique en paie le prix actuellement. François Legault a clairement menti à la population et elle veut le sanctionner lors du prochain scrutin. Alors, la chute drastique du régime Legault ne me surprend pas du tout. Il est le seul à blâmer pour cette débâcle. »
Est-ce qu’un leader politique pourrait sauver la CAQ du naufrage électoral en 2026?
Jean-François Caron : « Lors de son premier mandat, François Legault était un gros atout pour la CAQ. Mais, depuis 2022, le premier ministre est un énorme boulot pour son parti. La CAQ s’en va directement vers une mort politique rapide. Dans ce contexte, je ne comprends pas pourquoi que les députés caquistes n’ont pas exigé le départ de leur chef. Ils s’en vont directement à l’abattoir avec lui.
Il faut savoir que la fenêtre d’opportunité pour le remplacer est en train de se refermer. Si la CAQ veut changer de leader, elle doit le faire rapidement afin de déclencher une course à la chefferie et ainsi choisir un successeur à François Legault. Cette course doit durer suffisamment longtemps pour que le parti puisse reprendre le momentum et s’accaparer l’espace public. Ensuite, il faut permettre au nouveau chef de recruter de nouveaux candidats et ainsi présenter aux Québécois une nouvelle équipe. C’était exactement la stratégie du PLC avec Mark Carney et ce fut un grand succès. La CAQ va probablement tenter de faire la même chose. Est-ce que cela fonctionnera? Seul le temps nous le dira.
Actuellement, François Legault s’accroche désespérément à son poste. La tendance est structurelle et la CAQ n’a aucune chance de la renverser. Alors, elle a besoin d’un nouveau leader afin de sauver les meubles. Le prochain chef de la CAQ ne peut pas provenir de la députation actuelle. Par exemple, si Geneviève Guilbeault devient première ministre, les électeurs vont la rejeter, car elle a été une figure importante de l’ancien régime. Le parti au pouvoir aurait besoin d’un leader provenant de l’extérieur.
Le prochain chef de la CAQ devra être très apprécié des médias de masse. Au Québec, ce sont eux qui font et défont les gouvernements.
L’exemple parfait de ce phénomène est Mark Carney. Dans son cas, ce fut une construction médiatique. Les médias traditionnels ont présenté le chef libéral comme un leader compétent qui avait un bon CV. Ils ont martelé que Mark Carney était la seule alternative face à Donald Trump et ils ont diabolisé Pierre Poilievre. Auparavant, personne ne connaissait le nouveau premier ministre. Ce fut une création artificielle des médias et ils ont surfé sur la vague Trump. Les journalistes ont réussi à faire oublier aux Canadiens le bilan catastrophique du régime Trudeau et ils ont accordé un quatrième mandat aux libéraux.
À mes yeux, Mario Dumont est le seul leader qui peut relancer la CAQ. Les mainstreams médias aiment beaucoup l’ancien chef de la l’ADQ, car ce dernier fait partie de la gang. C’est une des vedettes de Quebecor. Les Jacques et Louise de ce monde adorent le discours de Mario Dumont à TVA. Ce n’est pas du tout le même personnage à l’époque de l’ADQ où il proposait des réformes majeures. Le Mario Dumont d’aujourd’hui a un discours qui plaît aux électeurs NPC. S’il devient premier ministre, la CAQ aura une chance de rebondir. Malheureusement, Mario Dumont ne veut par revenir en politique active, car il apprécie son travail à Quebecor.
Pour conclure, c’est la seule personne qui a une notoriété médiatique et publique assez solide pour sauver le navire caquiste du naufrage. M. Dumont pourrait faire un Mark Carney de lui-même. Mais, la CAQ risque de disparaître en 2026, car son sauveur ne sera pas au rendez-vous. En conséquence, l’avenir de cette formation est sombre. »