La Coalition avenir Québec (CAQ) vient de perdre une neuvième députée depuis les élections de 2022. Mardi soir, le premier ministre François Legault a annoncé l’exclusion d’Isabelle Poulet de son caucus, alors que cette dernière tentait déjà de se trouver une nouvelle famille politique. Une sortie ratée qui illustre l’ampleur de la crise qui secoue le gouvernement Legault.
La journée du 4 novembre aurait pu être celle de la démission d’Isabelle Poulet. Elle avait convoqué les médias pour « une déclaration concernant son avenir politique ». Mais à la dernière minute, la députée s’est rétractée et a annulé son point de presse. Une rencontre d’urgence avec François Legault en après-midi n’aura rien changé : à 19h, le premier ministre annonçait son exclusion du caucus.
Ce qui a précipité la chute de Poulet? Le chef libéral Pablo Rodriguez a vendu la mèche en matinée. Selon lui, la députée caquiste avait approché le Parti libéral du Québec « à plus d’une reprise » dès la fin août, manifestant son intérêt à « joindre les rangs du Parti libéral du Québec ». Rodriguez a toutefois décliné l’offre, précisant que le PLQ avait « d’autres plans pour le comté de Laporte ». Autrement dit : merci, mais non merci.
Un exploit électoral gâché
L’ironie de la situation n’échappera à personne. En 2022, Isabelle Poulet avait réussi l’exploit de faire basculer Laporte, un château fort libéral depuis 1981, avec 30,8 % des voix contre 28,8 % pour son adversaire libéral Mathieu Gratton. Elle avait arraché ce comté aux libéraux pour la CAQ. Trois ans plus tard, elle tentait de retourner chez ceux qu’elle avait battus.
La loi 2, la goutte de trop
Pour François Legault, la ligne rouge était franchie. « On ne peut pas être député d’un parti, tout en s’en magasinant un autre. C’est une grave erreur », a-t-il tranché dans sa déclaration. Le message était clair : pas question de laisser une élue caquiste faire du lèche-vitrine politique pendant que le caucus tente de tenir le coup.
Mais pourquoi Poulet cherchait-elle une sortie? La controversée loi 2 sur la rémunération des médecins a été le détonateur. « C’est la goutte qui a fait déborder le verre d’eau », a confié une source à La Presse canadienne. Cette loi spéciale, adoptée sous bâillon, provoque depuis des semaines la colère des médecins et complique sérieusement la vie des députés dans leurs circonscriptions.
Il y avait toutefois « plusieurs semaines déjà qu’Isabelle Poulet faisait connaître son mécontentement », selon le Journal de Québec. Son malaise ne datait pas d’hier. Et dès la fin août, elle avait commencé à sonder le terrain ailleurs.
Le syndrome Carmant
Poulet n’est pas la première victime de la loi 2. Une semaine plus tôt, le ministre Lionel Carmant avait claqué la porte du gouvernement et quitté le caucus pour exactement la même raison. Sa fille médecin avait publié une lettre ouverte dans Le Devoir dénonçant la réforme, plaçant Carmant dans une position intenable.
Mardi matin, avant l’exclusion de Poulet, les signes de nervosité étaient palpables chez les élus caquistes. La députée d’Abitibi-Ouest, Suzanne Blais, reconnaissait qu’il y avait « de l’amélioration à faire » sur le projet de loi. Le député de Vanier-Les Rivières, Mario Asselin, admettait que la loi 2 n’était « pas simple » à expliquer à ses commettants. Le député de Beauce-Nord, Luc Provençal, questionné sur une possible démission, répondait : « Je ne suis pas rendu là encore. » Pas encore.
Une neuvième défection
Avec l’exclusion d’Isabelle Poulet, ce sont maintenant neuf députés qui ont quitté ou ont été exclus du caucus caquiste depuis les élections de 2022 : Joëlle Boutin, Pierre Fitzgibbon, Youri Chassin, Éric Lefebvre, Pierre Dufour, Maïté Blanchette Vézina, Andrée Laforest, Lionel Carmant et maintenant Isabelle Poulet.
Un gouvernement au fond du baril
Les chiffres expliquent l’ampleur de la débâcle. Un sondage Léger de septembre montre 70 % d’insatisfaction à l’égard du gouvernement Legault, un sommet depuis son arrivée au pouvoir en 2018. Dans les intentions de vote, la CAQ croupit à 16 %, loin derrière le Parti québécois (38 %) et le Parti libéral (27 %).
Un sondage Pallas Data d’octobre place même la formation caquiste à 13 %, en lutte serrée avec le Parti conservateur pour la troisième place. Un autre sondage Léger d’octobre montre la CAQ à 16 %, talonnée par le PCQ à 15 %. Les projections de Qc125 évoquées par plusieurs médias suggèrent que le parti pourrait se retrouver sans aucun député si des élections avaient lieu aujourd’hui.
« Chaque mois, la CAQ continue de descendre », souligne le sondeur Jean-Marc Léger. « Cette descente aux enfers est inéluctable. » Malgré les manœuvres du premier ministre, une certitude ressort : « les gens veulent se débarrasser du gouvernement de la CAQ ».
Isabelle Poulet siégera désormais comme députée indépendante, rejoignant Lionel Carmant sur les banquettes de l’exil. Dans les corridors de l’Assemblée nationale, la question n’est plus de savoir qui partira le prochain, mais plutôt combien de temps il reste avant que d’autres députés caquistes décident eux aussi de magasiner leur avenir ailleurs. À 16 % dans les sondages et neuf défections en trois ans, la CAQ de François Legault ressemble de plus en plus à un navire qui prend l’eau.

