Vous avez sûrement entendu parler des écoles à 1003 $ du pied carré? On parle de plus du double de la construction d’une école privée. J’aimerais vous dire que c’est surprenant, mais c’est faux, c’est très prévisible. Si ce n’est déjà fait, je vous recommande l’article du journal Le Devoir sur le sujet. On y apprend plusieurs éléments intéressants.
Pour commencer, on y apprend que la lourdeur bureaucratique explique à elle seule une différence de coût majeur. Un exemple? Tout projet d’infrastructures publiques de plus de 50 M$ sont sujets à une surveillance de la Société Québécoise des Infrastructures (SQI) et bien sûr, hors de question que le gouvernement prenne cette charge dans ses comptes courants, il va l’appliquer à l’enveloppe globale du projet. Un bel exemple de comptabilité créative… Une manœuvre que Mark Carney résumerait par la simple phrase « Je sais compter ».
Un autre exemple justifiant le coût élevé est le devis qui est très strict. Si le gouvernement procède à un appel d’offres public pour la conception d’une école de 5000 pieds carrés, il n’y a aucune latitude sur cette demande. La conception doit être d’exactement 5000 pieds carrés, et ce, malgré le fait qu’une conception de 5123 pieds carrés serait moins chère parce qu’elle permet une conception plus simple.
Le statu quo n’est pas acceptable, vous en conviendrez, mais quels sont les changements à adopter?
#LesBellesPromesses
Les solutions proposées par la plupart des politiciens reviennent toujours un peu au même à chaque épisode de dépassement de coûts d’un projet public.
Tout d’abord, il y a la recherche de la tête de Turc au sein du gouvernement. Autrement dit, qui sera le coupable désigné vers qui les attaques des oppositions seront dirigées? Celui-ci cherchera par la suite un bouc émissaire pour se décharger de toute responsabilité (Ah cette fameuse déresponsabilisation institutionnalisée).
Il y aura ensuite la fameuse promesse faite mille fois, celle de diminuer la bureaucratie. Les politiciens demandent naïvement à des fonctionnaires de couper indirectement les bullshit jobs qu’eux-mêmes occupent.
Une autre proposition naïve est celle de dépolitiser la construction d’infrastructures publiques. Par définition, puisque l’argent du contribuable n’est pas illimité, des choix devront être faits. On a beau confier à des fonctionnaires l’odieux de la discrimination, on a beau se dire que « les deux seuls critères sous un gouvernement du Parti Québécois seront le besoin de la population et le niveau de vétusté » d’initiative PSPP, la réalité est différente. Dans les faits, lorsque viendra le temps de trancher au moment de la priorisation des projets, il y aura toujours une influence politique directe ou indirecte sur la décision. Que ce soit un député d’opposition qui critique le choix parce que selon les rapports qu’il a obtenu, une autre école aurait dû être retenue, ou bien un député du gouvernement qui veut aider ses chances de réélection, il y aura toujours un jeu politique dans les choix publics.
On veut amener plus de concurrence entre les entrepreneurs qui effectueront les travaux. C’est bien, sur papier, mais dans les faits, c’est plutôt ironique. Tout d’abord parce que chaque gouvernement successif y est allé de sa dose de protectionnisme bien à lui. Mais aussi parce que bien souvent, le devis de l’appel d’offre limite déjà le nombre d’entreprises qui ont la capacité technique de réaliser les travaux. Par exemple, si vous demandez une autoroute de béton, et que vos lois sur l’approvisionnement public empêchent une entreprise ontarienne de soumissionner, il reste donc que 3 entreprises québécoises qui ont la capacité de participer à l’appel d’offres. Ce n’est pas ce que j’appelle favoriser la concurrence.
Et alors, les alternatives?
C’est facile de se plaindre, mais c’est plus difficile de proposer une solution alternative créative lorsque tu désires accéder au pouvoir. Parce que pour espérer te faire élire, tu dois être le plus près possible de l’électeur médian. Et si vous avez vu la pyramide démographique du Québec, vous savez que l’électeur médian est réticent aux changements. Je vais tout de même tenter de vous offrir une alternative et de vous en expliquer brièvement les bienfaits dans le contexte actuel.
Commençons par une occasion ratée de la Coalition Avenir Québec. Lors de l’adoption du projet de loi 40 le 8 février 2020, plutôt que de remplacer les commissions scolaires par les centres de services scolaires, il aurait dû en profiter pour revoir non seulement la gouvernance, mais aussi le mode de financement des écoles.
L’autonomie scolaire, c’est quoi au juste?
C’est une question à laquelle plusieurs ont tenté de répondre, la plupart du temps en restant dans le cadre de la matrice étatique.
Est-ce qu’une école est vraiment autonome si elle est subordonnée à un centre de service et que celui-ci est subordonné au ministère? Est-ce que les écoles sont réellement autonomes si l’attention du public se tourne vers l’autorité centrale du tout puissant ministre dès qu’un événement sortant du cadre ministériel survient dans une école? Absolument pas.
Alors, c’est quoi la solution? Plutôt que d’accorder un budget aux écoles selon le nombre d’élèves qu’elles accueillent, pourquoi ne pas faire comme d’autres juridictions dans le monde et choisir de financer l’éducation plutôt que les structures? Comment? En accordant pour chaque enfant un « bon d’éducation ». Ce bon représente la clé pour débloquer la somme d’argent nécessaire pour instruire un élève pour un an. D’un même trait, on doit mettre fin à l’obligation géographique pour les enfants.
Cette combinaison permettra aux parents de choisir l’école à laquelle ira leur enfant sans avoir à passer par un programme spécialisé. Ça permettra aussi de choisir l’école qui répond le plus aux besoins de son enfant. Ça enlève aussi une partie de la problématique des écoles en milieux défavorisés.
En passant par ce mode de financement, on passe d’un impératif géographique et politique à un système de signaux de marché. Les écoles ne seront plus construites là où un ministre ou un fonctionnaire l’a décidé, mais là où les familles choisissent d’envoyer leurs enfants. Cela change tout. Les promoteurs d’écoles, qu’elles soient publiques autonomes, privées subventionnées ou communautaires, devront répondre à une demande réelle, exprimée directement par les parents. Une telle dynamique stimule l’innovation, encourage la frugalité intelligente et incite à bâtir des établissements plus efficients, mieux adaptés, plus souples — parce que leur survie dépendra de leur capacité à attirer des familles, non de leur proximité à un député influent.
Le bon d’éducation permet aussi de sortir du cercle vicieux de la planification centralisée. Au lieu de prévoir des infrastructures pour les prochaines décennies en tentant de deviner la démographie et les besoins locaux, on laisse les acteurs locaux — parents, directions, enseignants, investisseurs — prendre les décisions en temps réel. Et l’histoire économique est claire : les marchés décentralisés battent systématiquement les planificateurs centraux quand il s’agit d’allouer des ressources efficacement.
Certains diront que ce système engendrera des inégalités. C’est méconnaître les faits. Ce modèle n’abandonne pas les plus vulnérables — au contraire. Il donne aux parents en milieux défavorisés un levier qu’ils n’ont jamais eu : le pouvoir de choisir. Aujourd’hui, trop d’enfants sont prisonniers d’écoles médiocres uniquement parce qu’ils vivent au mauvais code postal. Avec l’autonomie scolaire réelle et le financement dirigé vers l’élève, c’est la qualité qui devient la clé du succès d’une école, pas son enracinement administratif.
On me répondra que cela risque de mener à une éducation à deux vitesses. Mais n’est-ce pas déjà le cas, dans un système où seuls les plus fortunés peuvent fuir le réseau public « régulier », pendant que les autres attendent une place dans un programme contingenté? L’autonomie scolaire, combinée à un financement équitable par bon, donne à tous une vraie deuxième vitesse : celle du choix.
Enfin, cette approche permet de désengorger un État obèse qui veut tout contrôler mais échoue à livrer l’essentiel. Le rôle du gouvernement devrait être de garantir un filet de sécurité minimal et de s’assurer que chaque enfant a accès à une éducation de base. Il ne devrait pas être celui qui décide de la forme des fenêtres, du type de revêtement mural ou de l’orientation pédagogique d’une école.
L’autonomie scolaire n’est pas une lubie idéologique. C’est une réponse pragmatique, humaine et responsable à l’échec du modèle centralisé. C’est la conviction qu’en faisant confiance aux familles, aux enseignants et aux communautés, on obtient de meilleurs résultats, à meilleur coût, et avec plus de liberté.
De plus, le rôle du centre de service scolaire se verrait inverser. Il serait au service des écoles et non les écoles au service de la structure gouvernementale.
La solution ne passe pas par plus de centralisation
Si on continue de penser que chaque problème scolaire se règle par une directive ministérielle ou une nouvelle couche de bureaucratie, on n’a rien appris. Ce n’est pas d’un autre comité qu’on a besoin, c’est d’un changement de paradigme. Tant qu’on financera des structures au lieu d’éduquer des enfants, on bâtira des écoles hors de prix… pour former des citoyens sans liberté de choix. L’autonomie scolaire, c’est l’antidote à ce gaspillage organisé.