L’analyse de Paul Laurier, président de la firme de sécurité Vigiteck et habitué des plateaux de TVA Nouvelles, illustre parfaitement les dérives du journalisme spectacle.
En entrevue avec Mario Dumont, Paul Laurier, président de la firme de sécurité Vigiteck, disait que : « le tireur avait ‘bien préparé’ son geste ». Il souligne que l’assaillant a réussi à atteindre sa cible du premier coup dans des conditions difficiles – à plus de 4000 pieds d’altitude par une journée venteuse, à une distance considérable. Cette précision suggère que « les points de fuite avaient été observés » et que « l’individu a sûrement fait de la reconnaissance plusieurs jours d’avance ».
Cette analyse sensationnaliste se heurte pourtant aux faits établis par de véritables experts en balistique. Un ancien Navy SEAL confirme sans ambiguïté que « 200 mètres est un tir très facile et une distance modérée pour un tireur d’élite entraîné, et un tir relativement facile pour quelqu’un ayant des compétences de tir de base » et que « n’importe quel individu peut visiter un stand de tir plusieurs fois et réussir ce tir ».
Les anciens agents de l’ATF (Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives) sont encore plus catégoriques dans leur démystification. Scott Sweetow explique qu’« une personne avec une formation minimale et une lunette pourrait facilement atteindre une petite cible à 200 mètres », tandis que Jim Cavanaugh précise que « avec une lunette et un fusil de qualité, nul besoin de compétences exceptionnelles. L’équipement lui-même offre un avantage considérable ».
Cette réalité balistique de base contraste radicalement avec le portrait apocalyptique dressé par l’expert de TVA. À 200 yards (183 mètres), tout chasseur québécois digne de ce nom devrait être capable de réussir ce tir. Les soldats américains sans expérience préalable avec les armes réussissent des tirs à 325 yards après seulement quelques jours d’entraînement.
Quant aux « conditions difficiles » évoquées par Laurier, elles relèvent de l’invention pure. L’altitude de 4000 pieds est négligeable pour ce type de tir, et le sergeant Nicholas Ranstad, détenteur de records de tir en Afghanistan, confirme que les conditions étaient calmes ce jour-là, facilitant même la tâche du tireur.
Ranstad souligne même que le tireur visait probablement la tête mais a raté à cause d’une mauvaise prise en compte du vent et de la chute de balle. Un vrai professionnel n’aurait pas fait cette erreur.
Conclusion
Les propos de Paul Laurier semblent effectivement être du sensationnalisme télévisuel. Les experts militaires et policiers consultés s’accordent : 200 yards avec une lunette moderne, c’est un tir de base accessible à tout chasseur ou amateur ayant passé quelques heures au champ de tir.
Cette désinformation télévisuelle soulève des questions légitimes sur la rigueur journalistique des médias québécois. Présenter un tir de routine comme un exploit technique digne d’un tireur d’élite ne fait que nourrir les fantasmes et détourner l’attention des véritables enjeux.
Note : Les citations d’experts américains présentées dans cet article sont des traductions visant à rendre fidèlement le sens des propos originaux en anglais.


