Samedi, mai 31, 2025

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Quand l’État tue l’État : l’autodestruction du Venezuela

[Ce post est long, Me sabe a mierda, y’a plein de leçons pour nous au Québec dans ça]

C’était jour d’élection au Venezuela hier et sans surprise, Nicola Madurò et sa coalition l’ont emporté avec un score soviétique. 85 % des votes, 23 « districts » sur 24, tout va bien madame la Marquise.

Certaines âmes cyniques me diront « Mais Chabz, une élection au Venezuela en 2025, c’est comme prendre une douche à l’époque médiévale. Ça n’arrive pas souvent et tout le monde en sort sale. »

Ces âmes cyniques sont quand même créatives dans leurs analogies, il faut le dire.

En fait, le Venezuela est un pays fascinant pour toutes les mauvaises raisons. Jadis-naguère une puissance en ascension en Amérique du Sud, les Vénézuéliens ont eu la mauvaise idée de vivre au-dessus de réservoirs de dinosaures liquides en quantité astronomique. C’était le syndrome hollandais, mais avec une meilleure météo.

Le syndrome hollandais? Ouain, c’est une vieille histoire, ça. Pour faire simple, la Hollande/Pays-Bas produisait du pétrole en accoté durant les années 1960. Tout allait bien, l’or noir coulait à flots, Picsou nageait dans ses pièces de monnaie avec vigueur.

Le pays exporte le pétrole pour faire rentrer les dollars au point de faire exploser sa propre monnaie. Comme ils vendaient beaucoup plus qu’ils achetaient à l’extérieur, leur monnaie valait un prix d’or. Le Florin était tellement fort que les pays externes n’avaient plus les moyens d’acheter autre chose en Hollande outre le pétrole. Le reste de l’économie du pays s’est effondré parce que les produits étaient impossibles à vendre ailleurs, car trop cher, et un immense crash économique a suivi.

C’est ça, le syndrome hollandais — miser tellement sur l’exploitation d’une ressource que le reste de l’économie crash.

Revenons au Venezuela. On y trouve parmi les plus grandes réserves de pétrole au monde au début du 20e siècle. Tout le monde capote, on exploite de plus en plus le précieux liquide. C’est là qu’un méga « Y » s’est présenté sur la route du pays.

D’un côté, on aurait pu faire comme la Norvège, exploiter la ressource, mettre de l’argent de côté pour les générations futures et assurer la prospérité de la collectivité pour toujours en étant raisonnables et responsables.

De l’autre, une minorité aurait pu prendre le contrôle des ressources, faire des deals corrompus sur le side pour s’en mettre plein les poches et laisser la plèbe mourir dans les rues.

Mettons qu’on n’a pas écouté le GPS et qu’on a pris le deuxième chemin. La corruption s’est répandue et les inégalités ont été un terreau parfait pour le prochain chapitre vénézuélien.

Arrive 1974 et Carlos Pérez, genre de dictateur soft très nationaliste qui aspire à faire vivre le rêve de Simon Bolivar et de créer une super puissance sud-américaine, la Gran Colombia. Ce super pays rassemblerait le Venezuela, la Colombie, l’Équateur, le Pérou et la Bolivie pour faire contrepoids aux puissances américaines et européennes.

Bolivar est mort pauvre dans le caniveau remplit de facture en 1830, mais Pérez en rêvait encore. Il commence par prendre le contrôle par la force de la principale richesse du pays.

La nationalisation des compagnies de pétrole se passe bien au début, on fait de la bel argent en utilisant les infrastructures et les travailleurs payés par les entreprises qu’on a expropriées en pas propre. On se paie des services, l’essence est presque gratuite, les subventions revolent partout. Life is good bro.

C’est comme si une nation se faisait des barrages hydroélectriques dans les années 1980 pour se payer un party de services pendant 40 ans sans se soucier des générations futures genre. Imaginez-vous comment ce serait fou, tsé!

Okay, je m’écarte, continuons.

Enfin bref, le party lève fort. La corruption se développe. L’économie se surspécialise vers le pétrole (Salut la Hollande!). On délaisse l’agriculture et on doit importer la nourriture. On crée des entreprises publiques inefficaces.

Arrivent les années 1970 et les crashs pétroliers. L’économie mondiale est chancelante et la demande de pétrole fluctue beaucoup. Le Venezuela commence à catcher que la fin de la farandole approche et les tensions sociales augmentent.

1983 est une date charnière pour eux. Le vendredi noir frappe alors que le Bolivar, la monnaie du pays, s’effondre. L’État a de la difficulté à emprunter, on commence à couper profondément dans la chaire pour remettre les finances à flot.

En 1988, Pérez revient au pouvoir après quelques années sur les lignes de côté. Il promet un genre de MVGA en disant qu’il est le seul à pouvoir remettre le pays sur les rails.

Arrivé en poste, il reçoit un appel du Fonds monétaire international (le FMI) pour lui expliquer ses quatre vérités. Au lieu du retour à l’âge d’or, il amène tout le monde vers le néolibéralisme en coupant tout et en privatisant bien des choses. Disons que le réveil à Caracas a été brutal.

Le 27 février 1989, c’est assez. Le peuple prend la rue pour demander du sang, ou en tout cas du changement radical au pouvoir. C’était la Caracazo, des milliers de civils meurent sous les balles. Ça finit par se calmer, mais le mal est fait.

Hugo Chavez est militaire de carrière et il regarde tout ça aller. Le lieutenant-colonel se tanne et organise un coup d’État qui floppe. Malgré tout, il apparait à la télé nationale et déclare simplement « Por ahora… », pour l’instant, un bout de phrase qui frappe l’imaginaire collectif.

C’est en quelque sorte le « Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de me dire à la prochaine fois! » de Lévesques, avec plus de cheveux et moins de clopes.

Chavez est en prison deux ans et ronge son frein. Pendant ce temps, Pérez se fait destituer et le pays est en chaos total. Le fruit est mûr pour prendre le pouvoir à sa sortie de prison. Chavez gagne les élections de 1998 avec plus de 56 % des voix. On voulait du changement, on va en avoir.

Sa tenure comme président est assez connue. Il tombe complètement dans le playbook communiste avec une hyper centralisation des pouvoirs, la planification centralisée de l’économie, des affirmations de « pouvoir au peuple » et bien d’autres choses.

Là où il sort fortement des rangs est sur la question nationale. Il est un fier nationaliste et il combat l’impérialisme américain avec vigueur. Évidemment, ça ne fait pas l’affaire de Washington — il dérange pas mal, directement dans la cour arrière de l’aigle au gilet barré.

(L’arbitre du Monde genre… gilet barré, arbitre? Entk.)

Il relance des programmes sociaux massifs, étend grandement le rôle de l’État et reconvertit généralement le pays vers le socialisme. Populaire à ses débuts, le peuple sent enfin qu’un homme charitable et bon est à la tête du pays.

Il est victime d’une tentative de coup d’État par l’armée et la bourgeoisie en 2002, qu’il matte en 48 h. Plusieurs croient que c’était supporté par les États-Unis, ce qu’ils ont évidemment niées. L’élite est tannée de vivre en pauvre et le jupon dépasse.

Fast forward en 2011. Chavez a le cancer, il ne feel pas fort. Après avoir désigné Nicola Madurò comme successeur, il meurt en poste en mars 2013. Encore une fois, beaucoup accusent Washington et la CIA d’avoir causé le cancer de Chavez, une conspiration toujours latente.

Madurò n’est pas un choix extrêmement populaire, mais c’est le successeur de Chavez qui était encore supporté par la classe pauvre et moyenne malgré son saccage économique. Madurò s’inscrira dans la continuité en centralisant encore plus les pouvoirs et en menant la vie dure aux ennemis politiques.

Maintenant que j’ai écrit un mur de texte, what’s next? Où s’en va le Venezuela?

Honnêtement, ça ne va pas fort. L’économie est chancelante, le niveau de vie est très bas et les services publics s’effondrent. Le pays est de plus en plus violent et des millions de Vénézuéliens partent littéralement à pied vers les États-Unis. Rappelez-vous les immenses convois de migrants illégaux décriés par Trump, ben c’est eux en partie.

Après la victoire étincelante aux élections d’hier, force est d’admettre que le Venezuela n’est pas sorti de la proverbiale auberge. Au lieu d’offrir des réformes pour sortir le pays du marasme, on renforce encore plus le syndrome hollandais avec une industrie pétrolière de moins en moins efficace. Le pays s’en va dans le mur et en redemande!

Maintenant, c’est quoi le rapport avec le Québec? Disons-le, on est pas mal mieux ici que là-bas, mais on a une forte tentation socialiste qui devrait nous inquiéter.

On a fait le choix de ne pas exploiter le pétrole, mais on fait sensiblement la même chose qu’eux avec l’hydroélectricité, notre fameux or bleu. On se paie des services publics (tout croches) volumineux et très ambitieux sans trop se préoccuper pour le futur. La récente décote est un pas de plus sur le chemin du Venezuela, mais version light.

Bref, rappelons-nous toujours que le capitalisme est vraiment le pire système économique, à part tous les autres qu’on a essayés avant!

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David Chabot
David Chabot
David Chabot, professionnel des relations publiques et de la gestion politique, a d’abord été restaurateur avant de se réorienter vers la politique municipale, sa passion. Aujourd’hui Chef des communications et Directeur du bureau du président d’une grande entreprise immobilière, il collabore avec des décideurs politiques et économiques. Titulaire d’un baccalauréat en science politique, il complète une maîtrise en affaires publiques et un MBA en gestion immobilière à l’Université Laval. Pragmatique et stratège, il excelle en négociation, planification et influence.

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