Pendant que le reste du Canada respire après l’abolition de la taxe carbone fédérale, les automobilistes québécois continuent de saigner à la pompe. Selon le 27e Rapport sur la transparence fiscale publié par la Fédération canadienne des contribuables (FCC), le Québec s’est retrouvé seul au Canada à maintenir une taxe carbone directe aux consommateurs, propulsant la province au deuxième rang des juridictions les plus taxées pour l’essence.
Montréal, capitale canadienne des taxes sur l’essence
Les chiffres font mal : à Montréal, lorsque le prix à la pompe est de 1,55$ les automobilistes paient 62 cents de taxes par litre d’essence, soit 40% du prix total à la pompe. C’est la proportion la plus élevée au pays. À Québec, la facture fiscale s’élève à 56 cents par litre.
« Les Québécois paient plus que leur juste part chaque fois qu’ils font le plein depuis trop longtemps, et maintenant, nous sommes les seuls encore coincés avec une taxe carbone », dénonce Nicolas Gagnon, directeur Québec de la FCC. « Legault n’a plus d’excuses : il doit éliminer cette taxe immédiatement ».
La taxe carbone québécoise, liée au marché californien du carbone par plafonnement et échange, coûtait en mai 8,5 cents par litre d’essence. Ce montant représente environ 5 dollars supplémentaires pour un réservoir de 64 litres.
L’isolement coûteux du Québec
Le contraste avec le reste du Canada est saisissant. Depuis le 1er avril 2025, le gouvernement fédéral a éliminé sa taxe carbone de 17,6 cents par litre, permettant aux Canadiens d’économiser 11,26 dollars sur chaque plein de 64 litres. La Colombie-Britannique a emboîté le pas en abolissant sa propre taxe carbone pour les consommateurs.
Cette différence se traduit par des écarts de prix criants entre les provinces. En avril dernier, après l’abolition fédérale, les automobilistes du Grand Montréal payaient parfois 1,60 dollar le litre, soit 25 cents de plus que dans bien des provinces canadiennes. Une station ontarienne à Hawkesbury, à une heure de Montréal, offrait son litre à 1,20 dollar.
2030 : L’année de tous les dangers fiscaux
Les projections pour 2030 donnent le vertige. Selon le rapport de la FCC, un plein de 64 litres coûtera alors 119,51 dollars, avec 59,75 dollars en essence et 59,76 dollars en taxes, soit un partage moitié-moitié. La taxe carbone québécoise passera à 23 cents par litre d’ici là.
« Dans les prochaines années, la taxe carbone va passer de 8,5 cents le litre à 23 cents le litre, selon les prévisions du gouvernement. Ça va avoir un impact majeur », explique Nicolas Gagnon.
À titre de comparaison, le même plein coûtait environ 96 dollars en juillet 2025, avec 59,75 dollars d’essence et seulement 36,58 dollars de taxes.
L’effet pervers des « taxes sur les taxes »
Le rapport révèle un autre mécanisme fiscal particulièrement vicieux : l’effet des « taxes sur les taxes ». Au Québec, la taxe de vente est calculée après avoir additionné toutes les autres taxes, forçant les consommateurs à payer la TVQ sur des taxes déjà payées.
Cet effet coûte en moyenne 3,1 cents supplémentaires par litre aux conducteurs canadiens, mais l’impact varie selon les provinces. À Montréal, cette « taxe sur la taxe » atteint 6,1 cents par litre.
Les entreprises sonnent l’alarme
L’impact dépasse les portefeuilles individuels. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, 78% des PME québécoises estiment que les taxes sur le carburant sont suffisamment élevées.
« Les familles qui peinent déjà avec le coût de la vie ne devraient pas être pénalisées à la pompe », affirme Nicolas Gagnon. « La taxe carbone du Québec rend la vie plus chère pour les familles et nuit à la compétitivité des entreprises. Si nous restons la seule province à maintenir cette taxe, les emplois et les investissements vont quitter le Québec ».
Un fonds vert bien garni
Pourtant, ces taxes rapportent gros à Québec. Les deux principales taxes sur l’essence – la taxe provinciale sur les carburants et la TVQ – permettent au gouvernement d’engranger environ 3,71 milliards de dollars par année. Les redevances de la taxe carbone alimentent quant à elles le Fonds d’électrification et de changements climatiques.
« Ce n’était pas une mauvaise idée, mais il serait préférable de s’attaquer d’abord à la bourse du carbone, parce qu’elle va dans un fonds vert, pas dans les services aux citoyens », commente Nicolas Gagnon au sujet des propositions de réduction de la TVQ sur l’essence.
Et la suite?
« Legault doit immédiatement suivre l’exemple de ses homologues ailleurs au pays et abolir la taxe carbone québécoise », conclut Nicolas Gagnon. Une pression qui risque de s’intensifier à mesure que l’écart de prix avec le reste du Canada se creusera.
Avec des projections qui annoncent un plein d’essence composé à 50% de taxes d’ici 2030, le gouvernement Legault fait face à un choix : maintenir le cap environnemental au risque d’isoler économiquement le Québec, ou céder à la pression populaire et fiscale. L’histoire récente suggère que les contribuables ont souvent le dernier mot.