Lundi, octobre 13, 2025

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Québec interdit l’obsolescence programmée

Le Québec s’attaque frontalement à l’obsolescence programmée avec une loi qui entre en vigueur le 5 octobre 2025, soit deux ans après son adoption. Le projet de loi 29, devenu la Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens, modifie en profondeur la Loi sur la protection du consommateur. Cette législation impose des obligations majeures aux fabricants et commerçants, tout en promettant aux consommateurs des garanties inédites. Mais derrière les belles promesses se cachent des zones grises qui soulèvent des questions légitimes sur son efficacité réelle.

Une interdiction historique qui défie les géants

La loi marque un tournant en interdisant carrément de vendre ou d’offrir tout produit conçu pour tomber en panne prématurément. Un produit est considéré comme ayant une obsolescence programmée lorsqu’il fait l’objet d’une technique visant à réduire sa durée de vie normale. Le fabricant d’un tel produit est automatiquement considéré comme en faisant le commerce, ce qui le place directement dans la ligne de tir des autorités. Cette disposition entre en vigueur le 5 octobre 2025 et constitue l’une des mesures les plus ambitieuses du texte.

La loi va plus loin en interdisant toute technique qui rend plus difficile l’entretien ou la réparation d’un produit pour le consommateur. Pour les automobiles, les fabricants ne peuvent plus bloquer l’accès aux données du véhicule nécessaires pour le diagnostic, l’entretien ou la réparation. Cette mesure vise directement les constructeurs automobiles qui verrouillent leurs systèmes informatiques pour forcer les propriétaires à passer par leurs réseaux de concessionnaires, une pratique lucrative mais contestée.

Des garanties qui changent la donne

Le texte introduit une garantie légale de bon fonctionnement pour une liste précise de produits neufs du quotidien : cuisinière, réfrigérateur, congélateur, lave-vaisselle, machine à laver, sèche-linge, téléviseur, ordinateur de bureau, ordinateur portable, tablette électronique, téléphone cellulaire, console de jeu vidéo, climatiseur et thermopompe. La durée de cette garantie sera fixée par le gouvernement dans un règlement à venir, tout comme d’autres produits potentiellement couverts.

Cette garantie comprend les pièces et la main-d’œuvre, et le commerçant ou le fabricant doit payer les frais raisonnables de transport ou d’expédition lors d’une réparation. Elle ne couvre toutefois pas l’entretien normal, les bris causés par une mauvaise utilisation, ni certains accessoires qui ne seront pas définis dans le règlement. La garantie débute au moment où le produit est livré et s’applique également aux personnes qui achètent le produit d’occasion par la suite.

Pièces de rechange et information accessible

La loi bonifie considérablement l’accès aux pièces de rechange et aux services de réparation. Pour tout produit qui nécessite de l’entretien, les pièces de rechange, les services de réparation et l’information nécessaire pour l’entretien ou la réparation doivent être disponibles pendant une période raisonnable après l’achat. Toute l’information doit être disponible en français.

Les pièces de rechange doivent pouvoir être installées avec des outils qu’on trouve facilement dans le commerce, sans briser définitivement le produit. Le commerçant ou le fabricant doit rendre ces éléments disponibles à un prix raisonnable, c’est-à-dire un prix qui ne décourage pas le consommateur de les acheter. Pour l’information accessible sur Internet ou sur support numérique, elle doit être gratuite, sauf pour les données des automobiles.

Un commerçant ou un fabricant peut éviter cette obligation en avertissant le consommateur par écrit avant l’achat qu’il ne fournit pas de pièces de rechange, de services de réparation ou d’information. Toutefois, le gouvernement peut décider par règlement que certaines pièces et certaines informations doivent absolument être disponibles, sans exception possible. Si le commerçant ou le fabricant ne respecte pas son obligation de rendre disponibles les pièces ou services, le consommateur peut exiger la réparation, et en cas de refus ou de délai excessif, obtenir le remplacement du produit ou son remboursement.

Automobiles gravement défectueuses

La loi permet à un tribunal de déclarer une automobile comme véhicule gravement défectueux à la demande du propriétaire ou de la personne qui la loue à long terme. Cette déclaration est possible dans plusieurs situations : après trois tentatives de réparation ratées pour le même problème, lorsque le véhicule a passé plus de 30 jours chez le commerçant ou le fabricant pour réparation, ou encore après 12 tentatives pour des problèmes différents.

Les défauts doivent être apparus dans les trois premières années suivant l’achat ou la location à long terme, et l’automobile ne doit pas avoir parcouru plus de 60 000 kilomètres. Une automobile déclarée gravement défectueuse est automatiquement considérée comme ayant un vice caché. Cette mesure vise à protéger les consommateurs contre les citrons automobiles qui accumulent les problèmes mécaniques sans jamais être vraiment réparés.

Location à long terme mieux encadrée

Pour les contrats de location à long terme d’automobiles, la loi oblige le commerçant à proposer une inspection gratuite au moins 90 jours avant la fin du bail. Cette inspection doit avoir lieu entre 30 et 60 jours avant la fin du bail, chez le consommateur ou au garage du commerçant. Le commerçant doit ensuite remettre un rapport écrit qui indique les pièces usées de façon anormale et le droit du consommateur de les réparer dans les 10 jours.

Le commerçant ne peut pas réclamer de frais pour usure anormale s’il n’a pas offert cette inspection, s’il n’a pas remis le rapport, ou s’il vend ou reloue le véhicule avant la fin du délai de 10 jours accordé au consommateur. La loi interdit également au commerçant d’exiger des frais sous prétexte que la pièce utilisée pour l’entretien n’est pas une pièce d’origine du fabricant, à moins que le contrat ne précise clairement qu’une pièce spécifique doit être utilisée.

Garanties supplémentaires sous surveillance

Avant de proposer une garantie supplémentaire payante pour un produit déjà couvert par une garantie légale, le commerçant doit informer verbalement le consommateur de l’existence et de la durée de cette garantie légale. Les consommateurs peuvent annuler une garantie supplémentaire dans les 10 jours suivant l’achat, sans frais ni pénalité.

Si le commerçant n’a pas respecté ses obligations d’information, ce délai d’annulation est prolongé à un an. Cette mesure vise à contrer les vendeurs qui poussent des garanties supplémentaires coûteuses en cachant au client que des garanties légales gratuites existent déjà.

Amendes salées et sanctions financières

La loi augmente considérablement les amendes et introduit des sanctions financières administratives. Pour l’interdiction de vendre un produit à obsolescence programmée, les amendes peuvent atteindre 87 500 dollars pour une personne et 175 000 dollars pour une entreprise. Ces montants sont doublés si l’infraction se répète.

L’Office de la protection du consommateur peut aussi imposer des sanctions administratives pouvant aller jusqu’à 1 750 dollars pour une personne et 3 500 dollars pour une entreprise. Chaque jour où le problème persiste compte comme une infraction distincte. Les dirigeants et administrateurs de l’entreprise doivent aussi payer si l’entreprise ne paie pas, à moins qu’ils ne prouvent avoir fait preuve de prudence et d’attention pour éviter l’infraction.

Le tribunal doit considérer plusieurs facteurs pour fixer l’amende : la taille et le chiffre d’affaires de l’entreprise fautive, le profit tiré de l’infraction, le tort économique causé aux consommateurs, et le nombre de personnes touchées. L’argent des sanctions administratives est versé au Fonds Accès Justice pour financer des projets destinés aux consommateurs.

Normes techniques et compatibilité

Le gouvernement obtient le pouvoir d’établir par règlement des normes techniques pour les produits, incluant des normes qui forcent la compatibilité entre un appareil et un chargeur. Cette disposition ouvre la porte à une standardisation des chargeurs, une mesure similaire à celle adoptée en Europe pour forcer l’adoption du USB-C sur les appareils électroniques.

Ce qui risque de disparaître

Plusieurs catégories de produits pourraient être retirées du marché québécois ou complètement repensées. Les appareils électroniques délibérément conçus pour ralentir après un certain temps, les gadgets avec batteries impossibles à remplacer et composants soudés empêchant toute réparation, et les équipements nécessitant des outils spéciaux pour l’entretien sont directement menacés. Les fabricants pourraient aussi renoncer à vendre certains produits de niche si les coûts pour se conformer à la loi dépassent les profits possibles sur le marché québécois.

Le vrai scandale en devenir

Le véritable scandale réside dans l’application future de cette loi. Comment prouver qu’un produit est conçu pour briser rapidement et non simplement mal fabriqué? Les fabricants internationaux vont-ils vraiment modifier leurs chaînes de production pour un marché de 8,5 millions de personnes, ou simplement payer les amendes comme un simple coût de faire affaire? Et qui déterminera ce qu’est un prix raisonnable pour une pièce de rechange lorsque le fabricant en détient le monopole?

La loi ne définit pas précisément ce qu’est une technique visant à réduire la durée de vie normale d’un produit, laissant une large place à l’interprétation. Les géants de la technologie et de l’automobile disposent d’armées d’avocats capables de contester chaque aspect de cette législation pendant des années. La question demeure : cette loi donnera-t-elle aux consommateurs un véritable pouvoir, ou simplement l’illusion d’être protégés?

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Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier
Maxym Perron-Tellier est journaliste pour PiluleRouge.ca. Passionné de politique depuis plus de dix ans, il s'est impliqué à plusieurs reprises sur la scène provinciale. Entrepreneur en informatique, il allie rigueur journalistique et regard critique sur l’actualité. Son approche analytique et son sens de l’humour apportent une perspective unique aux sujets qu’il couvre.

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