Un nouveau sondage Angus Reid publié le 12 juin révèle des bouleversements majeurs dans la popularité des premiers ministres canadiens. Alors que l’effet « tarifs Trump » s’estompe, les dirigeants provinciaux redescendent sur terre et font face aux défis domestiques qui n’ont jamais cessé de préoccuper leurs électeurs.
Ce sondage Angus Reid a été mené du 2 au 8 juin 2025 auprès de 4 067 adultes canadiens. Il illustre comment les dirigeants provinciaux naviguent entre gestion de crise et défis domestiques persistants comme le coût de la vie, les soins de santé et l’abordabilité du logement.

Kinew domine, Houston et Holt suivent
Wab Kinew du Manitoba trône au sommet avec un impressionnant 68 % d’approbation, le plus haut taux du pays. Pour la sixième fois consécutive, le premier ministre néo-démocrate maintient un taux d’approbation d’au moins 60 %, une performance remarquable dans un contexte où plus de 18 000 Manitobains ont dû être évacués à cause des feux de forêt.
Kinew a su naviguer habilement entre pragmatisme et idéologie, proposant même que le Manitoba devienne une plaque tournante pour les projets énergétiques nationaux, incluant un potentiel pipeline vers la baie d’Hudson. Cette position « centriste » lui a valu des critiques de son propre parti – l’ancien vice-président du NPD Chris Wiebe a démissionné, dénonçant un revirement par rapport à la position « aucun nouveau pipeline » du parti en 2023.
Tim Houston de la Nouvelle-Écosse (59 %) et Susan Holt du Nouveau-Brunswick (58 %) complètent le podium. Houston, qui apprend le français – signe révélateur d’ambitions fédérales selon plusieurs observateurs – a brillé en démantèlant les barrières commerciales interprovinciales avec cinq autres provinces.
Smith remonte la pente
Danielle Smith de l’Alberta franchit enfin la barre des 50 % d’approbation (51 %) pour la première fois depuis son accession au pouvoir en 2022. Son positionnement stratégique sur la scène nationale – de sa visite à Mar-a-Lago lors des menaces tarifaires de Trump à ses pressions sur le gouvernement Carney pour faire du Canada une « superpuissance énergétique » – semble avoir porté ses fruits.
Cette ascension arrive à point nommé pour Smith, qui fait face au scandale « CorruptCare » déclenché par une poursuite pour congédiement injustifié de l’ancien PDG d’Alberta Health Services. Le rapport intérimaire d’un ancien juge en chef du Manitoba, initialement prévu pour mai, a été reporté à septembre.
Malgré cette amélioration, Smith demeure la première ministre la plus polarisante du pays : 32 % des Albertains l’approuvent fortement, mais 37 % la désapprouvent tout aussi fortement.
La chute des « champions » de mars
L' »effet Trump » s’estompe et les héros de mars redeviennent mortels. Doug Ford de l’Ontario encaisse une chute spectaculaire de 10 points, passant de 48 % à 38 % d’approbation. Ford, qui avait brillé dans sa confrontation avec Trump, se retrouve dans l’eau chaude avec le projet de loi 5 créant des « zones économiques » dispensées des réglementations provinciales normales.
Legault touche le fond
François Legault du Québec atteint un nouveau plancher historique avec seulement 25 % d’approbation, une dégringolade qui reflète l’accumulation de crises. La rétrogradation de la cote de crédit du Québec par Standard & Poor’s en avril – la première depuis 1995 – a souligné les préoccupations concernant les déficits persistants et la baisse des revenus gouvernementaux.
Le premier ministre caquiste fait face à une tempête parfaite : le scandale SAAQcliq qui refuse de se taire, un Parti québécois en résurgence qui questionne ses positions nationalistes, une bataille avec les médecins sur la réforme de leur structure de rémunération, et l’investissement de 270 millions de dollars dans une usine de batteries électriques maintenant déclaré sans valeur après la faillite de la société mère.
Legault dit avoir a pris l’entière responsabilité de la rétrogradation de S&P, mais a défendu les décisions de dépenses de son gouvernement comme étant justifiées. Cette défense semble avoir peu convaincu les Québécois.
Eby redescend aussi
David Eby de la Colombie-Britannique perd sept points pour atteindre 46 % d’approbation. Les projets de loi 14 et 15, visant à accélérer respectivement les projets d’énergie propre et ceux jugés d’intérêt public, ont provoqué des critiques des groupes autochtones, environnementaux et de certaines municipalités.
Eby défend cette approche comme représentant « une croisée des chemins entre les tribunaux, les litiges et les conflits, et la coopération et la prospérité partagée ».
En bref
Alors que les menaces tarifaires de Trump continuent de planer, les premiers ministres canadiens découvrent que la popularité en temps de crise est éphémère, et que les électeurs ont la mémoire longue pour les enjeux qui les touchent quotidiennement.
