Dédicace à Jonathan Hamel et au Professeur Jean-François Caron
Il est courant dans certains milieux prétendument éclairés de proclamer avec assurance et une certaine théâtralité que Donald Trump serait un « allié de la Russie ». On avance même dans ces mêmes cercles qu’il serait sous l’influence de Moscou ou du moins manipulé par le Kremlin. Cette idée farfelue n’a cessé d’être rabâchée dans des médias en quête de sensationnalisme. Comment ne pas ressentir un certain scepticisme teinté d’amusement face à une perspective aussi singulière sur le monde ? En prenant un peu de recul et en examinant la situation de manière objective et réfléchie ; il est évident que le POTUS et la Russie sont animés par des intérêts différents tant au niveau national qu’international. Il est alors opportun d’analyser avec rigueur et une pointe d’humour l’impertinence et l’incohérence apparente à présenter Trump comme un simple pantin manipulé par Vladimir Poutine.
Un arrière-plan historique fréquemment négligé
Il est tentant de prétendre que Trump aurait été un fervent serviteur des intérêts géopolitiques russes, mais vaut mieux considérer ce discours dans un contexte historique plus large : bien avant l’arrivée de Trump à la Maison-Blanche, les tensions entre Washington et Moscou étaient déjà le fruit de conflits diplomatiques et de rivalités mondiales durables. Il serait donc naïf de croire que le Kremlin aurait brusquement trouvé au président américain un allié clé pour renforcer sa domination mondiale à ce stade-ci des événements. En outre et en considérant la complexité du jeu de la politique étrangère américaine actuelle, il est niais d’affirmer que l’ensemble de la diplomatie d’une nation puisse être dicté par une seule personnalité agissant supposément sous l’influence d’une puissance étrangère.
Bien entendu on se rappelle de l’enquête sur la possible collusion entre la campagne de Trump et la Russie. Qu’a-t-on découvert ? Des suppositions sensationnelles, des rumeurs dramatiques, mais aucune preuve concrète prouvant l’existence d’un accord secret faisant du milliardaire à la couette blonde à un serviteur soumis à l’ancien cadre du KGB taciturne. Le simple fait qu’aucune accusation officielle n’a été retenue devrait au moins encourager les plus fervents à rester prudents, sinon dignes de décence.
Les intérêts économiques divergent
Certains prétendent encore que Trump aurait pour unique intention de favoriser ses propres affaires en collaborant avec la Russie ; une affirmation qui ne repose que sur des hypothèses et qui néglige un point crucial : la Russie n’est en aucun cas un partenaire économique de premier plan pour les États-Unis. L’économie américaine de grande envergure et les multiples accords commerciaux internationaux ainsi que les relations privilégiées avec d’autres zones clés telles que l’Union européenne offrent à Washington des avantages nettement plus lucratifs que ce que Moscou pourrait potentiellement proposer.
Pour toute personne intéressée par les mouvements d’investissements et de commerce à l’échelle internationale, il est évident que la Russie ne représente pas un lieu incontournable pour les aspirations économiques d’un homme d’affaires habitué aux grandes places financières occidentales. Les grandes institutions financières et les consortiums internationaux ainsi que les marchés boursiers et immobiliers prospèrent moins sous l’influence du rouble russe. En somme, si le résident de la Trump Tower et de l’autre bâtiment peint en blanc était uniquement motivé par la cupidité, la Russie ne serait sûrement pas son premier choix pour augmenter sa richesse .
Politique étrangère et sanctions : un écart profond
Abordons le côté diplomatique : pendant son premier mandat, les États-Unis ont maintenu, voir intensifié, diverses sanctions à l’égard de la Russie. Il faut absolument noter qu’il y avait là des expulsions de diplomates russes à la moindre provocation et une augmentation des pressions sur des sujets tels que la situation en Syrie ou en Ukraine. L’idée selon laquelle Trump aurait favorisé la diplomatie russe est plus un mythe qu’une réalité.
En réalité, l’administration Trump n’a pas levé les sanctions imposées à la Russie après l’annexion de la Crimée en 2014 ; au contraire, elle les a souvent renforcées. Comment expliquer alors qu’un vassal de Moscou intensifie les pressions contre son prétendu maître ? À moins d’embrasser des théories du complot extrêmes, hein? Il n’y a aucune explication rationnelle qui soutienne l’idée d’une soumission de Trump aux désirs de l’ineffable autocrate slave.
Le calcul politique : la prétendue base pro-russe
Il est peu probable que le président orange flatte un groupe secrètement acquis aux thèses russes comme cela est avancé dans l’argumentation présentée ici. Les partisans américains de Trump ne constituent pas un bloc uniformément acquis à la cause de la Russie ; en particulier ceux qui le soutiennent ne forment pas une masse enthousiasmée par la puissance russe. En réalité, l’aile conservatrice américaine entretient depuis longtemps une méfiance profonde envers l’ancienne Union soviétique et cela se perpétue aujourd’hui dans ses relations avec Moscou également.
Il serait donc totalement illogique d’affirmer qu’un dirigeant chercherait à gagner le soutien de ses électeurs en se présentant comme un allié d’un pays qui est perçu par l’ancienne garde républicaine comme un ennemi historique et idéologique. Cela friserait le ridicule sauf si l’on suppose que la base de partisans de Trump aurait effectué un changement idéologique radical – une hypothèse qui n’est guère confirmée sur le terrain.
Ambitions nationales et tendances au nationalisme isolé
Trump défendait fermement la réhabilitation de l’Amérique à travers son slogan énergique « Rendre à l’Amérique sa grandeur » « Make America Great Again ». Cette approche mettait en avant un retour à une politique plus isolée et une affirmation de la supériorité américaine. Il est difficile de concilier ce nationalisme exacerbé avec une loyauté envers une autre puissance étrangère. Les observateurs qui avancent l’idée du président étant manipulé par la Russie minimisent ou font semblant de ne pas voir l’élément de fierté et de vanité porté par le discours trumpien.
Il est vraiment difficile de croire qu’un individu aussi préoccupé par sa réputation et son image à l’échelle internationale accepterait simplement de jouer un rôle secondaire sous les ordres de Vladimir Poutine – que l’on aime ou non Donald Trump, il est indéniablement loin d’être discret sur le plan du caractère. Il est particulièrement inconcevable d’imaginer qu’il se soumettrait aux désirs d’un autre leader, même s’il s’agit du maître du Kremlin – cela semble plutôt être une intrigue réservée aux meilleurs romans à succès fictifs .
L’OTAN représente un élément crucial de discordance entre les parties impliquées
Lorsque l’on examine la position de Trump par rapport à l’OTAN, on remarque qu’il a souvent critiqué les alliés européens pour leur manque d’investissement dans la défense collective. Il leur reprochait de compter trop sur la protection américaine. Cependant, il n’a jamais proposé de dissolution de l’Alliance atlantique, ce qui aurait pourtant parfaitement servi les intérêts stratégiques de la Russie qui vise à affaiblir la présence militaire occidentale.
Une fois de plus se pose ici une situation paradoxale : un individu ayant des liens avec la Russie aurait certainement eu intérêt à perturber l’OTAN ou même à favoriser le retrait américain de l’alliance militaire transatlantique. Cependant, Trump s’est montré ambivalent sans pour autant prendre des mesures concrètes pour démanteler cette structure de sécurité que Moscou observe d’un œil très critique.
« Le mythe des médias traditionnels »
Alors pourquoi cette volonté persistante de dépeindre Trump comme un allié fervent, voire une marionnette de la Russie ? Pour certains critiques intéressés par la polémique facile à susciter à sujet ; pour d’autres peut-être une manière de présenter le président sous les traits d’un individu imprudent incapable de défendre les intérêts de son propre pays. L’accusation porte une charge symbolique importante ; autrefois toute association avec la Russie était presque considérée comme trahison pour un responsable américain.
Il est évident que le tempérament controversé de Trump et son flair pour la provocation incitent de nombreux médias à exagérer les choses- une tendance d’autant plus courante à l’ère du sensationnalisme en ligne où la subtilité se retrouve reléguée au second plan. Diaboliser les adversaires politiques reste un sport national qui s’étend des écrans de télévision aux pages des journaux.
Le manque de respect pour la réalité se manifeste par l’absence de preuve concrète
Ce qui est le plus frappant dans ce discours est le manque constant de preuves solides soutenant l’idée de la soumission de Trump aux intérêts slavo-russes. Les partisans de cette vision se basent principalement sur des interprétations visuelles telles que des gestuelles éphémères ou des sourires diplomatiques échangés lors de réunions internationales. Toutefois juger les relations internationales uniquement sur ces gestuelles ne semble pas approprié, car cela ferait de tous les dirigeants mondiaux des redevables envers leurs homologues en raison du protocole international exigeant ces types de courtoisies.
Les liens entre partenaires ou les relations de domination sont évalués en fonction des accords conclus et des concessions politiques importantes ainsi que des échanges économiques conséquentiels ou de la redéfinition des sphères d’influence respectives. Aucun de ces événements marquants n’a révélé une connivence systémique entre Trump et la Russie ; on note simplement quelques propos équivoques accompagnés de courtoises diplomatiques – rien qui ne justifie l’image d’une marionnette manipulée par le Kremlin tant évoqué.
L’entêtement à mélanger critique de l’establishment et fidélité étrangère
Il est exact que Trump a remis en question l’establishment politique de Washington en critiquant le “Deep State” et en pointant du doigt une bureaucratie jugée excessive par lui-même. Cela ne le classe pas comme un partisan de la Russie ; il est plutôt perçu comme un acteur populiste et perturbateur dans le paysage politique américain. À maintes reprises dans ses discours publics et déclarations officielles, il exprime son souhait de négocier des accords plus favorables aux É.-U., même si cela implique de perturber l’équilibre mondial. Ce penchant pour une approche de négociation ferme, il s’est opposé à plusieurs nations différentes – qu’elles soient des alliées de longue date en Europe ou même la Chine ; et dans une certaine mesure également la Russie.
Quand un dirigeant politique oserait se décrire comme le champion d’un mouvement populiste novateur qui rompt avec la diplomatie stérile de ses prédécesseurs n’implique en aucune façon une adulation docile des nations étrangères. On pourrait même dire que cette attitude rebelle va à l’encontre totale de l’idée même de loyauté.
La notion de nationalisme excessif
Il y a une caractéristique frappante chez Trump : un fort patriotisme qui ressort parfois de manière impérieuse et qui montre sa volonté de favoriser les intérêts américains à tout prix. Son obsession pour la puissance économique et militaire des États-Unis ne correspond pas du tout à l’image d’une allégeance à Moscou. En réalité toute la rhétorique de Trump — que ce soit sur les plans commercial ou diplomatique — aspirait à prouver la suprématie américaine voire à l’imposer par le biais de négociations viriles.
Il est facile de se rappeler des discours prononcés lors de la campagne de Trump : il critiquait ouvertement l’élite mondiale et remettait en question certains accords internationaux qu’il jugeait défavorables aux États-Unis tout en prônant un protectionnisme économique qui suscitait de vives critiques. Accuser un individu ayant ce profil d’être influencé par un gouvernement étranger avec ses propres ambitions impériales peut sembler étrange, voire complètement farfelu.
Le rôle de la manipulation de l’opinion publique et de la méfiance permanente
En réalité, chacun le sait que la propagande ne se limite pas à un pays en particulier ; les acteurs politiques des États-Unis, comme de la Russie et d’ailleurs, trouvent avantage à influencer l’opinion publique pour nuire à l’image de leurs adversaires respectifs ; les rumeurs de collusion sont fréquemment utilisées pour discréditer un leader, qu’il soit irréprochable ou non.
Bien sûr que Trump n’est pas un modèle de vertu irréprochable sur le plan éthique et sans défauts notables à son actif. Il est légitime de remettre en question son parcours professionnel ainsi que sa manière de gouverner et de diriger. Néanmoins, il est important de souligner que cette critique constructive n’a rien à voir avec les théories fantaisistes d’une supposée allégeance à la Russie. De telles théories qui reposent sur des scénarios de trahison nationale visent uniquement à diviser les opinions et manipuler l’opinion publique.
Enfin, on peut souligner l’ironie d’un mythe commode.
Fondamentalement, soutenir que Trump était sous contrôle de la Russie est souvent utilisé pour discréditer le redevenu président sans argumentation politique solide adéquate. L’absurdité de cette allégation devient évidente en examinant les actions de la politique étrangère américaine pendant son mandat : renforcement des sanctions contre Moscou; maintien de l’OTAN; poursuite des rivalités commerciales et absence de concessions stratégiques majeures.
Les excentricités et la personnalité parfois controversée de Donald Trump sont indéniables. Cependant, attribuer la mainmise russe sur la Maison-Blanche à ces caractéristiques relève davantage d’une exagération hystérique que d’une satire réfléchie et équilibrée. La réalité est bien plus complexe ; nous observons un homme d’affaires animé par le désir de renforcer la puissance américaine tout en remettant en cause l’ordre établi – une approche qui ne s’accorde pas facilement avec une obéissance aveugle aux opinions des autres.
En résumé et pour conclure de manière succincte et claire : l’idée selon laquelle Trump serait un instrument aux ordres de la Russie ne résiste pas à une analyse factuelle ou rationnelle approfondie. Il s’agit plutôt d’un récit fictionnel destiné à captiver les esprits et à nourrir un sentiment de vengeance tout en dissimulant le manque d’examen sérieux des questions géopolitiques en jeu. Penser que Donald Trump aurait accepté de jouer le rôle d’exécutant pour une puissance étrangère rivalisante semble être au final tout à fait risible compte tenu de son patriotisme et de son ego prononcé. Pour quiconque prend le temps d’y réfléchir sérieusement, l’accusation ne dévoile rien d’autre qu’une représentation imaginative entourant une personnalité atypique souvent mal vue par de nombreux médias. Abandonner cette histoire exagérée à ceux qui trouvent du plaisir dans la caricature et tentons plutôt, si possible, d’utiliser une approche d’analyse plus raisonnable.
Le voile se lève sur l’absurdité de présenter Trump comme un fervent allié de Moscou : ses intérêts défendus et ses actions durant son mandat révèlent qu’il diverge sur de nombreux points des objectifs du Kremlin. De nombreux aspects historiques et géopolitiques remettent en question l’idée d’une marionnette contrôlée à distance. Naturellement, chacun est libre de prendre un parti pris et de s’accrocher à cette version extravagante. Cependant, lorsque l’on essaie de raisonner de manière logique à ce sujet ; il devient évident et clair que Donald J. Trump 45e et 47 président des États-Unis d’Amérique n’est en aucun cas un allié de la Russie malgré ses bravades et sa rhétorique agressive. Il est absurde d’insinuer ou de proclamer le contraire en se détournant ainsi de la réalité pour rechercher l’effet sensationnel ou par opportunisme politique. Un soupçon d’analyse critique devrait être amplement suffisant pour dissiper toute incertitude à ce sujet.
Ne manquez aucune de nos vidéos et plongez dans nos podcasts captivants ! Abonnez-vous dès maintenant à notre chaîne YouTube et activez la cloche pour rester informé des dernières sorties.
Accédez à des épisodes inédits, des coulisses et des bonus exclusifs en rejoignant notre communauté sur Patreon. Votre soutien nous aide à créer encore plus de contenu de qualité !
Aidez-nous à continuer à produire du contenu de qualité en faisant un don via PayPal. Chaque contribution, grande ou petite, fait une énorme différence pour notre projet !
Samuel Rasmussen, alias Le Blond Modéré, est membre des Trois Afueras et collaborateur du podcast Ian & Frank. Titulaire d'une formation en relations internationales à l'Université de Sherbrooke, il s'intéresse particulièrement à la géopolitique, aux zones d'influence et aux différentes formes de pouvoir.