Après plus de 1 340 jours de guerre, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé lundi que Kiev et ses alliés occidentaux finaliseront un plan de cessez-le-feu d’ici une dizaine de jours. Cette annonce intervient dans un contexte où les deux camps intensifient leurs opérations militaires, où les civils paient un prix de plus en plus lourd, et où l’approche de l’hiver menace de transformer cette guerre en catastrophe humanitaire.
Un cessez-le-feu annoncé, mais les obstacles demeurent
Dans une entrevue accordée à Axios publiée lundi, le président ukrainien a révélé que Kiev et ses partenaires occidentaux travaillent sur un plan de cessez-le-feu concis qui devrait être finalisé « dans la prochaine semaine ou dix jours ». Cette initiative fait suite à la proposition du président américain Donald Trump de geler le conflit sur les lignes de front actuelles.
Toutefois, Zelensky se montre sceptique quant à l’acceptation de cette proposition par Vladimir Poutine. Mardi matin, il a réitéré que Kiev refuse catégoriquement de céder davantage de territoire, tandis que Moscou maintient ses exigences incluant des concessions territoriales majeures et un désarmement ukrainien. Le fossé entre les positions des deux parties reste béant.
Trump, qui avait annulé un sommet prévu avec Poutine plus tôt ce mois-ci après avoir constaté l’impasse, tente de maintenir la pression sur les deux camps tout en cherchant une issue diplomatique.
Les sanctions américaines ciblent le nerf de la guerre
Le 22 octobre, l’administration Trump a imposé des sanctions historiques contre Rosneft et Lukoil, les deux plus grandes compagnies pétrolières russes représentant plus de 5% de la production mondiale de pétrole. Ces mesures constituent « l’action la plus importante à ce jour des États-Unis pour fermer le mécanisme de financement de la guerre russe », selon le département du Trésor américain.
Zelensky estime que ces sanctions pourraient réduire les exportations pétrolières russes de jusqu’à 50%, coûtant à Moscou environ 5 milliards de dollars par mois. Les mesures ont déjà provoqué une hausse de 5% des prix mondiaux du pétrole et poussé les compagnies pétrolières chinoises à suspendre temporairement leurs achats de brut russe.
De son côté, l’Ukraine intensifie ses frappes de drones contre les raffineries russes. Zelensky a révélé lundi que ces attaques ont réduit la capacité de raffinage pétrolier de Moscou de 20%. La quatrième plus grande raffinerie de Russie, l’usine de Riazan, a suspendu ses opérations le 23 octobre après une frappe ukrainienne.
L’ONU documente des crimes contre l’humanité
Un rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies sur l’Ukraine, publié dimanche, accuse formellement la Russie de commettre des crimes contre l’humanité en « chassant » délibérément des civils ukrainiens avec des drones armés.
L’enquête révèle que des civils ont été poursuivis sur de longues distances par des drones équipés de caméras haute résolution, puis attaqués avec des grenades alors qu’ils faisaient du vélo, garaient leur voiture ou marchaient dans la rue. Les opérateurs pouvaient clairement voir leurs cibles pendant plusieurs minutes avant de frapper.
Les incidents documentés dans les régions de Dnipropetrovsk, Kherson et Mykolaiv ont créé un climat de terreur qui a forcé des milliers de personnes à fuir. Selon les autorités locales, plus de 200 civils ont été tués et plus de 2 000 blessés dans ces régions depuis juillet 2024.
« Ces attaques ont été menées dans le cadre d’une politique systématique visant à expulser les civils de ces zones et constituent le crime contre l’humanité de transfert forcé de population », conclut le rapport qui doit être présenté à l’Assemblée générale des Nations Unies cette semaine.
Les violations du droit international des deux camps
Si le rapport de l’ONU d’octobre 2025 se concentre sur les violations russes, les organisations internationales ont documenté des violations du droit humanitaire des deux côtés du conflit depuis le début de la guerre.
Les pratiques ukrainiennes contestées
En 2022, Amnesty International a publié un rapport documentant que l’armée ukrainienne avait établi des bases dans des zones résidentielles, y compris dans 5 hôpitaux et 22 écoles. Selon l’organisation, ces tactiques « ont mis des civils en danger » en transformant des objets civils en cibles militaires potentielles.
« Dans la plupart des zones résidentielles où les soldats se trouvaient, il y avait des kilomètres de distance des lignes de front et des alternatives viables étaient disponibles », précisait le rapport.
La mobilisation militaire en Ukraine a également fait l’objet de critiques. Des cas de recrutement forcé agressif ont été documentés en 2024-2025, avec des hommes arrêtés dans les rues et envoyés au front. Le manque de mécanisme de démobilisation a transformé le service militaire en « billet aller simple », créant une résistance croissante parmi la population.
L’ONU a également documenté des cas de mauvais traitements de prisonniers de guerre russes par les forces ukrainiennes.
Les violations russes documentées
Au-delà des attaques de drones contre les civils documentées par l’ONU, d’autres violations du droit international humanitaire ont été recensées.
Attaques contre le personnel médical protégé : Des ambulanciers en uniforme, à côté de véhicules clairement marqués de symboles médicaux, ont été ciblés à plusieurs reprises alors qu’ils secouraient des blessés. Le docteur Serhiy Kucherenko, 64 ans, a été tué dans une telle attaque documentée sur vidéo. Ces véhicules et leur personnel bénéficient d’une protection spéciale en vertu du droit international humanitaire.
Conscription forcée dans les territoires occupés : La Russie a forcé environ 140 000 civils ukrainiens dans les territoires occupés à rejoindre son armée, souvent par des rafles massives d’hommes sans expérience militaire envoyés au front sans formation ni équipement adéquat. Cette pratique constitue une violation directe de l’Article 51 de la Quatrième Convention de Genève qui interdit explicitement à une puissance occupante de contraindre des civils à servir dans ses forces armées.
Utilisation d’armes interdites : Les forces russes ont utilisé des drones pour larguer des mines antipersonnel PFM dans les quartiers résidentiels de Kherson. Ces armes sont interdites par le Traité d’Ottawa de 1997, et leur utilisation dans des zones résidentielles viole le principe de distinction entre combattants et civils.
L’ONU a également documenté des cas de tortures, d’exécutions sommaires et de déportations forcées de populations civiles dans les territoires occupés.
La guerre énergétique s’intensifie
La Russie a lancé une campagne de bombardements sans précédent contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes alors que l’hiver approche. Le 9 octobre, Moscou a lancé environ 450 drones et 30 missiles contre des installations énergétiques.
Dans la nuit du 21 au 22 octobre, les forces russes ont mené une frappe combinée massive impliquant 405 drones et plusieurs types de missiles. Les frappes ont tué au moins quatre civils, dont un bébé de six mois et une fille de 12 ans. Les attaques ont entraîné des coupures d’électricité d’urgence dans presque toutes les régions du pays.
L’Ukraine riposte en ciblant les installations pétrolières russes. Au cours des dernières 24 heures du 27 octobre, au moins six personnes ont été tuées et 66 autres blessées dans des attaques russes, tandis que l’Ukraine a frappé Moscou avec des drones pour la deuxième nuit consécutive.
Les combats s’enlisent à Pokrovsk
Sur le front militaire, l’Ukraine a déployé des renforts pour défendre Pokrovsk, ville stratégique de l’oblast de Donetsk où environ 200 à 250 soldats russes se sont infiltrés. La Russie contrôle actuellement environ 75% de l’oblast de Donetsk, progressant lentement mais constamment dans la région.
La coopération militaire russo-nord-coréenne
La dimension internationale du conflit s’est élargie avec l’implication croissante de la Corée du Nord. Le leader Kim Jong-un a déclaré que la « fraternité militaire » entre son pays et la Russie « avancera sans arrêt ». Kyiv et Séoul estiment que la Corée du Nord a déployé plus de 10 000 soldats sur le front en échange d’assistance économique et technologique militaire.
Une guerre dont personne ne sort vainqueur
Alors que l’hiver approche, le conflit entre dans une phase où les deux camps intensifient leurs attaques contre les infrastructures de l’adversaire. Cette escalade porte le coût humain à des niveaux alarmants. La fenêtre de dix jours annoncée par Zelensky pour finaliser un plan de cessez-le-feu représente peut-être la dernière opportunité d’éviter une catastrophe humanitaire durant l’hiver.
Les violations du droit international documentées des deux côtés illustrent que cette guerre ne produit ni vainqueurs ni héros — seulement des victimes civiles, des soldats contraints de se battre, et des populations entières prises au piège d’un conflit politique qui les dépasse.
Les sanctions économiques occidentales, les frappes réciproques contre les infrastructures énergétiques et industrielles, et l’implication croissante de pays tiers comme la Corée du Nord créent une spirale de violence dont l’issue reste incertaine. Pendant ce temps, des milliers de personnes ordinaires — ukrainiennes, russes, et désormais nord-coréennes — continuent de payer le prix ultime pour des décisions prises loin des champs de bataille.

