Le président Donald Trump a signé mercredi soir, à 22h25, un projet de loi mettant fin à 43 jours de paralysie du gouvernement fédéral américain. Il s’agit d’un record absolu, dépassant largement les 35 jours de fermeture survenus en 2018-2019, également sous Trump.
À l’origine de la crise : un désaccord sur l’assurance santé
La paralysie a commencé le 1er octobre, au moment où l’année fiscale fédérale prenait fin sans que le Congrès n’ait adopté les crédits budgétaires nécessaires. Au cœur du différend : les subventions bonifiées de l’Obamacare (Affordable Care Act), qui expirent le 31 décembre.
Les démocrates exigeaient la prolongation de ces aides, essentielles pour 24 millions d’Américains qui bénéficient d’une assurance santé abordable. Les républicains proposaient plutôt un financement « propre », maintenant les dépenses actuelles sans toucher aux subventions. Pendant plus d’un mois, le Sénat a rejeté 14 fois les propositions républicaines.
Le 9 novembre, le blocage s’est rompu quand huit sénateurs démocrates ont franchi les lignes partisanes pour faire avancer le projet de loi, qui a obtenu 60 voix contre 40.
Un compromis incomplet
L’entente prévoit un financement gouvernemental jusqu’au 30 janvier 2026, soit à peine deux mois et demi de répit. Trois ministères obtiennent leur budget complet pour l’année : l’Agriculture (incluant l’agence des aliments et médicaments), le Congrès et les Affaires des anciens combattants (jumelées à la construction d’infrastructures militaires).
L’accord garantit aussi le réembauchage des 4 000 employés licenciés pendant la crise et interdit au Bureau de la gestion et du budget de procéder à d’autres congédiements massifs jusqu’en janvier. Des fonds additionnels sont prévus pour la sécurité parlementaire : 203,5 millions pour protéger les élus et 852 millions pour la police du Capitole.
Mais la principale revendication démocrate — l’extension des subventions d’assurance santé — n’a pas été retenue. En échange, le leader républicain au Sénat, John Thune, promet un vote distinct début décembre, sans toutefois en garantir l’issue.
Un million et demi d’employés touchés
Pendant six semaines, 670 000 fonctionnaires fédéraux ont été mis en congé forcé sans salaire, tandis que 730 000 autres ont dû travailler gratuitement. Le premier chèque de paie a manqué le 24 octobre. Si la fermeture avait duré jusqu’au 1er décembre, 4,5 millions de chèques auraient été retenus, totalisant 21 milliards de dollars en salaires gelés. Les employés recevront leur paie rétroactive « dès que possible ».
L’aide alimentaire suspendue
La crise la plus grave a frappé 42 millions d’Américains dépendant des bons d’alimentation (programme SNAP). L’administration Trump avait annoncé qu’aucune prestation ne serait versée en novembre. Après plusieurs batailles devant les tribunaux, certains États ont réussi à débloquer des paiements complets, d’autres seulement partiels, et certains aucun. Le ministère de l’Agriculture promet que la majorité des bénéficiaires recevront leur aide « dans les 24 heures » suivant la réouverture.
Le transport aérien en crise
Les répercussions sur l’aviation ont été spectaculaires. Contrôleurs aériens et agents de sécurité (TSA) ont travaillé sans salaire pendant plus d’un mois, provoquant des vagues d’absences. À Atlanta, l’aéroport le plus fréquenté au monde, seulement 4 contrôleurs sur 22 se sont présentés au travail lors de la pire journée.
L’Agence fédérale de l’aviation (FAA) a forcé les compagnies aériennes à réduire leur capacité de vol jusqu’à 10% dans 40 grands aéroports. Du 8 au 11 novembre seulement, 8 000 vols ont été annulés. Les experts estiment qu’il faudra entre trois et sept jours pour rétablir la situation.
Des milliards évaporés
Le Bureau du budget du Congrès (CBO) évalue que la fermeture amputera la croissance du quatrième trimestre de 1 à 2 points de pourcentage. Goldman Sachs table désormais sur une croissance de 1% ce trimestre, contre 3 à 4% au trimestre précédent. Chaque semaine de paralysie a coûté environ 7 milliards.
Même avec la réouverture, le CBO estime que 7 à 14 milliards seront perdus définitivement : repas au restaurant annulés, voyages abandonnés, services jamais rendus.
La fermeture a aussi créé un trou noir statistique. Les 750 000 fonctionnaires chargés de collecter les données économiques étaient en congé forcé. Résultat : aucune publication officielle sur l’emploi, l’inflation, les ventes au détail ou le PIB, compliquant les décisions de la Réserve fédérale et des investisseurs dans un contexte économique déjà incertain.
La menace des primes d’assurance
Le dossier le plus explosif reste en suspens. Si les subventions de l’Obamacare expirent comme prévu le 31 décembre, les conséquences seront brutales :
- Les primes moyennes des bénéficiaires passeront de 888 $ à 1 904 $ par an, une hausse de 114%
- Les Américains gagnant plus de quatre fois le seuil de pauvreté perdront toute aide
- Un couple de 60 ans gagnant 85 000 $ verrait ses primes annuelles grimper de 22 600 $
- Plus de 2 millions de personnes pourraient perdre leur couverture
Le Sénat doit voter sur une prolongation début décembre, mais les républicains ont déjà signalé leur opposition. L’administration Trump évoque vaguement un système de paiement direct aux assurés, mais sans préciser comment.
Un répit fragile
La réouverture n’est qu’une trêve. Le financement ne court que jusqu’au 30 janvier, créant une nouvelle échéance dans moins de trois mois. Sans accord, la menace d’une nouvelle paralysie plane déjà.
Les 650 000 employés en congé doivent maintenant rattraper six semaines de retard. Et avec l’Action de grâce qui approche la semaine prochaine, l’industrie aérienne court contre la montre pour éviter le chaos pendant la période de voyage la plus intense de l’année.
Cette crise historique illustre l’ampleur du blocage partisan à Washington. Pour les Américains, la réouverture soulage, mais entre l’incertitude budgétaire persistante et la crise de l’assurance santé qui se dessine, les difficultés sont loin d’être terminées.


