Alors que les États-Unis et l’Iran se préparent à des pourparlers nucléaires à Oman ce samedi 12 avril, les tensions entre les deux nations atteignent des sommets inégalés depuis des années. L’Iran a placé ses forces militaires en état d’alerte maximale, tandis que les États-Unis intensifient leur campagne aérienne contre les Houthis au Yémen, groupe soutenu par Téhéran.
Une escalade militaire inquiétante
Le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a ordonné aux forces armées iraniennes de se mettre en état d’alerte maximale face aux menaces américaines croissantes. Cette décision intervient après que le président américain Donald Trump a déclaré le 30 mars que si l’Iran ne parvenait pas à un accord sur son programme nucléaire, il y aurait « des bombardements comme ils n’en ont jamais vu auparavant ».
L’Iran a également adressé des avertissements directs à ses voisins, notamment l’Irak, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Qatar, la Turquie et Bahreïn, les prévenant que toute assistance fournie aux États-Unis pour lancer une attaque sur le sol iranien, y compris l’utilisation de leur espace aérien, serait considérée comme un « acte hostile » qui placerait ces pays « dans la ligne de tir iranienne ».
Opération « Rough Rider » : les États-Unis frappent les Houthis
Depuis le 15 mars 2025, les États-Unis mènent une vaste campagne de frappes aériennes et navales contre les cibles houthies au Yémen, baptisée « Opération Rough Rider ». Cette opération représente la plus importante action militaire américaine au Moyen-Orient durant le second mandat de Donald Trump.
Le 4 avril, une frappe aérienne américaine précise a tué 70 personnes à Al-Hudaydah, dont des commandants houthis de haut rang et des experts du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien. Selon le ministre yéménite de l’Information, Muammar al-Eryani, cette frappe a visé un site opérationnel clé utilisé pour coordonner des attaques terroristes contre des navires commerciaux et des pétroliers transitant par la mer Rouge, le détroit de Bab al-Mandab et le golfe d’Aden.
Les Houthis : un proxy iranien dans la région
Les Houthis, qui contrôlent une grande partie du Yémen, sont largement soutenus par l’Iran qui leur fournit des armes, des formations et du renseignement militaire. Selon le Conseil des relations étrangères (CFR — Council on Foreign Relations), l’Iran est le principal bienfaiteur des Houthis et cette alliance a considérablement renforcé les capacités militaires du groupe.
Malgré les démentis officiels de Téhéran et des Houthis concernant ce soutien, des preuves substantielles indiquent que l’Iran fournit au groupe des missiles sophistiqués et des drones qui seraient autrement impossibles à fabriquer indépendamment. En mars 2017, Qassem Soleimani, alors chef de la Force Al-Qods du CGRI, avait rencontré des responsables iraniens pour chercher des moyens « d’autonomiser » les Houthis, notamment par « la formation, les armes et le soutien financier ».
Le CGRI : fer de lance de la stratégie iranienne
Le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) est une force d’élite militaire iranienne désignée comme organisation terroriste étrangère par les États-Unis en 2019. Cette désignation a ajouté une couche supplémentaire de sanctions contre ce groupe militaire d’élite iranien.
En réponse à cette désignation, l’Iran avait alors qualifié le Commandement central américain (CENTCOM) d’entité terroriste. Le général Mohammad Ali Jafari, alors commandant en chef du CGRI, avait averti que sa force d’élite avait la main haute dans la région sur les forces américaines.
Des pourparlers nucléaires sous haute tension
Malgré ces tensions, l’Iran a accepté des pourparlers « de haut niveau » avec les États-Unis à Oman le 12 avril 2025. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, et l’envoyé spécial américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff, dirigeront les négociations.
Cependant, il est très peu probable que l’Iran accepte certaines des exigences américaines rapportées, notamment des limites significatives à son enrichissement d’uranium, une diminution du soutien à ses proxys dans l’Axe de la Résistance, et des restrictions à son programme de drones et de missiles.
Dans un éditorial publié mardi dans le Washington Post, Araghchi a évoqué « un important mur de méfiance » et « de sérieux doutes quant à la sincérité des intentions » américaines, qui ont été intensifiées par la résurgence de la stratégie de « pression maximale » des États-Unis à l’approche des négociations.
L’Iran poursuit sa stratégie d’influence régionale
Malgré les affirmations selon lesquelles certains groupes soutenus par l’Iran en Irak auraient accepté de se désarmer pour éviter un conflit avec l’administration Trump, des sources diplomatiques régionales qualifient ces efforts de « ruse ». Selon un rapport du Times of London, l’Iran a transféré de nouveaux missiles à longue portée à des groupes proxy en Irak au cours de la semaine dernière.
Ces livraisons du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) comprennent des missiles surface-surface qui pourraient atteindre l’Europe, ainsi que des missiles de croisière Quds 351 et des missiles balistiques Jamal 69 à plus courte portée.
Une coordination Iran-Chine-Russie face aux pressions américaines
L’Iran continue de coordonner sa position avec la Chine et la Russie sur les questions nucléaires avant les pourparlers avec les États-Unis, illustrant davantage l’interaction entre les principaux adversaires américains. Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères pour les affaires juridiques et internationales, Kazem Gharibabadi, a rencontré ses homologues chinois et russes à Moscou le 8 avril pour discuter de la question nucléaire iranienne et de la levée des sanctions.
Alors que les tensions continuent de monter, le monde observe avec inquiétude cette dangereuse partie d’échecs géopolitique dont l’issue pourrait redessiner l’équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient.