La plus haute instance judiciaire de l’Ontario a tranché : les restrictions qui interdisaient les manifestations pacifiques pendant plusieurs semaines au printemps 2021, en pleine pandémie de COVID-19, étaient inconstitutionnelles. Cette décision historique, rendue le lundi 7 avril 2025, donne raison à l’ancien député provincial Randy Hillier dans sa contestation des mesures sanitaires imposées par le gouvernement ontarien.
Une victoire juridique pour Randy Hillier
La Cour d’appel de l’Ontario a unanimement conclu que les limites imposées aux rassemblements entre le 17 avril et le 22 mai 2021 violaient l’article 2(c) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège la liberté de réunion pacifique, et ce, d’une manière qui ne pouvait être justifiée en vertu de l’article 1.
Randy Hillier, ancien député indépendant représentant la circonscription de Lanark-Frontenac-Kingston, faisait face à plusieurs accusations pour avoir organisé ou participé à des manifestations contre les mesures sanitaires, notamment à Kemptville le 8 avril 2021 et à Cornwall le 1er mai 2021. Ces accusations pouvaient entraîner des amendes allant jusqu’à 100 000 $ et jusqu’à un an d’emprisonnement.
Concernant l’appel, M. Hilier a déclaré que cela « deviendra un jour historique au Canada; soit un jour à célébrer, soit un jour dont on se souviendra avec honte. La Cour d’appel de l’Ontario déterminera si les Canadiens sont fondamentalement libres de se rassembler et de manifester pacifiquement contre les politiques gouvernementales comme un droit inaliénable, ou si les politiciens ont le droit de criminaliser leur opposition politique ».
Une interdiction totale jugée excessive
Dans sa décision, le juge Peter Lauwers a souligné que le gouvernement ontarien avait accordé des exemptions pour certains types de rassemblements, comme les mariages et les funérailles, mais avait imposé une « interdiction totale » des manifestations.
« L’effet de cette interdiction était d’étouffer les rassemblements visant à exprimer une opposition collective à l’interdiction elle-même », a noté la cour, ajoutant que les manifestations extérieures sont « particulièrement efficaces pour amplifier les voix minoritaires et exprimer la dissidence politique ».
Le tribunal a également relevé qu’aucune preuve n’indiquait que la province avait même envisagé une exemption pour les manifestations politiques extérieures. « Un tel résultat serait totalement contraire à l’objectif de la Charte de protéger le libre exercice des libertés fondamentales contre les actions limitatives du gouvernement », précise le jugement.
Une erreur d’application du test juridique
Le panel de trois juges a unanimement conclu que le juge de première instance avait incorrectement appliqué le test juridique nécessaire en examinant l’impact des restrictions de manière générale plutôt que spécifiquement sur le droit de réunion pacifique.
« La pandémie a posé des défis considérables pour l’Ontario, mais la Constitution ne s’efface pas en temps de crise », a souligné le juge Lauwers dans sa décision.
Des implications pour d’autres poursuites
Hillier a accueilli favorablement la décision lundi ainsi que la reconnaissance par la cour de l’importance du droit de manifester, affirmant qu’il avait passé les dernières années à se battre pour ce qu’il croit être juste.
Lorsque ceux qui manifestent contre les décisions gouvernementales sont criminalisés, a-t-il dit, « il n’y a pas de démocratie ».
L’ancien député a indiqué qu’il faisait initialement face à environ deux douzaines d’accusations liées à des manifestations contre la COVID-19 dans diverses communautés, dont Kemptville et Cornwall. Toutes sauf cinq ont maintenant été retirées ou suspendues.
John Carpay, président du Justice Centre for Constitutional Freedoms, qui a soutenu la contestation juridique de Hillier, a déclaré : « Il est rafraîchissant de voir un tribunal faire son travail de protection de nos libertés garanties par la Charte, en tenant le gouvernement à un standard élevé. Il n’y avait aucune base scientifique derrière l’interdiction totale de l’Ontario sur toutes les manifestations extérieures ».
Le tribunal accorde quelques semaines aux parties pour proposer des mesures concrètes afin de réparer les torts causés.